Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2018, Mme A...épouseB..., représentée par Me Atger, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1714512/5-1 du 18 janvier 2018 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 25 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer ainsi qu'à son fils Rami un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour avec une autorisation de travail dans un délai de deux mois, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Atger au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen personnalisé ;
- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration ;
- le préfet a omis d'examiner la situation de fils au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 17 décembre 1968 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête de Mme A...épouseB....
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme A...épouse B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 6 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles
R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stoltz-Valette,
- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,
- et les observations de Me Atger, avocate de Mme A...épouseB....
1. Considérant que Mme A...épouseB..., ressortissante algérienne est entrée en France le 11 avril 2014 selon ses déclarations, sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention " visiteur " ; qu'après avoir obtenu une autorisation provisoire de séjour en tant qu'accompagnant d'un enfant malade le 24 juin 2016, renouvelée jusqu'au 20 novembre 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de l'état de santé de son fils Rami ; que, par un arrêté du 25 août 2017, le préfet de police a rejeté cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme A...épouse B...relève appel du jugement du 18 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de titre de séjour contestée, qui vise notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, l'article L. 511-1 et l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne également différents éléments de la situation personnelle et familiale de Mme A...épouseB..., notamment l'état de santé de son fils Rami ; qu'elle contient ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de police pour rejeter sa demande de titre de séjour et répond aux exigences de motivation des articles L. 211-2 et
L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; que, par suite, cette décision est suffisanment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A...épouse B...au regard de son droit au séjour avant de prendre la décision attaquée ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de police se soit cru lié par l'avis rendu par le collège des médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration, contrairement à ce que soutient la requérante ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de police, qui n'était pas tenu de viser les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, n'aurait pas, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant de la requérante ;
6. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète et exclusive les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de la validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; qu'aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. " ; que, si les dispositions de l'article L. 311-12 ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme A...épouseB..., né le 10 octobre 2000, souffre d'une diplégie spastique qui nécessite une prise en charge médicale, orthopédique, neurologique, ophtalmologique et psychologique et pour laquelle la Maison Départementale des Personnes Handicapées lui a reconnu un taux d'incapacité de 80 % justifiant qu'il bénéficie d'une prise en charge pluridisciplinaire ; que le collège des médecins de l'office français de l'intégration et de l'immigration a, par un avis du 16 juillet 2017, estimé que si l'enfant Rami nécessitait " une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut bénéficier d'un traitement approprié " ; que Mme A...épouse B...fait valoir que depuis qu'ils vivent en France, son fils a pu bénéficier de soins adaptés, ainsi que d'une scolarisation dont il a été privé en Algérie à compter de 2009, et que depuis septembre 2017 il est inscrit dans un établissement de formation professionnelle pour adolescents handicapés ; que Mme A... épouse B...produit plusieurs attestations de médecins spécialistes qui se bornent à indiquer que la prise en charge proposée en France n'existe pas en Algérie ; que, toutefois, le préfet de police produit une liste de structures médicales pouvant prendre en charge le suivi médical de l'enfant dans sa ville natale ou à Alger ; qu'en outre, si Mme A...épouse B...se prévaut de l'inscription de son fils dans un établissement spécialisé, au demeurant postérieure à la décision contestée, il ressort des pièces produites par le préfet de police qui ont trait à la mise en place d'un programme d'appui financé par l'Union européenne, qu'un dispositif dédié spécifiquement à l'insertion professionnelle des personnes handicapées a été mis en place en Algérie ; que, dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police, en refusant, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de régulariser sa situation en raison de l'état de santé de son enfant, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une erreur de droit ;
8. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
9. Considérant que si Mme A...épouse B...fait valoir qu'elle séjourne en France depuis le 11 avril 2014 aux côtés de son enfant mineur malade et qu'elle travaille en qualité de garde d'enfants, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où résident son époux, ses trois autres enfants et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans ; que dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle ne méconnaît ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfant mineurs, mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;
11. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le fils de Mme A...épouse B...ne pourrait pas être scolarisé ni bénéficier d'une rééducation et de soins adaptés en Algérie ; que la décision attaquée n'a pas pour effet de séparer l'enfant de sa mère, alors même que son père demeure toujours en Algérie ; qu'il ressort de ce qui précède que la décision attaquée n'a pas violé les stipulations précitées ;
12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9 le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...épouse B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...épouse B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
A. STOLTZ-VALETTELe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01571