Procédure initiale devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2016, SA L'EUROPENNE D'EMBOUTEILLAGE, représentée par Me Nicorosi, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer les réductions d'impôts demandées ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il ne résulte pas des dispositions de l'article 1517 du code général des impôts que, pour apprécier l'existence d'une variation excédant le seuil du dixième de la valeur locative, l'administration doit se fonder sur le rôle général de l'année précédente, ni même sur le rôle général de l'année, dès lors que ces dispositions ne font pas référence au rôle général mais uniquement à la valeur locative ;
- dans l'hypothèse où les changements de consistance ont été annuellement constatés par l'administration fiscale depuis l'origine du site, la valeur locative servant de référence pour apprécier le seuil de 10 % pour des changements réalisés en N s'entend de celle retenue en N-1 ; il en va néanmoins différemment lorsque, comme dans le présent dossier, les modifications taxables n'ont pas été régulièrement constatées depuis l'origine du site puisque, dans cette hypothèse, la valeur locative retenue l'année précédant celle de la constatation des changements ne correspondra pas à la valeur locative du site, qui constitue la valeur locative de référence pour l'appréciation du seuil de 10% ; dans une telle hypothèse, avant d'apprécier le seuil du dixième, il convient d'abord de reconstituer la valeur locative du site en intégrant à la valeur locative retenue dans le rôle général la valeur locative des changements de consistances omis, et c'est à partir de cette valeur locative reconstituée qu'il convient d'apprécier le seuil du dixième.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2016, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 16VE01705 du 9 mai 2017, la Cour a transmis au Conseil d'Etat les conclusions portant sur taxe foncière sur les propriétés bâties et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la SA L'EUROPENNE D'EMBOUTEILLAGE.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par une décision n° 412294 du 27 juin 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il rejette les conclusions de la requête tendant à la décharge des rappels de taxe professionnelle au titre de l'année 2009, de cotisation foncière des entreprises et de taxe pour frais des chambres de commerce et d'industrie au titre des années 2010 à 2012 et renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la Cour, où elle a été réenregistrée sous le n° 18VE02239.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, président-assesseur,
- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société requérante relève appel du jugement du 14 avril 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ainsi que des suppléments de cotisation foncière des entreprises et de taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie au titre des années 2010, 2011 et 2012 à raison de son usine à La Courneuve (Seine-Saint-Denis).
2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige en ce qui concerne la taxe professionnelle : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : / a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A, 1518 A bis et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période (...) ". Aux termes de l'article 1467 A du même code, dans sa rédaction applicable au litige en ce qui concerne la taxe professionnelle : " Sous réserve des II, III IV, IV bis et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de taxe professionnelle est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou, pour les immobilisations et les recettes imposables, le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ". Aux termes de l'article 1467 du même code, dans sa rédaction applicable au litige en ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. ". Aux termes de l'article 1467 A du même code, dans sa rédaction applicable au litige en ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ". Aux termes de l'article 1600 du même code, il est institué une taxe pour frais de chambre de commerce constituée notamment d'une contribution additionnelle à la cotisation foncière des entreprises. Aux termes du 1 du I de l'article 1517 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Il est procédé, annuellement, à la constatation des constructions nouvelles et des changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties. Il en va de même pour les changements de caractéristiques physiques ou d'environnement quand ils entraînent une modification de plus d'un dixième de la valeur locative ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'administration est en droit, pour l'établissement de la taxe professionnelle ou de la cotisation foncière des entreprises, de constater annuellement les changements de caractéristiques physiques ou les changements d'environnement des biens passibles de taxe foncière lorsque ces changements entraînent une modification de plus d'un dixième de la valeur locative. Ce seuil s'apprécie par référence à la valeur locative du bien à la date du fait générateur de l'imposition de l'année précédente, indépendamment de toute autre cause de modification apparue depuis cette date. Il en résulte que des changements de consistance ou d'affectation postérieurs à cette date sont sans incidence sur l'appréciation à porter au regard du seuil précité. En revanche, il incombe à l'administration, pour déterminer le pourcentage de variation de la valeur locative due aux changements de caractéristiques physiques ou d'environnement, de corriger la valeur locative résultant du rôle général de l'année précédente des changements de consistance ou d'affectation qui n'auraient pas été pris en compte pour l'établissement de l'imposition correspondante, que cette omission ait été mise en évidence par l'administration ou établie par le contribuable.
4. L'état du dossier ne permet pas à la Cour d'appliquer les règles ainsi rappelées au point 3. Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner un supplément d'instruction tendant à la production par l'administration de tous éléments permettant de corriger les valeurs locatives résultant des rôles généraux des années antérieures des changements de consistance et d'affectation en cause, tels qu'ils figurent dans les documents comptables de la société sur lesquels le service s'est fondé pour établir les rectifications, afin de déterminer si les changements de caractéristiques physiques excèdent le seuil de l'article 1517 du code général des impôts.
DECIDE :
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la société ORANGINA SUNTORY FRANCE PRODUCTION, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production par l'administration des éléments mentionnés dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Ces éléments devront parvenir au greffe de la Cour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
N° 18VE02239 2