Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 novembre 2020 et le 22 février 2021, M. B..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2012442 du 29 octobre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il a été pris sans respect du droit d'être entendu ;
- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il peut se voir délivrer un titre de séjour de plein droit ;
- la décision de refus de délai de départ volontaire est mal motivée et repose sur un défaut d'examen de sa situation ;
- il ne présente aucun risque de fuite ;
- l'interdiction de retour d'une durée de trois ans est mal motivée.
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de M. B... a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit d'observation.
Par décision en date du 26 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
-le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon,
- et les observations de Me Berdugo pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 11 août 2020, le préfet de police a fait obligation à M. B..., ressortissant égyptien, né en 1993, de quitter le territoire sans délai, a désigné le pays de destination en cas d'exécution forcée et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de trois ans. La magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté, par un jugement du 29 octobre 2020, dont appel.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ".
3. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
4. M. B... a été interpelé le 10 août 2020 à la suite d'actes de violence qu'il est suspecté avoir commis sur la personne de son épouse, de nationalité française. Il ressort du procès-verbal de son audition le même jour par les forces de police qu'il a été interrogé sur les conditions de son entrée en France en 2010 et sur les faits qui lui sont reprochés, sans toutefois que ne soit évoquée la perspective de son éloignement. Dans ces conditions, M. B... a été privé de la possibilité de formuler des observations sur une mesure d'éloignement et est fondé à soutenir que l'arrêté du 11 août est irrégulier. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B..., ainsi que l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire et lui a fait interdiction de retour d'une durée de trois ans.
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police réexamine la situation de M. B... et lui délivre une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser la somme de 1 200 euros, à Me Berdugo, avocat de M. B..., à condition qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2012442 du 29 octobre 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 11 août 2020 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. B... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Soyez, président,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Fullana, première conseillère
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 octobre 2021.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
J.-E. SOYEZLa greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA03599 2