Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2019, et un mémoire non communiqué, enregistré le 28 octobre 2019, la SAS LB2V, représentée par Me Estene, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge demandée ;
3° de prononcer le sursis à exécution du jugement ;
4° de mettre à la charge de l'État les sommes qu'elle a exposées au cours de l'instance, et qui ne sont pas comprises dans les dépens, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur les salaires, en application des dispositions du 1 de l'article 231 du CGI, mais également de la doctrine BOI-TPS-TS-10-10-2012, dès lors qu'elle est assujettie à 100 % à la TVA ;
- en l'assujettissant à la taxe sur les salaires parce qu'elle n'avait pas constitué de secteurs distincts, l'administration a méconnu les dispositions des articles 213 de l'annexe II au CGI et 209 de l'annexe II au CGI, ainsi que la doctrine BOI TPS-TS-20-30, n° 210 ; en tout état de cause, elle n'avait pas à constituer deux secteurs d'activité distincts, dès lors qu'elle n'exerce qu'une seule activité, la perception de dividendes ne pouvant être considérée comme une activité économique ;
- la totalité des salaires perçus par son dirigeant rémunère la seule activité d'édition et ne pouvait, dès lors, être soumise à la taxe sur les salaires ; cette situation relève d'un choix de gestion de la société ;
- le coefficient d'assujettissement a été fixé de manière arbitraire et a été calculé comme si la société était un holding mixte, ce qu'elle n'est pas, dès lors qu'elle n'a pas développé d'activité de gestion de portefeuille et ne facture aucune prestation à ses filiales ;
- la documentation fiscale n° BOI TPS-TS-20-30 § 190 ne lui est pas applicable.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n°2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n°2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) LB2V, qui a pour activité la réalisation de prestations d'édition et qui détient 98 % des parts de la SA Public périodique Paul Dupont (PPPD), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014, étendue au 28 février 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale lui a notifié, par proposition de rectification du 17 juin 2015, des cotisations de taxes sur les salaires au titre des années 2012, 2013 et 2014, assorties de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration de 10 % prévue par le 1. de l'article 1728 de ce code. La SAS LB2V relève appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ".
S'agissant de l'assujettissement à la taxe sur les salaires de la SAS LB2V :
3. Il résulte des dispositions citées au point 2, éclairées par les travaux préparatoires des textes dont elles sont issues, que sont redevables de la taxe sur les salaires les personnes ou organismes dont le total des recettes et autres produits n'a pas été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ou n'y a pas été soumis sur au moins 90% de son montant, que ces recettes et autres produits correspondent en tout ou partie à des opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou à des opérations situées hors du champ d'application de cette taxe.
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SAS LB2V a perçu au cours des années 2011, 2012 et 2013, précédant les années d'imposition en litige, des dividendes non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des recettes tirées de son activité d'édition, soumises à cette taxe. Alors même que la simple perception de dividendes ne constitue pas la contrepartie d'une activité économique, les dividendes provenant de participations détenues dans des filiales, qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, sont inclus dans la base d'assujettissement à la taxe sur les salaires. Si la SAS LB2V soutient qu'elle n'avait pas constitué de secteur financier, et qu'elle n'avait aucune obligation de constituer des secteurs distincts d'activités en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ces circonstances sont sans incidence sur son assujettissement à la taxe sur les salaires en application des dispositions du 1 de l'article 231 du code général des impôts. Il est constant que l'activité d'édition soumise à la taxe sur la valeur ajoutée exercée par la SAS LB2V, bien que plus importante que le montant des dividendes perçus, ne représentait pas, pour les trois années en litige, plus de 90 % de son chiffre d'affaires total. Ainsi, la SAS LB2V, qui n'a pas été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur au moins 90 % de son chiffre d'affaires total, était passible de la taxe sur les salaires au titre des années 2012 à 2014.
5. En second lieu, la société requérante soutient que la rémunération de son dirigeant, qui est également son seul salarié, est exclusivement liée à l'activité d'édition de la société, indépendamment de la perception des dividendes distribués qui s'effectuerait de manière purement passive. Toutefois, les fonctions de directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 225-56 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société et celles de président du conseil d'administration, aux termes de l'article L. 225-51 du même code, une responsabilité générale. Ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, à moins qu'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière. En se bornant à soutenir que la seule activité de son dirigeant dans ce secteur est d'enregistrer les dividendes de sa filiale une fois par an, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que celui-ci n'avait aucune responsabilité dans le secteur financier. L'administration a, par suite, assujetti à bon droit la rémunération de ce dirigeant à la taxe sur les salaires.
S'agissant de l'assiette de la taxe sur les salaires :
6. Il résulte de l'instruction que pour déterminer le rapport d'assujettissement servant à établir l'assiette de la taxe sur les salaires due par la requérante au titre des trois années en litige, l'administration a, pour chacune de ces trois années, conformément aux dispositions rappelées au point 2, fait figurer au numérateur les dividendes servis à la SAS LB2V par sa filiale, la SA des publications périodiques de l'imprimerie Paul Dumont, du seul fait de sa qualité d'actionnaire, et au dénominateur ces dividendes ainsi que le chiffre d'affaires tiré des prestations d'édition réalisées par la société. Par suite, le moyen tiré de ce que le rapport d'assujettissement fixé l'aurait été de manière arbitraire ne peut qu'être écarté comme manquant en fait. Par ailleurs, les moyens tirés de ce que ce mode de détermination pourrait conduire à une remise en cause du droit à déduction de la rémunération de son dirigeant et de ce qu'il méconnaîtrait sa situation réelle, dès lors que suite à un choix de gestion, la rémunération de son dirigeant relève de la seule activité de prestations d'édition, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Si la requérante se prévaut des paragraphes 180 et 190 de la documentation administrative référencée BOI-TPS-TS-10-10-2012 relatifs à l'assujettissement à la taxe sur les salaires, et des paragraphes 190 et 210 de la documentation référencée BOI-TPS-TS-20-30, relatifs à la constitution de secteurs d'activité distincts, cette doctrine administrative ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS LB2V n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des impositions en litige. Les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont en tout état de cause devenues sans objet. Il s'ensuit que la requête doit être rejetée, y compris, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SAS LB2V tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1603454 du 20 novembre 2018 du tribunal administratif de Versailles.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS LB2V est rejeté.
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N° 19VE00252