Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2018, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler le jugement attaqué.
Le PREFET DU VAL-D'OISE soutient que l'arrêté du 28 mai 2018 par lequel il a prononcé le transfert aux autorités italiennes de M. A...comporte la mention des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Méry a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le PREFET DU VAL-D'OISE relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 mai 2018 décidant le transfert aux autorités italiennes de M. A...pour l'examen de sa demande d'asile, au motif que cet arrêté était insuffisamment motivé en ce qu'il n'indiquait pas le critère retenu par les autorités françaises pour déterminer l'État responsable de la demande d'asile de M.A....
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :
2. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de son article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.
3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. L'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE du 28 mai 2018 a été pris au motif qu'au cours de l'instruction de la demande d'asile de M.A..., la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que ce dernier avait effectué une demande d'asile en Italie avant d'effectuer une demande d'asile en France, d'une part, et que les autorités italiennes ont accepté la responsabilité de l'examen de la demande de M. A...sur le fondement de l'article 18, 1, b) du règlement (UE) n°604/2013, d'autre part. S'agissant d'une décision de transfert intervenant dans le cadre d'une reprise en charge par un autre État membre, la décision devait faire apparaître les éléments de fait au vu desquels l'État de destination a été déterminé. Les éléments de fait relevés par l'arrêté attaqué, cités précédemment, ainsi que les éléments de droit qu'il mentionne, permettent de comprendre quel est le critère appliqué. En conséquence, l'arrêté litigieux est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 mai 2018 au motif qu'il était insuffisamment motivé.
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soutenus par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de l'arrêté contesté portant transfert aux autorités italiennes :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 relatif au droit à l'information : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite (...) dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que, le 4 décembre 2017, soit le jour même où le PREFET DU VAL-D'OISE a été informé, suite à la comparaison des empreintes digitales de l'intéressé avec celles conservées dans le système Eurodac, que l'examen de la demande d'asile était susceptible de relever de la compétence d'un autre Etat en application du règlement du 26 juin 2013, M. A...s'est vu remettre les brochures A et B, intitulées respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", comprenant l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces brochures n'ayant pas été traduites en langue dioula, langue comprise par l'intéressé, lui ont été remises en langue française, langue qu'il a également déclaré comprendre, et ont été traduites oralement en langue dioula par l'organisme chargé de l'interprétariat. Ces documents ont été établis conformément aux modèles figurant à l'annexe X du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 susvisé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de celles du paragraphe 1 de l'article 16 bis du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 manque en fait et doit être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".
11. Aucune disposition n'impose la mention sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien. En vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, le PREFET DU VAL-D'OISE était compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. A...et procéder à la détermination de l'État membre responsable de l'examen de cette demande. Par suite, les services de la préfecture du Val-d'Oise, et en particulier les agents recevant les étrangers, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a été reçu en entretien par un agent de la préfecture du Val-d'Oise le 4 décembre 2017. Le procès-verbal d'entretien, sur lequel est apposé le cachet de la préfecture, mentionne que l'entretien a été mené par un agent de la préfecture, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du PREFET DU VAL-D'OISE méconnaîtrait les dispositions sus rappelées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'aucune des mentions du compte-rendu d'entretien individuel réalisé au sein de la préfecture du Val-d'Oise, par un agent de ladite préfecture, ne permettrait de s'assurer que cet entretien aurait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national n'est pas fondé.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La République peut conclure avec les États européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". Aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Et aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
13. L'Italie est un État membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complété par le protocole de New York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En se bornant à critiquer de façon générale les difficultés des autorités italiennes face à l'afflux de migrants, constatées notamment par les organisations non gouvernementales, dont les rapports sont invoqués de manière vague, M. A...ne démontre pas qu'il existerait une défaillance systémique en Italie et que son transfert vers ce pays l'exposerait à des traitements inhumains ou dégradants, que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté que lui accorde l'article 17 précité, ou en ne faisant pas application de l'article 53-1 de la Constitution.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 28 mai 2018.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1805274 du 20 juin 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
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N° 18VE02336