Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique, enregistrés le 30 juin 2017 et le
8 février 2019, M.D..., représenté par Me E...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1600075-1601444/6-2 du 2 mai 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 29 octobre 2015 par laquelle le ministre de l'Intérieur a confirmé sa demande de retrait de l'autorisation de monter en France dont il bénéficiait ;
3°) d'annuler la décision du 22 décembre 2015 par laquelle la commission supérieure de la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF) a confirmé la décision
du 3 novembre 2015 par laquelle les commissaires de la SECF lui ont retiré son autorisation de monter en France ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat (ministère de l'intérieur) et de la SECF une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une insuffisance de motivation ;
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 12 II du décret n° 97-456 du 5 mai 1997 ;
- elles méconnaissent le principe d'égalité ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation et sont disproportionnées ;
- elles sont entachées d'un détournement de procédure et d'un détournement de pouvoir ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2017, la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF), représentée par Mes Lévêque et A...conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de
M. D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un mémoire, présenté pour la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF) a été enregistré le 12 février 2019.
Une pièce, présentée pour M. D...a été enregistrée le 14 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 97-456 du 5 mai 1997 modifié relatif aux courses de chevaux et au pari mutuel ;
- le code des courses au trot ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de MmeB...,
- et les observations de Me A...pour la Société Le Trot (SECF).
Considérant ce qui suit :
1. M.D..., ressortissant belge, exerce la profession de jockey " driver ". Il est titulaire d'une autorisation de monter délivrée par la fédération belge des courses hippiques et bénéficiait également d'une autorisation de monter en France, délivrée par équivalence, conformément aux dispositions du paragraphe IV de l'article 32 du code des courses au trot. Par une lettre du 28 août 2015, le ministre de l'Intérieur a demandé à la société d'élevage du cheval français (SECF) d'engager une procédure contradictoire en vue de retirer à M. D...son autorisation de monter en France. Par une décision du 29 octobre 2015, le ministre de l'Intérieur a maintenu cette demande de retrait d'autorisation. Les commissaires de la SECF ont, par une décision du 3 novembre 2015, retiré à M. D...son autorisation. Cette décision a été confirmée, sur recours de M.D..., par une décision de la commission supérieure de la SECF du 22 décembre 2015. M. D...fait appel du jugement du 2 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions prises par le ministre de l'Intérieur le 29 octobre 2015 et par la commission supérieure de la SECF le 22 décembre 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement ce que soutient M. D...dans sa requête d'appel, il n'a pas soulevé devant les premiers juges, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision du ministre de l'Intérieur du 29 octobre 2015, le moyen tiré de ce que ce dernier aurait dû réitérer sa demande de retrait au stade de la procédure devant la commission supérieure de la SECF. Les premiers juges n'étaient dès lors pas tenus d'y répondre. En revanche, ce même moyen qui était soulevé dans la demande afférente à la décision de retrait prise par cette commission, a bien été visé. Toutefois, les premiers juges n'étaient pas davantage tenus d'y répondre, dans la mesure où ladite commission étant intervenue en situation de compétence liée, il était inopérant.
3. En second lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Paris a suffisamment motivé les réponses aux moyens soulevés par M.D....
4. Il résulte de ce qui précède que les moyens de régularité tirés de ce que le jugement dont il est fait appel serait entaché d'une omission à statuer et méconnaîtrait l'article L. 9 du code de justice administrative doivent être écartés.
Sur le fond :
5. Aux termes de l'article 12 du décret susvisé du 5 mai 1997 dans sa version alors en vigueur à la date des décisions attaquées : " II. Les sociétés mères : (...) Délivrent les autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver les chevaux de courses, selon les critères définis par leurs statuts et par le code des courses de chaque spécialité. Ces autorisations ne peuvent être accordées qu'après un avis favorable du ministre de l'intérieur émis au regard des risques de troubles à l'ordre public qu'elles sont susceptibles de créer. Elles peuvent être retirées par la société mère concernée à l'issue d'une procédure contradictoire engagée de sa propre initiative ou à la demande du ministre de l'Intérieur. La société mère est tenue de retirer l'autorisation si le ministre de l'Intérieur maintient sa demande au vu des observations émises à l'occasion de la procédure contradictoire ; (...) ".
En ce qui concerne la décision du 29 octobre 2015 par laquelle le ministre de l'Intérieur a maintenu sa demande de retrait de l'autorisation de driver :
6. En premier lieu, la décision du 29 octobre 2015 par laquelle le ministre de l'Intérieur, après avoir cité les textes sur lesquels il se fonde, a exposé les faits reprochés à M.D..., qu'il considère comme de nature à affecter la moralité exigée pour l'exercice d'une activité agréée dans le monde des courses et à créer un risque de trouble à l'ordre public, est suffisamment motivée.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 II du décret susvisé du 5 mai 1997, la décision par laquelle le ministre de l'Intérieur entend maintenir sa demande de retrait d'autorisation de faire courir, d'entraîner, de monter et de driver les chevaux de courses doit être prise au vu des observations émises à l'occasion de la procédure contradictoire. Il ressort des pièces du dossier, que la décision par laquelle le ministre a entendu maintenir sa demande de retrait a été prise le 29 octobre 2015, soit le lendemain du jour où M. D...a fait part de la réponse qu'il entendait apporter au projet de retrait. Elle a donc été rendue au vu des observations émises par l'appelant à l'occasion de la procédure contradictoire. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision du 29 octobre 2015 aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 12 II du décret du 5 mai 1997 et de ce qu'elle n'aurait pas été précédée d'une procédure contradictoire doivent être écartés. La circonstance que la demande de maintien prise avant l'intervention de la décision des commissaires de la SECF du 3 novembre 2015, n'ait pas été réitérée après, soit avant que la commission supérieure de la SECF ne se prononce, est sans incidence.
8. En troisième lieu, le ministre de l'Intérieur a entendu maintenir sa demande de retrait de l'autorisation de courir initialement accordée à M. D...au motif que le " litige fiscal dont fait(sait) état le conseil de l'intéressé (était) certes d'ordre personnel, mais contrairement à son affirmation, (pouvait) être considéré comme affectant la moralité exigée pour l'exercice d'une activité agréée dans le monde de courses et créer un risque de trouble à l'ordre public,
M. D...ayant fait l'objet de condamnations pénales, devenues définitives, pour ces faits ". Il ressort, en effet, des pièces du dossier que M. D...a été condamné par un arrêt de la Cour d'appel de Paris, devenu définitif, le 4 mai 2011, à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis et à 30 000 euros d'amende pour des faits de fraude fiscale concernant des revenus qu'il tirait de son activité de jockey. Il n'est, par ailleurs, pas contesté que M. D...présente encore à ce jour une dette fiscale à l'égard de l'Etat français d'un montant de 1 530 640 euros. Dans ces conditions, en estimant que l'appelant ne présentait plus les garanties morales nécessaires pour poursuivre son activité et portait ainsi atteinte à l'ordre public au sens de l'article 12 II précité du décret du 5 mai 1997, quand bien même les infractions commises n'auraient pas été en lien direct avec le domaine des courses hippiques, le ministre de l'Intérieur n'a pas inexactement qualifié les faits, dont la matérialité n'est au demeurant pas contestée. En outre, compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à la régularité des courses hippiques ouvertes au pari mutuel et aux garanties de moralité exigées des personnes exerçant leur activité dans ce domaine, cette décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'exercice de l'activité professionnelle de M.D..., d'autant que l'intéressé ne soutient pas être dans l'impossibilité de courir ailleurs qu'en France. Enfin, cette décision n'est pas, pour les mêmes motifs, entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure.
9. En quatrième lieu, le principe d'égalité ne s'appliquant qu'entre des personnes étant placées dans la même situation, et M. D...n'établissant pas que ceux participant aux compétitions organisées par les sociétés de courses ayant fait l'objet d'une condamnation pénale identique à la sienne n'auraient pas été sanctionnés, il ne peut utilement se prévaloir d'une atteinte à ce principe et de l'existence d'une discrimination
10. En cinquième lieu, enfin, les moyens tirés de la méconnaissance de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sont inopérants, dès lors que le présent litige ne relève pas d'une matière régie par le droit de l'Union.
En ce qui concerne la légalité de la décision de la commission supérieure de la SECF du 22 décembre 2015 :
11. Le ministre de l'intérieur ayant maintenu sa demande de retrait, la commission supérieure était en application des dispositions précitées de l'article 12 II du décret susvisé du
5 mai 1997, tenue de retirer l'autorisation de courir délivrée à M.D.... Par suite, tous les moyens qu'il invoque à l'encontre de cette décision tirés de l'existence d'un vice de procédure, de la méconnaissance du principe du contradictoire, d'une insuffisance de motivation, d'une erreur dans la qualification juridique des faits, du caractère disproportionné de la sanction, de l'existence de détournements de pouvoir et de procédure, de la méconnaissance du principe d'égalité et de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés comme inopérants.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions prises à son encontre par le ministre de l'Intérieur le 29 octobre 2015 et par la commission supérieure de la SECF le 22 décembre 2015. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais de justice :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat et de la SECF, qui ne sont pas les parties perdantes, les sommes que demande l'appelant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...une somme de 2 000 euros à verser à la SECF sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : M. D...versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à la société d'encouragement à l'élevage du cheval français (SECF) et au ministre de l'Intérieur.
Délibéré après l'audience du 19 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 mars 2019.
Le rapporteur,
L. d'ARGENLIEULe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA02197