Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 juillet 2019, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :
1 d'annuler le jugement attaqué ;
2° de rejeter la demande de Mme C....
Il soutient que :
- le seul certificat du 12 juin 2019, sur lequel se sont fondés les premiers juges, est insuffisant à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et les autres éléments produits par Mme C... n'apporte pas de précisions sur son impossibilité à poursuivre son traitement au Congo ;
- les moyens soulevés par la requérante en première instance ne sont pas fondés.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bobko a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., épouse C..., ressortissante congolaise (Congo Brazzaville), a sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré pour des raisons médicales. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a, par un arrêté du 25 mars 2019, rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays de destination. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève régulièrement appel du jugement du 2 juillet 2019, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 25 mars 2019 et l'a enjoint à réexaminer la situation de Mme C....
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : ... / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. Pour annuler l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 25 mars 2019, les premiers juges ont estimé que le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que le traitement adapté à l'état de santé de Mme C... était effectivement disponible au Congo-Brazzaville. Toutefois, s'il est constant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les différents certificats et documents produits par Mme C... au soutien de ses écritures ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait bénéficier du traitement indispensable à son état de santé dans son pays d'origine. En particulier, le certificat médical établi le 12 juin 2019 par le docteur Hugues Cordel, praticien hospitalier au service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Avicenne, s'il apporte des précisions sur les différentes pathologies dont souffre Mme C..., se borne à se référer, sans autre précision, " aux derniers indicateurs " de l'OMS et de l'ONU/Sida, en matière de mortalité infantile, au nombre de médecins et au dépense de santé par habitants et les compare à la France. S'il se prévaut d'un indicateur relatif à " l'accès des malades infectés par le virus " VIH/SIDA " aux médicaments antiviraux " et le compare à celui applicable en France, ce seul indicateur non daté, au demeurant fixé à 39 %, est insuffisant à établir que Mme C... ne pourrait bénéficier d'un accès effectif aux soins qui lui sont indispensables. Aucun des autres certificats médicaux produits, pas plus que les documents de l'Organisation mondiale de la santé versés au dossier, relatifs au personnel de santé et à l'accès aux médicaments au Congo-Brazzaville, au demeurant non datés, n'apportent d'éléments circonstanciés sur ce point. Dans ces conditions, l'arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 25 mars 2019 n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté en litige.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur les autres moyens de la demande présentée par Mme C... :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions administratives individuelles défavorables qui constituent une mesure de police, doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
6. La décision attaquée vise notamment le 11° de l'article L. 313-11, le 3° du I de l'article L. 511-1 et le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle indique, en outre, que la situation de
Mme C..., ressortissante congolaise, a été évaluée par un collège de trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a considéré que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquence d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier d'une prise en charge idoine dans son pays d'origine, qu'elle est par ailleurs mariée et mère de trois enfants qui résident au Congo, son pays d'origine où elle a, elle-même, vécu jusqu'à l'âge de 57 ans. Enfin, elle précise que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La seule circonstance que le préfet a indiqué que l'état de santé de l'intéressée " lui permet de voyager sans risque à destination du Mali ", alors même qu'il a précisé que Mme C... est née au Congo et que sa famille y réside, constitue une simple erreur de plume, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré du défaut d'examen particulier, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le préfet n'aurait pas rappelé l'ensemble des circonstances caractérisant la situation personnelle de Mme C....
7. En deuxième lieu, Mme C... soutient que rien ne permet de s'assurer que l'avis du collège de médecins de l'OFII a été rendu au terme d'une procédure régulière, en l'absence de production de cet avis. Cet avis, qui a été produit par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, a été signé par trois médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui, après avoir délibéré sur la base du rapport établi par un quatrième médecin, se sont prononcé sur l'état de santé de Mme C..., sur les conséquences d'un défaut de prise en charge, sur la possibilité pour l'intéressée de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et sur sa possibilité de voyager vers son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au demeurant peu étayé, ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, la mention dans l'arrêté en litige de ce que l'état de santé de Mme C... " lui permet de voyager sans risque à destination du Mali " constitue une simple erreur de plume, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
9. En quatrième lieu, il est constant que Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait également fondé sa demande sur les dispositions de l'article L. 313-14 de ce même code. En tout état de cause, le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office une telle demande à l'aune de ces dispositions. Par suite, le moyen soulevé est inopérant.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Mme C... soutient résider de manière continue en France, depuis son entrée sur le territoire français en 2016, avoir réussi à s'intégrer professionnellement et ne plus avoir de contacts avec ses enfants et son époux, qu'elle aurait fui en raison des violences qu'il lui aurait fait subir. Toutefois, la seule production d'un contrat de travail à temps partiel, à durée indéterminée signé le 3 janvier 2018 et des bulletins de salaire perçus comme employée familiale polyvalente est insuffisante à établir que Mme C... aurait établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches personnes et familiales au Congo Brazzaville où elle a vécu jusqu'à l'âge de 57 ans. En outre, si elle soutient avoir fait l'objet de violences conjugales de la part de son époux, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée aurait fait mention de cette circonstance à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Au demeurant, les pièces qu'elle produit au soutien de ses allégations sont toutes postérieures à la décision en litige et sont insuffisantes à établir la réalité de ces violences. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour aurait porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de Mme C....
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'établit pas que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour qui lui a été opposée serait entachée d'illégalité. Par suite, le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité de cette décision à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ne peut qu'être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; [...] ".
14. Ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme C... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas avoir accès à un traitement adapté à sa pathologie et à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile : " [...] / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
16. Si Mme C... invoque les stipulations et dispositions précitées, elle ne produit aucun document de nature à établir, ainsi qu'il a été dit au point 11, qu'elle a été victime de violences de la part de son époux. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 25 mars 2019 par lequel il a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme C..., l'a obligée à quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil, n° 1904533 du 2 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme C... présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme C... tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de ses frais de justice sont rejetées.
2
N° 19VE02767