Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 décembre 2020 et 18 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1909419 du 4 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce même tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a refusé d'accueillir, pour confirmer l'arrêté litigieux, le motif dont il sollicitait la substitution, tiré de ce que M. B... constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave contre un intérêt fondamental de la société ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. B... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n°2004/38/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Soyez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant allemand, a été interpellé et auditionné le 1er mai 2019 pour participation à groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destructions de biens. Par un arrêté du 2 mai 2019, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Par un arrêté du même jour, il lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Cet arrêté a été annulé par un jugement du 4 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris dont le préfet de police relève appel.
2. En vertu des dispositions de l'article 6 de la directive du 29 avril 2004 visée
ci-dessus du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, les citoyens de l'Union ont le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une période allant jusqu'à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l'exigence d'être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité. Et aux termes de l'article 27 de cette directive : " 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques. /2. Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. /Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. / 3. Aux fins d'établir si la personne concernée représente un danger pour l'ordre public ou la sécurité publique, l'État membre d'accueil peut, lors de la délivrance de l'attestation d'enregistrement ou, s'il n'existe pas de système d'enregistrement, au plus tard dans les trois mois suivant l'entrée de la personne concernée sur son territoire ou à compter de la date à laquelle cette personne a signalé sa présence sur son territoire conformément à l'article 5, paragraphe 5, ou encore lors de la délivrance de la carte de séjour et s'il le juge indispensable, demander à l'État membre d'origine et, éventuellement, à d'autres États membres des renseignements sur les antécédents judiciaires de la personne concernée. Cette consultation ne peut avoir un caractère systématique. L'État membre consulté fait parvenir sa réponse dans un délai de deux mois. / 4. L'État membre qui a délivré le passeport ou la carte d'identité permet au titulaire du document qui a été éloigné d'un autre État membre pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique de rentrer sur son territoire sans aucune formalité, même si ledit document est périmé ou si la nationalité du titulaire est contestée. ". Aux termes du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) / que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. ". Et aux termes de l'article L. 511-3-2 de ce code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans. /L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de circulation sur le territoire français. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de circulation sur le territoire français, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France depuis un an au moins./ Cette condition ne s'applique pas :/1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; /2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2./Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables ".
3. A l'appui de la légalité de sa décision interdisant à M. B... de circuler en France pendant deux ans, le préfet de police, dans son mémoire en défense communiqué à l'intéressé, expose que le comportement du requérant constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Pour établir cette menace, il se fonde sur l'interpellation, le 1er mai 2019 à 15 h 30, de l'intéressé à proximité de la place d'Italie, où avaient éclatés des heurts entre les membres du groupe " Blacks blocs " et les forces de police, sur sa présence dans un attroupement, en vue de commettre des destructions ou dégradations de biens, en marge d'un mouvement social, sur la circonstance qu'il était vêtu de noir et avait le visage dissimulé afin de ne pas être identifié, et sur le fait qu'il n'a pas répondu aux questions des services de police lors de son audition. Mais si M. B... ne conteste à aucun moment sa participation au groupement mentionné ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait porté des armes ou commis, seul ou en groupe, des violences contre des personnes ou des biens, ce que corrobore d'ailleurs le classement sans suite de son dossier par le ministère public. Dans ces conditions, les faits reprochés par le préfet de police ne révèlent pas à eux seuls, dans les circonstances de l'espèce, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave portée par M. B... à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, au sens des dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Le préfet de police n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Paris a annulé, par le jugement attaqué, l'arrêté du 2 mai 2019.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président-assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 septembre 2021.
Le rapporteur,
J.-E. SOYEZLe président de chambre,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03771