Par un jugement n° 1606094 du 2 juillet 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 septembre 2018 et 4 juillet 2019, la SAS ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT, représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge demandée ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dispositif anti-abus prévu au 3 de l'article 119 ter du code général des impôts ne s'applique pas, dès lors que la personne morale bénéficiaire des dividendes justifie que la chaîne de participation n'a pas pour objet principal de tirer avantage des dispositions du 1. de l'article 119 ter du code général des impôts ;
- la CEC Luxembourg SARL dispose bien de son siège de direction effective au Luxembourg, en application du a) du 2 de l'article 119 ter du CGI : le conseil de gérance de la société était composé de 2 gérants de catégorie A résidant aux Etats-Unis et de 2 gérants de catégorie B qui avaient leur résidence professionnelle au Luxembourg et disposaient d'un droit de veto pour toute décision engageant la société, ce conseil s'est tenu à plusieurs reprises à Luxembourg, tout comme les assemblées générales de la société, les déclarations fiscales ont été préparées et déposées au Luxembourg, de même que les comptes annuels, la société disposait d'un compte bancaire chez ING Luxembourg, réceptionnait ses courriers au Luxembourg et a signé certains contrats au Luxembourg.
- à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que le siège de direction effective n'était pas au Luxembourg mais aux Etats-Unis, l'exonération de retenue à la source prévue par les stipulations de l'article 10-3 de la convention franco-américaine serait applicable.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention entre la France et le Grand-Duché du Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 24 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la SAS ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT, spécialisée dans l'éducation et l'enseignement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2010, 2011 et 2012, à l'issue de laquelle, le service vérificateur a estimé que les dividendes d'un montant de 27 millions d'euros distribués en 2012 à la société luxembourgeoise Career Education Corporation (CEC) Luxembourg SARL, l'ont, en réalité, été au profit de la société américaine CEC Illinois, et que cette distribution entrait dans le champ de la clause anti-abus prévue au 3 de l'article 119 ter du code général des impôts. Toutefois, suite à la réclamation contentieuse de la société, l'administration a, par une décision du 25 février 2016, procédé à un dégrèvement partiel, après avoir estimé que, d'une part, le bénéficiaire effectif des dividendes était bien la société luxembourgeoise et, d'autre part, que celle-ci n'avait pas son siège de direction effective au Luxembourg. La SAS ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT relève régulièrement appel du jugement du 2 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant à sa charge au titre de l'année 2012.
2. Aux termes de l'article 119 ter du code général des impôts dans sa version applicable à l'année en litige : " 1 La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis n'est pas applicable aux dividendes distribués à une personne morale qui remplit les conditions énumérées au 2 du présent article par une société ou un organisme soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal. / 2 Pour bénéficier de l'exonération prévue au 1, la personne morale doit justifier auprès du débiteur ou de la personne qui assure le paiement de ces revenus qu'elle est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'elle remplit les conditions suivantes : / a) Avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne et n'être pas considérée, aux termes d'une convention en matière de double imposition conclue avec un Etat tiers, comme ayant sa résidence fiscale hors de la Communauté ; [...] 3 Les dispositions du 1 ne s'appliquent pas lorsque les dividendes distribués bénéficient à une personne morale contrôlée directement ou indirectement par un ou plusieurs résidents d'Etats qui ne sont pas membres de la Communauté, sauf si cette personne morale justifie que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage des dispositions du 1. [...] ". Le siège de la direction effective d'une entreprise est le lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prennent les décisions stratégiques qui déterminent la conduite des affaires de cette entreprise dans son ensemble.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, en réponse à la réclamation contentieuse de la SAS ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT, l'administration a substitué au motif tiré de ce que la société bénéficiaire des dividendes distribuées par la requérante est contrôlée directement ou indirectement par un Etat qui n'est pas membre de l'Union européenne, celui tiré de ce que le siège de direction effective de la société bénéficiaires des dividendes n'est pas situé au Luxembourg. Elle a, en conséquence, prononcé un dégrèvement à hauteur de la différence entre le taux de retenue à la source prévu par le droit interne et celui prévu par les stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et le Luxembourg et de la majoration pour manquement délibéré, qui a été entièrement abandonnée. Par suite, le moyen tiré de ce que le dispositif anti-abus prévu par les dispositions précitées du 3 de l'article 119 ter du CGI ne s'applique pas, dès lors que la personne morale bénéficiaire des dividendes justifie que la chaîne de participation n'a pas pour objet principal de tirer avantage des dispositions du 1 de ce même article, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des statuts de la société CEC Luxembourg SARL, que la gérance de cette société était assurée par un conseil de gérance composé de deux gérants dits " de catégorie A ", résidents américains, et de deux gérants dits " de catégorie B ", résidents luxembourgeois, et que la société ne pouvait être valablement engagée sans la signature conjointe d'un gérant A et d'un gérant B. Toutefois, il résulte également de l'instruction que les gérants A de cette société, occupaient, par ailleurs, les fonctions de vice-présidents et de directeur financier ou de la politique fiscale au sein de la société CEC Illinois, tête du groupe dont faisait partie la société requérante et sa société mère. Il résulte, en outre, des termes mêmes de la convention de gestion et de prestation de services signée par la société CEC Luxembourg SARL, qu'elle a été signée conjointement pour les trois sociétés luxembourgeoises du groupe, par le même gérant de nationalité américaine et qu'elle stipule dans son article 9 que toute information relative à l'exécution de cette convention doit être adressée tant à la société prestataire, Unsworth et Associates, qu'aux différentes sociétés signataires à l'adresse de la société CEC Illinois. Au demeurant, le représentant de la société prestataire est l'un des gérant de catégorie B de la société CEC Luxembourg SARL et l'adresse de ces deux sociétés est identique. Il résulte, également, des procès-verbaux des deux réunions du conseil de gérance organisés au Luxembourg en 2010, versés au dossier par la requérante, que les gérants se sont bornés à approuver et à ratifier des actes qui leur ont été présentés à cette occasion. Par ailleurs, ni le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire organisée le 25 juillet 2012 au Luxembourg, ni les circonstances tenant à ce que la société CEC Luxembourg SARL était titulaire d'un compte dans une banque luxembourgeoise, que ses comptes annuels et ses déclarations fiscales étaient préparés et déposés au Luxembourg, que des courriers lui étaient adressés au Luxembourg et que certains contrats y étaient signés, ne permettent d'établir que les décisions stratégiques de la société auraient été prises au Luxembourg. Par suite, il résulte de l'instruction que la société CEC Luxembourg SARL ne disposait pas de son siège de direction effective au Luxembourg et qu'elle ne pouvait, pour ce motif, bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 2 de l'article 119 ter du code général des impôts.
5. En troisième lieu, l'article 1er de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis, le 31 août 1994, stipule que : " La présente Convention ne s'applique qu'aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou des deux Etats contractants, à moins qu'elle n'en dispose autrement. ".
6. Si la société requérante soutient, à titre subsidiaire, que les dividendes distribués à la société CEC Luxembourg SARL devaient être exonérés sur le fondement des stipulations de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis, le 31 août 1994, il est constant que ladite société est assujettie à l'impôt au Luxembourg et non aux Etats-Unis et qu'elle ne peut, par suite, être regardée comme un résident fiscal américain au sens de cette convention.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS ORGANISATION ET DEVELOPPEMENT est rejetée.
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N° 18VE03090