Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2018, le PREFET DE LA SEINE SAINT-DENIS demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la requête introduite devant le Tribunal administratif de Montreuil par M. B....
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'arrêté du 12 décembre 2017 est suffisamment motivé ;
- les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dibie,
- et les observations de Me Mariette, pour M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement du 10 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 12 décembre 2017 portant transfert aux autorités italiennes de M. B..., ressortissant ivoirien né le 14 octobre 1983 à Dabou (Côte d'Ivoire).
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée, la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a ultérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 20 du règlement. A contrario, l'absence d'indication de ce critère constitue une méconnaissance de l'obligation de motivation imposée par les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et entache d'irrégularité une décision de transfert.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été pris au visa, notamment des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention de Genève du 28 juillet 1951, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. B... a déposé une demande d'asile le 2 juin 2017, qu'en cours d'instruction de celle-ci et après consultation du fichier Eurodac, il est apparu que l'examen de cette demande relevait de la responsabilité d'un autre Etat en application du règlement Dublin III, et que les autorités italiennes saisies le 3 juillet 2017 d'une demande de reprise en charge en application des articles 23 et 25 du règlement(UE) n° 604/2013 ont accepté leur responsabilité par un accord implicite le 18 juillet 2017. Ces mentions permettent de comprendre que M. B...a déposé une première demande d'asile en Italie que l'Italie doit être doit être regardée comme l'Etat responsable de sa demande d'asile. Ainsi, contrairement à ce que l'a retenu le premier juge, l'arrêté en litige a indiqué le motif pour lequel l'Italie a été retenue comme État responsable du traitement de la demande d'asile, à savoir que ce pays est A...où a été déposée une première demande de protection internationale, justifiant une demande de reprise en charge par cet État. Par ailleurs, il précise que, d'une part, M.B..., marié à une ressortissante ivoirienne vivant en Côte d'Ivoire ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France au respect de laquelle la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au sens de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales , et que, d'autre part, M. B...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de sa demande d'asile. de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect s'apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé pour insuffisance de motivation son arrêté du 12 décembre 2017 ordonnant la remise de M. B... aux autorités italiennes.
6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en appel que devant le Tribunal administratif de Montreuil.
Sur la légalité de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.B...,
7. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
8. Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS soutient que l'intéressé s'est vu remettre le 2 juin 2017 le guide du demandeur d'asile en France en langue française, langue qu'il a déclaré comprendre, ainsi que les brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", également en français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la brochure A comporte la même signature que le compte-rendu de l'entretien individuel réalisé le 2 juin 2017 par un agent de la préfecture avec un autre demandeur d'asile répondant au nom de M.C..., et qui a été jointe, sans doute par erreur, à la requête du préfet. Il n'est, par suite, pas établi que M. B...aurait été destinataire de la brochure A. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait méconnu le droit de l'intéressé à être informé dans une langue qu'il comprend doit, en l'état du dossier, être accueilli.
9. Il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à se plaindre ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté en date du 20 décembre 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction de M.B... :
10. Le motif d'annulation retenu par les premiers juges impliquait seulement que le préfet procède à un réexamen de la situation de M. B...A...-ci n'est par suite pas fondé à demander la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour.
Sur les conclusions de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes du second alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " L'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge " ;
12. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Mariette, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et sous réserve de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mariette de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Mariette, avocate de M.B..., une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
2
N° 18VE00427