Procédure devant la cour :
Par une requête, des mémoires complémentaires et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 27 janvier 2020, 9 février, 15 avril, 24 juin et 1er octobre 2021, M. B..., représenté par Me Toison, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la restitution demandée ;
3° de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
M. B... soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- l'article 119 bis du code général des impôts ne déterminant pas l'assiette de la retenue à la source sur les dividendes de source française à laquelle sont assujettis les non-résidents, celle-ci doit être réduite de l'abattement de 40 % prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts, dont le bénéfice n'est pas réservé aux résidents français ; les dividendes soumis à retenue à la source ne figurent pas au nombre des revenus exclus du bénéfice de l'abattement par le 3° du même article ; dans leur version applicable au litige, les dispositions du 1° de cet article ne faisaient pas référence au revenu net global, ce qui confirme que l'abattement doit bénéficier également aux non-résidents ;
- les articles 164 A et 164 B du code général des impôts prévoient une taxation identique des revenus de valeurs mobilières françaises perçus par les résidents et non-résidents ; c'est à tort que le tribunal s'est référé aux travaux parlementaires de la loi du 29 décembre 1976 dont sont issues ces dispositions pour en déduire à tort que le législateur avait entendu exclure les non-résidents du bénéfice de cet abattement ; l'assiette de taxation doit être identique pour les résidents et non-résidents, dès lors que la retenue à la source est une simple modalité de recouvrement de l'impôt sur le revenu et non une catégorie distincte d'imposition ; le mode de perception du revenu ne modifie pas sa qualification au sens de la convention fiscale franco-belge ;
- en se référant aux produits visés aux articles 108 à 117 bis, le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ne détermine ni l'assiette, ni le taux de la retenue à la source ; il ne peut en être déduit que ces produits doivent être pris en compte pour leur montant brut ; ces dispositions doivent être combinées, pour la détermination de la base d'imposition, avec celles des articles 164 A et 158 du code général des impôts ;
- l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts est illégal en ce qu'il méconnaît la loi fiscale ; un texte règlementaire ne peut légalement modifier une règle d'assiette ; ni ces dispositions règlementaires, ni l'instruction référencée BOI 5 I-2-05 du 11 août 2005, ne peuvent fonder l'imposition ;
- les résidents belges qui perçoivent des dividendes de source française doivent bénéficier d'un avoir fiscal en vertu de la convention fiscale franco-belge, ou de l'abattement de 40 % dès lors que celui-ci a remplacé l'avoir fiscal ;
- la différence de traitement entre résidents et non-résidents méconnaît le principe de liberté de circulation des capitaux ; elle est constitutive d'une discrimination prohibée par le droit de l'Union ; la discrimination est constituée dès lors que les règles d'imposition sont défavorables, sans qu'il y ait lieu de comparer l'imposition contestée avec la charge fiscale effective d'un résident placé dans la même situation ; le refus de l'abattement pour les non-résidents conduit à une double imposition économique ; la question de la conformité au Traité du refus de l'abattement aux non-résidents pose une difficulté sérieuse justifiant la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
1. M. et Mme B..., résidents fiscaux belges, ont acquitté une retenue à la source au taux conventionnel de 15 % de 87 529,75 euros sur les dividendes de source française qu'ils ont perçus au cours de l'année 2015. M. B..., en son nom personnel et au nom de son épouse décédée, relève appel du jugement du 1er octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution partielle de cette imposition, à concurrence de la somme de 35 011,90 euros correspondant à une réduction en base de 40 %.
Sur l'application de la loi fiscale nationale :
2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " Aux termes de l'article 4 bis du même code, applicable au revenus non-professionnels : " Sont également passibles de l'impôt sur le revenu : (...) 2° Les personnes de nationalité française ou étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. "
3. D'une part, aux termes du premier alinéa du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France, (...) ". Aux termes de l'article 199 quater A du même code : " La retenue prévue au 2 de l'article 119 bis libère les contribuables fiscalement domiciliés hors de France de l'impôt sur le revenu dû en raison des sommes qui ont supporté cette retenue. " Aux termes du 1 de l'article 48 à l'annexe II du même code : " La retenue à la source mentionnée au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts est liquidée sur le montant brut des revenus mis en paiement. " Il résulte des dispositions précitées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts que sont exclues du champ de la retenue à la source les distributions qui bénéficient à des personnes soumises à l'impôt sur le revenu des personnes physiques ou à l'impôt sur les sociétés, à raison d'un revenu ou d'un bénéfice de source française comprenant notamment ces distributions.
4. D'autre part, aux termes de l'article 164 A du code général des impôts : " Les revenus de source française des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France. Toutefois, aucune des charges déductibles du revenu global en application des dispositions du présent code ne peut être déduite. ". Aux termes du I de l'article 164 B du même code : " Sont considérés comme revenus de source française : (...) b. Les revenus de valeurs mobilières françaises et de tous autres capitaux mobiliers placés en France ; (...) ".
5. En premier lieu, il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 2 à 4 que les retenues à la source prélevées sur les revenus de capitaux mobiliers perçus par les personnes qui ne sont pas résidents fiscaux en France sont libératoires et constituent, non une simple modalité de perception de l'impôt sur le revenu, mais une imposition distincte de ce dernier. L'article 158 du code général des impôts, relatif à la détermination des revenus catégoriels entrant dans la composition du revenu net global soumis à l'impôt sur le revenu, ne leur est par suite pas applicable. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'assiette de ces retenues à la source doit se voir appliquer l'abattement de 40 % prévu au 2° du 3 de l'article 158 du code général des impôts ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, il résulte des travaux préparatoires relatifs à l'article 4 de la loi du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d'imposition des Français de l'étranger ainsi que des autres personnes non domiciliées en France, codifié à l'article 164 A du code général des impôts, que les dispositions de cet article s'appliquent aux revenus de source française perçus par les personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal en France passibles, en application du second alinéa de l'article 4 A du même code, de l'impôt sur le revenu à raison de ces revenus, à l'exception, notamment, des revenus soumis à une retenue à la source libératoire de l'impôt sur le revenu tels les dividendes distribués par des sociétés établies en France à des actionnaires non-résidents en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts et de l'article 199 quater A du même code précités. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 164 A du code général des impôts doivent être appliquées pour déterminer le revenu imposable au titre de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts doit être écarté.
7. En troisième lieu, les dispositions précitées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, qui se bornent à renvoyer, pour la détermination de l'assiette de la retenue à la source qu'elles instituent, aux produits visés aux articles 108 à 117 bis du même code, doivent être regardées comme prévoyant que la retenue s'applique au montant brut de ces produits. Par suite, l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts a pu légalement prévoir que la retenue à la source était liquidée sur le montant brut des revenus mis en paiement.
8. Enfin, la retenue à la source en litige a été établie conformément aux dispositions des articles 119 bis, 119 quater et 187 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction BOI 5 I-2-05 du 11 août 2005 ne pourrait légalement fonder l'imposition contestée ne peut qu'être écarté comme inopérant.
Sur l'application de la convention fiscale franco-belge :
9. Aux termes de l'article 15 de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique : " 1. Les dividendes ayant leur source dans un Etat contractant qui sont payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Toutefois, sous réserve des dispositions du paragraphe 3, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / (...) b) 15 p. cent du montant brut des dividendes (...) / 3. Les dividendes payés par une société résidente de la France qui donneraient droit à un avoir fiscal s'ils étaient reçus par des résidents de la France ouvrent droit, lorsqu'ils sont payés à une personne physique résidente de la Belgique, au paiement de l'avoir fiscal après déduction de la retenue à la source calculée au taux de 15 p. cent sur le dividende brut constitué par le dividende mis en distribution augmenté de l'avoir fiscal ".
10. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'assiette de la retenue à la source acquittée par M. et Mme B... a été déterminée en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts. Les stipulations précitées de la convention fiscale conclue entre la France et la Belgique ne prévoyant aucune règle d'assiette, elles ne peuvent faire obstacle à l'application des dispositions prévues par la loi fiscale française. Le moyen tiré de ce que les stipulations de la convention bilatérale conclue entre la France et la Belgique doivent conduire à appliquer d'autres dispositions du code général des impôts ne peut, par suite, qu'être écarté.
11. En outre, M. B... ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées du paragraphe 3 de l'article 15 de la convention fiscale franco-belge, qui sont relatives à l'avoir fiscal, lequel a été supprimé au 31 décembre 2004 en droit interne français, et non à l'abattement en litige institué au 1er janvier 2005. La seule circonstance que ces stipulations de la convention n'ont pas été modifiées est sans incidence sur la portée des dispositions relatives à l'abattement de 40 % prévu par le code général des impôts.
Sur l'application du droit communautaire :
12. Aux termes de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes de l'article 65 du même traité : " 1. L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres :/ a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; (...) / 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 63 ".
13. Il résulte des stipulations précitées, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne. Toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non-résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général. En matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d'un État par un non-résident ne constitue, le plus souvent, qu'une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l'ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s'apprécier le plus aisément à l'endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle. Ainsi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu'il accorde au résident n'est-il, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents tant du point de vue de la source des revenus que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale. Toutefois, la différence de traitement fiscal entre résidents et non-résidents peut être regardée comme discriminatoire au regard des stipulations du traité instituant la Communauté européenne si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il est établi que, au regard de l'objet et du contenu de la disposition nationale en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable.
14. A l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, la situation des actionnaires non-résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents lorsque l'Etat membre assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non-résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente. Ainsi, à l'égard des mesures prévues par la France afin d'atténuer la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, un actionnaire personne physique résidant en Belgique se trouve dans une situation objectivement comparable à celle d'un actionnaire domicilié en France, dès lors que la France assujettit à l'impôt tant les personnes résidant sur son territoire que celles résidant hors de France à raison des dividendes de source française qu'elles perçoivent.
15. Pour vérifier l'absence de traitement fiscal discriminatoire de M. et Mme B..., il y a lieu de comparer la charge fiscale, résultant de l'application de la retenue à la source au taux conventionnel de 15 %, à laquelle ils ont été assujettis, à l'imposition qui aurait été appliquée, pour des montants identiques de dividendes, à des contribuables résidents bénéficiant de l'abattement proportionnel de 40 % prévu par le 2e du 3 de l'article 158 du code général des impôts. Il est constant que, pour l'année 2015, les requérants ont supporté l'intégralité de la retenue à la source opérée sur les dividendes perçus à un taux de 15%. L'administration soutient, sans être contredite, que l'application à ces mêmes revenus du barème progressif de l'impôt sur le revenu avec un quotient familial de deux parts aboutirait, après déduction de l'abattement de 40%, à un impôt largement supérieur à la retenue à la source contestée. M B... n'est, par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet d'un traitement fiscal discriminatoire.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que M B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
2
N° 20VE00268