Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2018, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1810664/8 du 20 août 2018 de la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a considéré que le transfert de M. B...aux autorités allemandes était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, motif pris des risques courus en cas de retour en Afghanistan, alors que ce transfert n'a ni pour objet, ni pour effet un renvoi vers ce pays, qu'il n'est pas établi que les autorités allemandes prendront une telle mesure et qu'il n'est pas davantage établi l'existence de ces risques ;
- les autres moyens soulevés en première instance par le requérant étaient infondés.
La requête du préfet de police a été communiquée à M.B..., qui en a accusé réception le 31 octobre 2018.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 7 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les observations de Me Atger, avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. L'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ;
2. Il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont accepté le 24 avril 2018 la reprise en charge de M.B..., ressortissant afghan ayant présenté une demande d'asile en France le 9 avril 2018, sur le fondement des dispositions du d) du 1. de l'article 18 du règlement mentionné au point 1, en vertu desquelles l'Etat membre responsable de la demande de protection internationale d'un étranger est tenu de reprendre en charge le ressortissant de pays tiers dont la demande a été rejetée et qui a présenté sa demande dans un autre Etat membre. Même si cette présomption n'est pas irréfragable, l'Allemagne est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. Si la demande d'asile présentée en Allemagne par M. B...a été rejetée et s'il ressort des pièces produites par le requérant en première instance que l'Allemagne, à la date de la décision de transfert en litige, ne s'interdisait pas de reconduire en Afghanistan des ressortissants de ce pays, l'existence d'un risque sérieux que tel soit le cas pour M.B..., qui ne fournit aucun élément sur les raisons pour lesquelles sa demande d'asile a été rejetée, n'indique pas s'il s'était prévalu de la protection subsidiaire et ne soutient pas qu'il ne serait pas à même d'exercer un recours effectif contre une éventuelle mesure d'éloignement prise par les autorités allemandes, n'est pas établie. Il s'ensuit que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté du 15 juin 2018 par lequel le préfet de police a décidé le transfert de M. B...aux autorités allemandes au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, en raison des risques de refoulement de l'intéressé vers l'Afghanistan.
3. Il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif.
4. Le préfet de police justifie de l'existence de la délégation de signature consentie à M. C... A..., attaché d'administration de l'Etat, chef du 12ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers par la production de l'arrêté n° 2018-00380 du préfet de police du 25 mai 2018 publié au Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 1er juin 2018.
5. L'arrêté du 15 juin 2018 du préfet de police vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M.B..., précise que la consultation du système Eurodac a montré qu'il était connu des autorités allemandes auprès desquelles il avait sollicité l'asile, indique la date de cette demande, explique les raisons pour lesquelles les autorités allemandes doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de M. B...et mentionne tant la date à laquelle elles ont été saisies que celle à laquelle elles ont accepté la reprise en charge de l'intéressé. Cette motivation, qui permet d'identifier le critère du règlement communautaire dont il a été fait application, est conforme aux exigences de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il ressort des motifs de son arrêté que le préfet de police, qui a examiné la situation de M. B...au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne s'est pas cru en situation de compétence liée pour ordonner le transfert de l'intéressée aux autorités allemandes et qu'il a dès lors procédé à un examen particulier de sa situation.
7. Il ressort des pièces produites par le préfet de police, d'une part, que M. B...a reçu l'information exigée par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 dans une langue qu'il comprend et bénéficié d'un entretien dans des conditions régulières au regard des dispositions de l'article 5 du même règlement, d'autre part, que les autorités allemandes ont accepté de le reprendre en charge.
8. Dès lors que l'Allemagne, au terme de la procédure de détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile de M. B...qu'elle a nécessairement conduite, s'est reconnue responsable et a examiné sa demande d'asile, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance prétendue des critères de détermination de l'Etat responsable pour soutenir qu'il aurait dû être transféré en Grèce ou en Autriche et que le préfet de police a tardé à saisir les autorités de l'un ou l'autre de ces Etats.
9. Pour les motifs indiqués au point 2, l'arrêté du 15 juin 2018 du préfet de police, qui n'implique pas le renvoi de M. B...en Afghanistan, n'est pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 juin 2018 et lui a enjoint de réexaminer la situation administrative de M.B.... La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris doit en conséquence être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1810664/8 du 20 août 2018 de la magistrate désignée par la présidente du Tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles le jugement mentionné à l'article 1er avait fait droit sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03168