Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2018, M.A..., représenté par l'AARPI Themis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1515041/6-2 du 28 septembre 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 13 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre à la présidente de la CNIL de lui communiquer la totalité de ces informations, dans un délai 15 jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré du défaut de motivation de la décision en litige ;
- cette décision n'est pas motivée, en violation de la loi du 11 juillet 1979 ;
- le droit d'accès aux informations le concernant a été méconnu sans motif le justifiant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par le requérant sont infondés.
La requête a été communiquée à la garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 14 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- le décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'article 1 du décret du 6 juillet 2011, en vigueur à la date de la décision à l'origine du litige, a autorisé le ministère de la justice à créer un traitement automatisé de données à caractère personnel relatives aux personnes placées sous main de justice et écrouées, dénommé gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), mis en oeuvre au sein de chaque établissement pénitentiaire. Ce traitement a notamment pour finalité la gestion de la détention des personnes placées sous main de justice et écrouées ainsi que la sécurité des détenus et des personnels. L'article 2 du décret prévoit que la prise en charge des détenus donne lieu à la tenue d'un cahier électronique de liaison destiné à faciliter la mise en oeuvre du parcours de détention, la prévention des comportements à risques, la tenue de la commission pluridisciplinaire unique de l'établissement pénitentiaire ainsi que la gestion des requêtes, des audiences, des rendez-vous, des visites et du courrier des détenus. L'article 4 du décret énumère limitativement les données à caractère personnel pouvant être enregistrées dans le traitement automatisé pour chacune des finalités de celui-ci. Son article 9 ouvre aux détenus des droits d'accès et de rectification s'exerçant directement auprès du directeur de l'établissement pénitentiaire sauf en ce qui concerne certaines données, à savoir les dates prévues des transferts et extractions, les prescriptions d'origine judiciaire ou pénitentiaire relatives à la prise en charge et au régime de détention du détenu, la désignation des locaux de l'établissement et la description des mouvements des détenus, pour lesquelles le droit d'accès s'exerce de manière indirecte auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dans les conditions prévues à l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978.
2. L'article 41 de la loi du 6 janvier 1978 dispose : " (...) La demande est adressée à la commission qui désigne l'un de ses membres appartenant ou ayant appartenu au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation ou à la Cour des comptes pour mener les investigations utiles et faire procéder aux modifications nécessaires. Celui-ci peut se faire assister d'un agent de la commission. Il est notifié au requérant qu'il a été procédé aux vérifications. / Lorsque la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, que la communication des données qui y sont contenues ne met pas en cause ses finalités, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique, ces données peuvent être communiquées au requérant (...) ". Selon l'article 88 du décret du 20 octobre 2005 : " Aux termes de ses investigations, la commission constate, en accord avec le responsable du traitement, celles des informations susceptibles d'être communiquées au demandeur dès lors que leur communication ne met pas en cause les finalités du traitement, la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique. Elle transmet au demandeur ces informations. (...)/ Lorsque le responsable du traitement s'oppose à la communication au demandeur de tout ou partie des informations le concernant, la commission l'informe qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / (...) En cas d'opposition du responsable du traitement, la commission se borne à informer le demandeur qu'il a été procédé aux vérifications nécessaires. / (...) La réponse de la commission mentionne les voies et délais de recours ouverts au demandeur. " ;
3. M.A..., alors en détention à la maison d'arrêt de Grasse, a demandé au directeur de l'établissement, par une lettre datée du 5 juin 2014, de lui communiquer la totalité des informations le concernant figurant dans le traitement GIDE, y compris celles enregistrées dans le cahier électronique de liaison. Le directeur ayant transmis à la CNIL cette demande, en tant qu'elle concernait les données pour lesquelles seul un droit d'accès indirect est ouvert, la présidente de cette autorité, par une lettre datée du 13 mars 2015 a informé M. A...de ce qu'un magistrat avait procédé à l'ensemble des vérifications exigées par l'article 41 de la loi du 6 janvier 1978, lui a rappelé que les informations communicables avaient été portées à sa connaissance le 12 mars 2015 et lui a indiqué qu'un recours pour excès de pouvoir " contre le ministère de la justice " lui était ouvert devant le Tribunal administratif. Tant la demande portée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris que sa requête devant la Cour doivent être regardées comme tendant à l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice de ne pas lui communiquer certaines des données contenues dans le traitement GIDE, dont l'existence a été révélée par la lettre datée du 13 mars 2015.
4. Contrairement à ce que soutient M. A...pour critiquer la régularité du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a répondu au moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée dans le jugement avant dire droit lu le 17 janvier 2017 par lequel il a ordonné un supplément d'instruction et n'avait pas à examiner à nouveau ce moyen dans le jugement lu le 28 septembre 2017 par lequel il a mis fin au litige.
5. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges dans les conditions rappelées au point 4.
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration aurait refusé à M. A... l'accès à des données pour lesquelles un droit d'accès direct lui était ouvert par l'article 9 du décret du 6 juillet 2011. S'agissant des données pour lesquelles seul un droit d'accès indirect lui était ouvert, le ministre a fait notamment valoir dans le mémoire produit après le jugement avant dire droit que les consignes sur les mesures de sécurité concernant le requérant ne pouvaient pas lui être communiquées sans compromettre les finalités du traitement. M.A..., en se bornant à soutenir qu'il est un détenu modèle au comportement irréprochable, n'avance aucun élément permettant de contredire sérieusement l'appréciation ainsi faite par l'administration.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à la Commission nationale de l'informatique et des libertés et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 juin 2019.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA01259 2