Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, Mme D... épouse C... représentée par Me Guillerand, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales restant en litige auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités y afférentes ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros, à lui verser, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant ;
- la proposition de rectification du 13 décembre 2013 n'est pas suffisamment motivée de sorte que l'article L. 57 du livre des procédures fiscales a été méconnu ;
- l'administration fiscale s'est abstenue à tort de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts ;
- l'administration n'a pas établi qu'elle était maître de l'affaire ;
- les frais de déplacement, de relations publiques et de cadeaux étaient déductibles sur le fondement du 5 de l'article 39 du CGI et ne sont donc pas des sommes désinvesties présumées distribuées au sens et pour l'application du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL la Foncière du Parc, qui exerçait une activité d'agence immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle des rectifications lui furent proposées le 13 décembre 2013. Le même jour, l'administration a proposé à Mme D... des rectifications notamment en matière de revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, au titre des trois années vérifiées. Mme D... épouse C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires correspondantes. Elle fait appel du jugement n° 1506163 du 13 mars 2018 par lequel le Tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. La requérante soutient que le Tribunal n'a pas répondu au moyen, développé dans un mémoire enregistré le 2 février 2018 et non communiqué, selon lequel la politique de la société, ayant constitué à engager des frais de réception ou frais de relation clientèle pour favoriser le " bouche à oreille " plutôt que de passer par la publicité ou les relations publiques, s'est révélée profitable. Il s'agit, cependant, non d'un moyen mais d'un argument soulevé à l'appui du moyen tiré de ce que les dépenses litigieuses étaient déductibles par la Sarl dès lors qu'elles présentaient un intérêt direct pour celle-ci et n'étaient pas ainsi des sommes désinvesties présumées distribuées au sens et pour l'application du 1° de l'article 109-1. La requérante ne saurait par suite valablement soutenir que le jugement attaqué, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments de la requérante, serait entaché d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
4. La proposition de rectification, qui a été adressée le 13 décembre 2013 à Mme D... épouse C..., mentionne les textes dont elle fait application, notamment le 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, ainsi que la nature et l'année des impositions concernées. Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions précitées n'impliquent pas d'obligation pour l'administration d'indiquer les références de la jurisprudence dont elle restitue le contenu dans les motifs des rectifications qu'elle propose. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification litigieuse doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 117 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution (...) ".
6. L'administration n'a aucune obligation de faire usage, à l'encontre d'une société, de la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts pour déterminer le bénéficiaire des revenus regardés comme distribués par cette même société, dès lors qu'elle peut le déterminer par d'autres moyens, notamment en établissant si une personne est seul maître de l'affaire. Par suite, la requérante ne se prévaut pas utilement de ces dispositions.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
7. Aux termes des dispositions de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ".
8. En application de ces dispositions, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des revenus qui auraient été distribués par une société à un contribuable ayant régulièrement exprimé son désaccord sur les rectifications qui lui ont été proposées selon la procédure contradictoire. La qualité de seul maître de l'affaire de ce contribuable, lorsqu'elle est établie par l'administration, le fait présumer bénéficiaire des revenus réputés distribués.
S'agissant de l'existence et du montant des distributions :
9. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / (...) e. Les cadeaux de toute nature, à l'exception des objets de faible valeur conçus spécialement pour la publicité ; / (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. Lorsqu'elles augmentent dans une proportion supérieure à celle des bénéfices imposables ou que leur montant excède celui de ces bénéfices, l'administration peut demander à l'entreprise de justifier qu'elles sont nécessitées par sa gestion. ".
10. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les dépenses de cadeaux sont en principe déductibles. Il en va cependant autrement si l'entreprise ne justifie pas de l'intérêt direct que présente, pour son activité présente ou future, l'entretien de bonnes relations avec les bénéficiaires des cadeaux ou si l'administration établit que le montant d'une dépense est excessif au regard de l'intérêt que le bénéficiaire du cadeau présente pour l'entreprise. Il résulte également des termes mêmes du dernier alinéa du 5 de l'article 39 qu'il revient à l'entreprise de justifier l'augmentation des dépenses de cadeaux dans une proportion supérieure à celle des bénéfices imposables ou de ce que leur montant excède celui de ses bénéfices.
11. L'administration a motivé les rectifications en litige par l'absence de justification par la Sarl Foncière du Parc de l'intérêt direct que présentait pour elle l'entretien de bonnes relations avec les bénéficiaires des cadeaux. Pour justifier de cet intérêt, la requérante se prévaut de la politique de fidélisation de sa clientèle qu'elle a menée, notamment en prenant la responsabilité de la réalisation de travaux pour ses clients, en misant sur le " bouche à oreille ". Cette fidélisation supposait des frais de réception ou de " réception clientèle ". Elle produit à titre de justificatifs des mandats de gestion, de vente et de travaux. Ces éléments, toutefois, ne permettent pas par eux-mêmes d'établir l'intérêt direct de la Sarl, dès lors que le lien n'est pas suffisamment fait entre ces mandats et les bénéficiaires des cadeaux par les détails purement déclaratifs fournis par la requérante dans ses écritures.
12. L'administration a également motivé les rectifications en litige par le constat selon lequel les dépenses de cadeaux et de frais de réception ont augmenté sur les années vérifiées dans une proportion supérieure à celle des bénéfices imposables. En soutenant que la Sarl Foncière du Parc est très profitable et comptabilise un résultat exceptionnellement élevé pour la profession, et que si la marge bénéficiaire de cette société s'est très légèrement dégradée au cours de la période vérifiée c'est en raison de l'embauche d'un premier salarié et du poids des charges, la requérante ne justifie pas comme il lui revient de le faire l'augmentation disproportionnée des dépenses de cadeaux et de frais de réception constatée par l'administration.
13. Il résulte de ce qui précède que les charges liées aux dépenses de cadeaux et de frais de réception ne sont justifiées et que l'administration doit ainsi être regardée comme apportant la preuve dont la charge lui incombe de l'existence des distributions litigieuses.
S'agissant de l'appréhension des distributions :
14. Pour regarder Mme D... épouse C... comme le seul maître de l'affaire, l'administration s'est fondée sur sa qualité de gérante majoritaire à 51 % des parts sociales de la Sarl la Foncière du Parc depuis sa création et sur le fait que les porteurs du reste des parts sociales, à savoir son époux, qui n'exerce aucune fonction dans cette société, et sa fille, n'ont aucun rôle actif dans la prise de décision, alors que la requérante signe les déclarations fiscales de la société, procède aux règlements des factures, engage personnellement les dépenses de la société et dispose de tous les pouvoirs de décision dans la gestion de la société. La requérante ne le conteste pas valablement en soutenant que les comptes annuels de la société ont bien été soumis à l'approbation des autres associés qui ont ainsi bien exercé leur droit de contrôle, que ces mêmes associés sont consultés pour le choix des grandes orientations et lui ont donné quitus pour les actes accomplis par elle au cours de l'exercice de ses fonctions tandis qu'il serait normal qu'au sein d'une entreprise dont les effectifs se limitent à la gérante et à un seul salarié, aucune délégation de la signature de la gérante n'existe, cette entreprise étant en outre une agence immobilière qui fait l'objet d'un contrôle régulier de sa caisse de garantie financière, la SOCAMAB, qui n'a relevé aucune anomalie dans sa gestion. L'administration fiscale établit ainsi, par l'ensemble de ces éléments, dont certains sont tirés du fonctionnement même de Sarl la Foncière du Parc, que Mme D... épouse C... était le maître de l'affaire et qu'elle était ainsi présumée avoir appréhendé les sommes distribuées. En l'absence de tout élément apporté par la requérante pour renverser cette présomption, l'administration est réputée avoir apporté la preuve de l'appréhension par Mme D... épouse C... des sommes distribuées par la Sarl Foncière du Parc.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme D... E...lANEC n'est pas fondée à se soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse C... est rejetée.
2
N° 18VE01622