Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2016, le centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par la SELARL Jurispol, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600034 du 11 octobre 2016 du Tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de la Polynésie française auxquelles il a été fait droit ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité n'est pas applicable en Polynésie française et l'assemblée de la Polynésie française est exclusivement compétente pour décider d'instaurer en Polynésie un pacte civil de solidarité ;
- il n'est pas tenu de prendre en compte le pacte civil de solidarité dès lors que l'assemblée de la Polynésie française n'a pas institué en Polynésie un dispositif comparable ;
- le principe d'égalité n'impose pas de traiter de manière identique les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité dès lors que ces deux catégories de personnes sont placées dans des situations juridiques différentes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2017, M.A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 500 euros soit mis à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier de la Polynésie française ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 2004-15 APF du 22 janvier 2004 relative aux agents non titulaires des services et des établissements publics administratifs de la Polynésie française ;
- la décision n° 2015-9 LOM du 21 octobre 2015 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.
1. Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la délibération 2004-15 APF du 22 janvier 2004 : " Lorsque l'agent non titulaire est recruté à l'extérieur de la Polynésie française et qu'il a sa résidence principale en dehors de la Polynésie française, il bénéficie : (...) de la prise en charge des billets d'avion par voie aérienne en classe économique depuis l'aéroport d'embarquement de son pays d'origine jusqu'au lieu d'affectation et retour. (...) " ; qu'en vertu de l'article 24 de cette même délibération : " Lorsque l'agent non titulaire est recruté à l'extérieur de la Polynésie française et qu'il a sa résidence principale en dehors de la Polynésie française, les avantages visés à l'article 23 sont accordés aux membres de sa famille qui l'accompagnent ou qui le rejoignent (...) Les membres de la famille s'entendent de l'époux, l'épouse et les enfants à charge au sens de la réglementation sur les prestations familiales de la Caisse de prévoyance sociale. " ;
2. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
3. Considérant que l'objet poursuivi par les dispositions précitées de la délibération du 22 janvier 2004, en prévoyant que la prise en charge des frais occasionnés par le changement de résidence d'un agent public contractuel est accordée à la personne avec laquelle il est marié, est de tenir compte des sujétions imposées à ce conjoint par le transfert de résidence du couple dans le lieu d'affectation où se poursuivra la vie commune ; que, compte tenu de cet objet, si l'assemblée de la Polynésie française pouvait prendre en considération, pour déterminer les bénéficiaires de cette prise en charge, la nature des liens qui unissent l'agent à la personne avec laquelle il a choisi de partager son existence, elle ne pouvait, sans créer une différence de traitement manifestement disproportionnée par rapport aux différences qui séparent le mariage d'une situation de concubinage stable et continu, comme celle des partenaires d'un pacte civil de solidarité, réserver les avantages prévus par les dispositions précitées de la délibération du 22 janvier 2004 aux seuls couples mariés ; que la circonstance que la Polynésie française a choisi, en exerçant les compétences qu'elle tient de la loi organique, dans l'interprétation que lui a donnée le Conseil constitutionnel, de ne pas instituer le pacte civil de solidarité, ne l'autorise pas à traiter de manière contraire au principe d'égalité devant la loi les couples liés par un tel pacte, qui s'apparente à une situation de concubinage stable et continu ; qu'ainsi, le centre hospitalier ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées de la délibération du 22 janvier 2004, entachées d'illégalité, pour refuser à M.A..., embauché en qualité de praticien hospitalier spécialisé en anesthésiologie et réanimation chirurgicale par un contrat à durée déterminée valable du 19 aout 2015 au 31 août 2016, la prise en charge du billet d'avion aller de MmeC..., mère de ses deux enfants nés le 25 mars 2006 et le 5 novembre 2008, avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité enregistré au greffe du Tribunal de grande instance de Grenoble le 20 octobre 2004 ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de la Polynésie française n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la décision du 19 janvier 2016 du directeur du centre hospitalier et lui a enjoint de rembourser à M. A...le billet d'avion aller de sa partenaire ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier de la Polynésie française demande à ce titre ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de la Polynésie française est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier de la Polynésie française versera à M. A...une somme de
1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de la Polynésie française et à M. D... A....
Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03743