Procédure devant le Cour :
Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 10 et 30 juin 2021, Mme C... A..., représentée par Me Pigot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2004355 du 10 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 septembre 2019 du préfet du Val-de-Marne lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant son pays de renvoi ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant mention "vie privée et familiale" dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et dans l'attente de lui délivrer une autorisation de séjour l'autorisant à travailler, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet du Val-de-Marne a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme C... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- et les observations de Me Frydryszak, substituant Me Pigot pour Mme C... A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante gabonaise née le 18 août 1987, entrée en France le 1er janvier 2017 selon ses déclarations, a sollicité le 15 mai 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 10 septembre 2019, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination. Mme C... A... fait régulièrement appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le bien-fondé de leur réponse étant en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.
4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme C... A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de droit et d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
5. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'insuffisante motivation de la décision portant refus de titre de séjour qui sont repris en appel, en des termes identiques et sans élément nouveau, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 5 du jugement attaqué.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article
371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le père français du fils de B... A..., né le 27 octobre 2017, qui l'a reconnu le 9 octobre 2017, ne contribue pas à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Notamment, la production d'attestations, peu circonstanciées quant à la réalité de la paternité du père de l'enfant, par ailleurs marié et père de quatre enfants, et au demeurant établies postérieurement à la demande de titre de séjour en litige, et la production de deux versements par mandant et d'une facture d'achat de jouets enfantins, à elles seules, ne sauraient établir la réalité d'une telle contribution. Si l'intéressée se prévaut, en appel, d'un jugement du juge aux affaires familiales du 24 mars 2021, qui fixe la résidence de l'enfant au domicile de la mère avec un droit de visite et d'hébergement pour le père et qui fixe à cent euros par mois la contribution du père par enfant, ce jugement postérieur à l'arrêté attaqué, et non doté d'effet rétroactif, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.
8. En troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Mme C... A... est entrée en France le 1er janvier 2017 et a demandé la régularisation de sa situation à partir de l'année 2018 soit seulement le 27 octobre 2017, après la naissance de son enfant. Elle ne vit pas avec le père de son fils, et ne démontre pas que le centre de ses intérêts vitaux se situerait en France ni qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident sa mère, son fils aîné et une partie de sa fratrie, et qu'elle a quitté à l'âge de 29 ans. En outre, ainsi qu'il a été indiqué au point 7 du présent arrêt, la réalité de la contribution du père français de cet enfant à son éducation et à son entretien n'est pas établie par les pièces du dossier.
Enfin, la circonstance qu'elle bénéficie depuis le 3 juin 2019 d'un emploi en contrat d'insertion est sans incidence sur la réalité de sa vie privée et familiale en France. Par suite, Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, il n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
10. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
11. Eu égard à ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt, et à la circonstance que l'enfant de Mme C... A... ne vit pas avec son père, l'arrêté attaqué n'a pas pour effet de séparer cet enfant de son père. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit dès lors être rejeté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour prise à l'encontre de la requérante doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article
371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du présent arrêt.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. Les conclusions aux fins d'annulation de cette décision ne sont assorties d'aucun moyen ni de précisions de nature à permettre au juge d'en apprécier la légalité. Elles ne peuvent donc être accueillies.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions accessoires aux fins d'injonction sous astreinte et celles fondées sur les articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 février 2022 , à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- Mme Boizot, première conseillère,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03233