Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020 sous le numéro 20VE00191, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de rejeter la demande de M. A... D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel a été rejetée la demande de regroupement familial que M. B... A... D... a formée au bénéfice de son épouse ;
Le requérant soutient que :
- les dispositions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables font obstacle à ce que la demande de M. A... D... puisse être satisfaite, dès lors qu'il n'est pas établi que son épouse Mme J... F... séjournait régulièrement en France le 13 septembre 2017, date du dépôt de sa demande de regroupement familial auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- compte-tenu de la situation de Mme F... au regard du droit au séjour, il n'a pas souhaité faire droit, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, à la demande de l'époux de celle-ci ;
- en outre M. A... D... n'allègue aucun motif l'ayant empêché de recourir à la procédure de droit commun pour introduire son épouse sur le territoire ;
- il n'existe pas d'obstacle au retour de Mme F... en Algérie ;
- la décision contestée par M. A... D... en première instance, qui se borne à refuser la délivrance d'une autorisation de regroupement familial mais n'est assortie d'aucune mesure d'éloignement visant Mme F..., ne porte pas à la vie privée et familiale de M. A... D... et de Mme F... une atteinte disproportionnée avec les objectifs en vue desquels elle a été prise ; elle ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'Homme.
II. Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020 sous le n° 20VE00192, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 18 décembre 2019.
Il soutient que :
- les moyens invoqués dans la requête de fond n°20VE00191 sont sérieux au sens et pour l'application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative et de nature à justifier l'annulation du jugement ;
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables au sens et pour l'application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- les décrets n° 2020-1404 et 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme G....
Considérant ce qui suit :
1. 1. M. A... D..., ressortissant algérien né le 1er novembre 1977, a sollicité le 13 septembre 2017 le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, Mme F..., compatriote avec laquelle il s'est marié le 18 février 2017. Par une décision du 13 novembre 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement rendu par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé de cette décision
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
3. Il est constant que M. A... D..., s'il est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2026, ne s'est marié avec Mme F... que le 18 février 2017, soit moins de deux ans avant la décision attaquée, après avoir vécu avec elle en concubinage à compter du mois d'octobre 2016. Le couple n'a pas d'enfant. Mme F..., travaille depuis le mois de janvier 2017 en tant que nourrice à domicile. Compte-tenu de ces éléments, la décision par laquelle le préfet a refusé à M. A... D... de lui accorder le regroupement familial " sur place " au bénéfice de son épouse, qui n'est pas une décision d'éloignement et n'empêche pas par elle-même la poursuite de la vie familiale en France, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... D... au respect de sa vie privée et familiale.
4. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis datée du 13 novembre 2018.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... D... devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... D...
6. En premier lieu, l'arrêté n° 2018-2183 pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 17 septembre 2018 donne délégation à Mme H... C..., attachée d'administration de l'Etat, adjointe au chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, pour exercer l'ensemble des attributions relevant de son bureau, la délégation de signature consentie par le même préfet, par l'arrêté n° 2018- 2182 du même jour, à Madame I... E..., directrice des migrations et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci. La décision litigieuse du 13 novembre 2018 a ainsi été signée par une personne compétent pour ce faire.
7. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte les éléments de fait et de droit qui la fondent. Elle est donc suffisamment motivée.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ". Aux termes de l'article L. 431-3 du même code : " Le titre de séjour d'un étranger qui n'entre pas dans les catégories mentionnées aux articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4 peut faire l'objet d'un retrait lorsque son titulaire a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial. La décision de retrait du titre de séjour est prise après avis de la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1. "
9. Il résulte de ces dispositions que l'avis de la commission du titre de séjour n'est pas exigé pour permettre au préfet de statuer sur une demande de regroupement familial. La circonstance que cet avis n'ait pas été recueilli en l'espèce préalablement à ce que soit prise la décision attaquée n'est ains pas utilement invoquée.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-6 du même code : " Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction. (...) ".
11. Il ne ressort pas des termes de la décision du 13 novembre 2018 que le préfet, qui a d'ailleurs examiné la demande au regard des stipulations de l'article 8 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, se serait cru en situation de compétence liée pour rejeter la demande du seul fait de la présence en France de Mme F.... En outre il fait valoir, pour la première fois en appel, que sa décision est légalement justifiée par la situation irrégulière de Mme F... au regard du droit au séjour, à la date de la demande de M. A... D.... Il ressort en effet des pièces du dossier et n'est pas contesté que si Mme F... a été titulaire d'un titre de séjour valable du 29 octobre 2012 au 29 octobre 2013, elle a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français datés du 22 septembre 2014 et que sa situation n'a pas été régularisée depuis. L'irrégularité de la situation de Mme F... au regard du droit au séjour faisait obstacle au bénéfice du regroupement familial " sur place ", en application des dispositions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précédemment rappelées et ce nouveau motif de fait était, en tout état de cause, propre à justifier la décision litigieuse. Le moyen doit ainsi être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 13 novembre 2018.
Sur la demande de sursis à exécution du jugement en litige :
13. Le présent arrêt statuant au fond, il n'y a plus lieu de se prononcer sur les conclusions du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant au sursis à exécution du jugement attaqué présentées dans la requête n° 20VE00192.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 18 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... D... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
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N° 20VE00191 et 20VE00192