Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2016, Mme A...B..., représentée par Me Sulli, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1507821/5-2 du 15 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 5 février 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son avocat, Me Sulli, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le signataire de la décision de refus de séjour était incompétent ;
- la décision de refus de séjour, qui ne fait pas apparaître que sa situation aurait été examinée au regard de la circulaire du 28 novembre 2012, est insuffisamment motivée ;
- elle peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien ou sur celui de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une personne incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant la durée du délai de départ volontaire a été signée par une personne incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle viole les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire, enregistré le 8 juin 2016, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens de légalité externe doivent être rejetés par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de MmeB... ;
- le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer au préfet une obligation de motiver le choix du délai de départ volontaire consenti à l'étranger pour rejoindre son pays d'origine ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant au soutien des conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire.
Mme A...B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 décembre 2015.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Mme Sulli, avocate de Mme A...B....
1. Considérant que Mme A...B..., née le 3 janvier 1992, de nationalité algérienne, a sollicité le 19 mars 2014 un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, par un arrêté du 5 février 2015, le préfet de police a rejeté sa demande et assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours ; que Mme A...B...fait appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...B..., entrée en France en 2008 à l'âge de 16 ans, a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance à la suite d'une ordonnance rendue le 25 mai 2009 par le juge des enfants ; que cette prise en charge s'est poursuivie jusqu'à ses 18 ans, date à laquelle elle a conclu un contrat jeune majeur avec le département de Paris ; qu'elle a intégré à compter de février 2009 une classe d'accueil en troisième dans un lycée parisien et a suivi une scolarité de trois années, à l'issue de laquelle elle a obtenu un baccalauréat professionnel en juin 2012 ; que ses résultats scolaires et son comportement personnel, notamment sa participation à titre bénévole aux activités des associations Secours populaire français et Petits Frères des Pauvres, démontrent une réelle volonté d'intégration ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières propres à la présente espèce, notamment du jeune âge auquel Mme A...B...est arrivée sur le territoire national, de sa situation familiale, de la durée de sa résidence habituelle et des gages d'insertion sociale et professionnelle qu'elle présente, Mme A...B...est fondée à soutenir que l'arrêté du préfet de police en date du 5 février 2015 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; qu'il encourt, pour ce motif, l'annulation ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
4. Considérant que les motifs du présent arrêt impliquent nécessairement, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le préfet de police délivre à Mme A...B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée ;
5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative la somme demandée de 1 500 euros au conseil de Mme A...B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1507821/5-2 du 15 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 5 février 2015 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A...B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative à Me Sulli sous réserve qu'elle renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...B..., à Me Sulli, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- M. Blanc, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00259