Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 novembre 2019 et le 12 octobre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de rejeter la demande de Mme E....
Il soutient que, les instances relatives à la reconnaissance de la qualité de réfugié de M. C... A... et de Mme G... F..., son épouse, reposant sur les mêmes faits, la décote de 30 % appliquée sur le second recours était justifiée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique,
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Me E..., avocate, a été désignée au titre de l'aide juridictionnelle pour assister M. C... A..., son épouse, Mme G... F..., et leur fils majeur Omran A..., ressortissants syriens contestant devant la Cour nationale du droit d'asile le refus du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de leur reconnaître la qualité de réfugié. Une attestation de fin de mission lui a été délivrée le 19 novembre 2018, appliquant un pourcentage de réduction de 30 % dans l'instance n° 1805025 concernant Mme F... épouse A.... Mme E... a saisi la présidente de la Cour nationale du droit d'asile, le 9 janvier 2019, d'une contestation sur sa rétribution rejetée implicitement. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision et fait injonction à la présidente de la Cour nationale du droit d'asile de délivrer, à Mme E..., une attestation de fin de mission, à taux plein, au titre de sa mission d'assistance devant cette juridiction de Mme F....
2. Aux termes de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution. ". En vertu de l'article 38 de la même loi, " la contribution versée par l'État est réduite, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, lorsqu'un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est chargé d'une série d'affaires présentant à juger des questions semblables ". L'article 70 de la même loi précise que : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de la présente loi, et notamment : / (...) / 8° Les modalités suivant lesquelles est réduite la part contributive de l'État en cas de pluralité de parties au cas prévu par l'article 38 ; / (...) ". L'article 109 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que : " La part contributive versée par l'État à l'avocat choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières est réduite de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s'il y a lieu pour les affaires supplémentaires ".
3. Il résulte de ces dispositions que la part contributive de l'Etat à la rétribution des missions d'aide juridictionnelle assurées par l'avocat devant la juridiction administrative est réduite lorsque celui-ci assiste plusieurs bénéficiaires de l'aide juridictionnelle présentant des conclusions similaires en demande ou en défense et que le juge est conduit à trancher des questions semblables, soit dans le cadre d'une même instance, soit dans le cadre d'instances distinctes reposant sur les mêmes faits.
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les recours présentés par Me E..., pour M. A..., Mme F..., et leur fils majeur, devant la Cour nationale du droit d'asile , tendaient à l'annulation de trois décisions du même jour du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de leur reconnaître la qualité de réfugié. Eu égard au lien familial entre les requérants, à leur parcours migratoire commun, et à l'identité des questions à trancher, relatives au risque de persécutions de la part des autorités syriennes à l'égard des fonctionnaires en situation d'abandon de poste et des insoumis, la Cour nationale du droit d'asile a joint ces trois instances, appelé les affaires à une même audience et statué par une seule décision. Me E... a d'ailleurs présenté le 13 novembre 2018 un mémoire commun aux trois instances. Dans ces conditions, alors même que M. A... et Mme F..., tous deux fonctionnaires, ont abandonné leurs postes respectifs, les litiges dont était saisie la Cour nationale du droit d'asile reposaient, au sens des dispositions rappelées au point 2, sur les mêmes faits. C'est, dès lors, par une exacte application de ces dispositions que la part contributive de l'Etat à la rétribution de Me E... a été réduite de 30 % au titre de sa mission d'assistance de Mme F....
5. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a retenu, pour annuler le rejet implicite de la demande de Mme E..., que les litiges, concernant M. A... et Mme F..., avaient porté sur des faits différents.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif de Montreuil.
7. Aux termes de l'article 104 du décret du 19 décembre 1991 : " Les sommes revenant aux avocats (...) sont réglées sur justification de la désignation au titre de l'aide juridictionnelle et production d'une attestation de mission délivrée par le greffier en chef ou le secrétaire de la juridiction saisie. (...) / L'attestation est délivrée ou remise à l'auxiliaire de justice au moment où le juge rend sa décision ou, au plus tard, en même temps que lui en est adressée une expédition, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 108 et de l'article 108-1. / Les difficultés auxquelles donne lieu l'application du présent article sont tranchées sans forme par le président de la juridiction. "
8. En premier lieu, Mme E... ne peut utilement exciper de l'incompétence du secrétaire d'audience pour signer l'attestation de fin de mission qui lui a été délivrée dès lors que sa demande d'annulation n'est pas dirigée contre cette décision.
9. En deuxième lieu, le recours dont peuvent faire l'objet les décisions prises par le président de la juridiction, saisi en application des dispositions mentionnées au point 2 relatives à la rétribution de l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, est un recours de plein contentieux à l'occasion duquel le juge détermine la part contributive de l'État à la rétribution de la mission d'aide juridictionnelle assurée par l'avocat. Il s'ensuit que les moyens tirés de l'incompétence du signataire, du défaut de motivation de ces décisions et de l'atteinte au principe du contradictoire sont en tout état de cause inopérants.
10. En troisième lieu, la décision par laquelle le président de la juridiction tranche la difficulté relative à la rétribution de l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle au vu de la nature du litige telle qu'elle ressort des écritures présentées pour le compte des bénéficiaires de l'aide juridictionnelle ne saurait porter atteinte aux principes d'impartialité et d'oralité devant le juge de l'asile, ni au secret du délibéré.
11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision contestée et enjoint à la présidente de la Cour nationale du droit d'asile de lui délivrer une attestation de fin de mission à taux plein au titre de sa mission d'assistance à l'aide juridictionnelle de Mme F.... Il y a lieu d'en prononcer l'annulation et de rejeter la demande de Mme E... devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 26 septembre 2019 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande de Mme E... devant le tribunal administratif et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 19VE03939