Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 avril 2020 et le 22 juin 2020, Mme C... D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans l'espace Schengen ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La requérante soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'examen sérieux ;
- l'arrêté attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, le préfet n'apportant pas la preuve de ce que les trois médecins ont rendu leur avis à l'issue d'une délibération commune et non à des dates séparées, alors qu'un doute sérieux résulte de la charge de travail qui pèse sur eux et de la situation géographique de leurs cabinets respectifs ; il existe également un doute sérieux quant à l'authentification des signatures électroniques au regard des dispositions des articles L. 212-3, R. 313-22 et R. 313-23 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 11° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste de l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York.
Vu les autres pièces du dossier, et notamment :
- les pièces transmises par la requérante le 14 mai 2020 et 19 juin 2020 ;
- les pièces produites par la requérante les 3 et 6 novembre 2020, qui n'ont pas été communiquées ;
- la note en délibéré, produite le 12 novembre 2020, qui n'a pas été communiquées.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles
R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- les observations de Me B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante congolaise née en 1987, a fait l'objet le 14 novembre 2018 d'un refus de renouvellement du titre de séjour dont elle était titulaire en qualité de parent d'enfant malade, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de de deux ans. Mme D... relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 5 mars 2020, qui a rejeté sa demande.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer d'office, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement
4. En premier lieu, la décision attaquée vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et notamment ses articles 3 et 8, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment ses articles, L.313-ll-7°, L.313-18, L.311-12, L.511-l-l-3°et 5°, L.Sll-1-II,
L.Sll-4, L.512-1, L.512-3 à 5, L.513-l à 4, le code des relations entre le public et l'administration et notamment ses articles L.211-2 et suivants, l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R.313-22, R313-23 et R.511-l du le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les arrêtés préfectoraux donnant délégation de signature. Il fait état de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'état de santé de l'enfant mineur de la requérante, de l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine, de l'absence de circonstances exceptionnelles empêchant l'accès aux soins de son enfant dans son pays d'origine, de ce que l'état de santé de l'enfant ne fait pas obstacle au voyage à destination du Congo, de ce que le collège des médecins ayant rendu l'avis en application des dispositions précitées était régulièrement constitué et de ce que le médecin- instructeur du dossier s'est abstenu d'y siéger. Il relève encore que l'intéressée est entrée irrégulièrement en France en juin 2010, que rien ne 1'empêche de reprendre le centre de ses intérêts au Congo où elle a vécu au moins jusqu'à 1'âge de 23 ans, accompagnée de ses enfants, et qu'elle ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale à laquelle la décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Enfin, la décision attaquée mentionne que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays où elle serait effectivement admissible. L'arrêté litigieux est ainsi suffisamment motivé. Pour les mêmes raisons, il n'apparaît pas entaché d'un défaut d'examen sérieux.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313 -23 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...). ". Enfin, en vertu de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure/ Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
6. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'article 6 de l'arrêté du
27 décembre 2016 précité que le collège de médecins peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Par suite, la circonstance qu'il ne se serait pas physiquement réuni pour délibérer est sans influence sur la régularité de l'avis rendu, lequel mentionne également : " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Les seules allégations selon lesquelles la charge de travail des médecins serait très conséquente ou encore que leurs cabinets respectifs seraient éloignés les uns des autres, ne sauraient établir un défaut d'examen individualisé des dossiers qui sont soumis au collège ou une absence de délibéré. Si Mme D... conteste également l'authentification des signatures électroniques des membres du collège des médecins portés sur cet avis au regard des dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, elle n'apporte aucun élément de nature à mettre en coute la validité de ces signatures.
7. D'autre part, la décision attaquée a été prise après qu'a été recueilli l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 12 août 2018. Elle est fondée sur le constat selon lequel la circonstance que l'état de santé d'Exodu nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que le traitement approprié existe dans le pays dont elle est originaire et où son enfant peut être pris en charge, alors que Mme
D... ne fait pas état de circonstances exceptionnelles empêchant l'accès aux soins de son enfant au Congo, pays vers lequel l'état de santé de l'enfant ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse voyager. Pour contester ce constat, la requérante produit un certificat du Docteur Lupoglazoff, daté du 12 décembre 2017, aux termes très peu circonstanciés duquel son enfant est porteur d'une cardiopathie congénitale qui nécessite un suivi cardiologique qui ne peut être fait dans son pays d'origine. Cette seule pièce ne suffit par elle-même à établir que son enfant ne pourrait être pris en charge au Congo, alors qu'il ressort des autres pièces du dossier, antérieures ou, d'ailleurs, postérieures à la décision attaquée, que l'état de santé d'Exodu est désormais satisfaisant et ne requiert qu'une visite annuelle de contrôle. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation à ce titre doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
9. Mme D... soutient que depuis 2012 elle a bénéficié de titres de séjour renouvelés, qu'elle est employée comme agent de service dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis 2017 et que ses deux enfants, nés en France respectivement en 2011 et 2015, y sont scolarisés. Toutefois ces circonstances ne permettent pas de caractériser l'atteinte disproportionnée qu'aurait portée le préfet à la vie privée et familiale de Mme
D... alors qu'il est constant que cette dernière, entrée irrégulièrement en France en 2010 après avoir vécu dans son pays jusqu'à l'âge de 23 ans, élève seule ses deux jeunes enfants. Ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont ainsi été méconnues. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué n'est entaché d'aucune erreur manifeste de l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme D....
10. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Eu égard au jeune âge des deux enfants de la requérante qui vivent seuls avec celle-ci et de la possibilité pour eux de suivre leur mère au Congo en y étant scolarisés tout en permettant à Exodu de bénéficier du suivi requis par son état de santé, l'arrêté litigieux ne porte pas atteinte à leur intérêt supérieur au sens des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... D... est rejetée.
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N° 20VE01155