Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1517501/1-3 du 25 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 juillet 2015 au motif qu'il aurait méconnu les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne justifie pas la notification par voie postale de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- s'agissant des autres moyens soulevés par le requérant en première instance, il entend se référer aux écritures présentées devant le Tribunal administratif de Paris.
La requête du préfet de police a été communiquée à M. A...qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dalle a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant malien né le 8 janvier 1972, entré en France le 28 juin 2013, selon ses déclarations, a demandé le 20 septembre 2013 un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile ; que, par un arrêté du 2 juillet 2015, le préfet de police, constatant que la demande d'asile de l'intéressé avait été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 19 mai 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 28 avril 2015, a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A...et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en prévoyant qu'à l'expiration de ce délai il pourrait être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établirait être légalement admissible ; que le préfet de police relève appel du jugement du 25 janvier 2016, par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
2. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné ; Sur la décision de refus de titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " ;
3. Considérant que le préfet de police produit, pour la première fois en appel, la copie d'un document établi le 23 juin 2015 à l'accueil de la CNDA, attestant de la remise en main propre le même jour à M. A...d'une ampliation de la décision de la CNDA, statuant sur son recours dirigé contre la décision de l'OFPRA ; que, dès lors, l'intéressé ne bénéficiait plus de son droit provisoire au séjour, en application des dispositions précitées de l'article L. 742-3, à la date à laquelle le préfet de police a, par l'arrêté contesté, refusé de lui accorder un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant son pays de destination ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police du 2 juillet 2015, au motif qu'il n'était pas établi que la décision de la CNDA eût été notifiée à M.A... ;
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A...à l'encontre des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;
5. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté n° 2015-00163 du 16 février 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 24 février 2015, le préfet de police a donné délégation à M. B...C..., adjoint au chef du 10ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale de la préfecture de police, qui est chargé, en vertu de l'arrêté n° 2014-00248 du 24 mars 2014 publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 7 avril 2014, de l'application de la réglementation relative au séjour des étrangers et des demandeurs d'asile, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté préfectoral du 2 juillet 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées manque en fait ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 2 juillet 2015 vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment celles du 8° de l'article L. 314-11 ; qu'il précise, en particulier, que la demande d'asile formée par M. A...a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA, qu'il ne peut donc lui être délivré de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 8 de l'article L. 314-11, que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie privée et familiale ; qu'en outre, il mentionne l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que le requérant n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, cet arrêté contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement tant de la décision de refus de séjour que de celles portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
8. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait privé M. A...de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avant de l'obliger à quitter le territoire français, doit être écarté ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et des libertés d'autrui " ;
10. Considérant, qu'il ressort des pièces du dossier que l'entrée sur le territoire français de M. A...est récente, que l'intéressé est célibataire, sans charge de famille en France et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante et un ans ; que, dans ces conditions, l'arrêté contesté ne porte pas au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, pour les mêmes raisons, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A... ;
11. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. " ;
12. Considérant que M. A...soutient avoir fait l'objet de menaces au Mali et dit craindre pour sa sécurité en cas de retour dans ce pays ; que, cependant, ses allégations ne sont assorties d'aucun commencement de justification ; qu'ainsi qu'il a été dit, sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et par la CNDA ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 juillet 2015 et à demander à la Cour de rejeter la demande présentée par M. A...devant cette juridiction ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1517501/1-3 du 25 janvier 2016 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- M. Blanc, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 juillet 2016.
Le rapporteur,
D. DALLELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00779