Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019, l'Association " Les amis de la médecine sociale ", représentée par Me Badin, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler la décision du 19 décembre 2017 de rejet de sa demande préalable ;
3° de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser la somme de
20 382,22 euros assortie des intérêts moratoires capitalisés à compter du 6 octobre 2017, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi de fait de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée sur les produits sanguins labiles qui lui ont été délivrés du 1er janvier 2013 au
31 décembre 2016 ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation préalable, au motif qu'une partie à un contrat administratif n'est pas recevable à demander l'annulation des actes pris par son cocontractant pour l'exécution de ce contrat, alors qu'eu égard à l'encadrement législatif et règlementaire de la délivrance de produits sanguins labiles sur prescription médicale, elle n'est pas contractuellement liée à l'Etablissement français du sang ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme infondée sa demande indemnitaire, alors que le prix des produits sanguins labiles qui lui ont été délivrés a été augmenté du coût de la taxe sur la valeur ajoutée, que l'EFS a bénéficié de son assujettissement à cette taxe du fait de l'exonération de taxe sur les salaires et de la déductibilité de la taxe d'amont dont il a bénéficié du fait de son assujettissement à la TVA et que l'EFS a commis une faute en collectant de la taxe sur la valeur ajoutée sur ces produits en méconnaissance du droit de l'Union ;
- cette faute lui a causé un préjudice correspondant au montant de la taxe ayant à tort grevé le coût des produits sanguins labiles qui lui ont été délivrés.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- l'arrêt C-412/15 du 5 octobre 2016 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 9 mars 2010 relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique,
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour l'Association " Les amis de la médecine sociale ",
- les observations de Me B... pour l'Etablissement français du sang.
Une note en délibéré, présentée pour l'Association " Les amis de la médecine sociale ", a été enregistrée le 13 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. L'Association " Les amis de la médecine sociale ", établissement privé de santé, s'est fait délivrer par l'Etablissement français du sang des produits sanguins labiles qui lui ont été facturés par l'Etablissement français du sang pour un prix TTC incluant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux réduit de 2,1 %. Par une demande préalable du 15 mars 2018, l'Association " Les amis de la médecine sociale" a demandé le remboursement de la somme de 20 382,22 euros correspondant à la taxe qu'elle estime avoir indument supportée sur les produits qui lui ont été facturés entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016. L'Etablissement français du sang a rejeté sa demande le 19 décembre 2017. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et de condamnation de l'Etablissement français du sang.
Sur la régularité du jugement :
2. La décision implicite par laquelle l'Etablissement français du sang a rejeté la demande préalable de l'Association " Les amis de la médecine sociale " a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de sa demande, qui tend à la condamnation de cet établissement à réparer le préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ses agissements fautifs. La requérante a ainsi donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours indemnitaire de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, l'illégalité dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux est sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de cette décision sont, ainsi que l'a jugé le tribunal, irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. L'Association " Les amis de la médecine sociale " recherche la responsabilité délictuelle de l'Etablissement français du sang sur le terrain de la responsabilité pour faute, à raison de l'incompatibilité avec le droit de l'Union de l'application à ses livraisons de produits sanguins labiles du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017 d'une TVA au taux réduit.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 1222-1 du code de la santé publique : " L'Etablissement français du sang est un établissement public de l'Etat, placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé. Cet établissement veille à la satisfaction des besoins en matière de produits sanguins labiles et à l'adaptation de l'activité transfusionnelle aux évolutions médicales, scientifiques et technologiques dans le respect des principes éthiques. Il organise sur l'ensemble du territoire national, dans le cadre des schémas d'organisation de la transfusion sanguine, les activités de collecte du sang, de qualification biologique du don, de préparation, de distribution et de délivrance des produits sanguins labiles. (...) ". Aux termes de l'article L. 1221-9 du code de la santé publique : " Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale fixe les tarifs de cession des produits sanguins labiles (...) ".
5. D'autre part, le 2° du 4 de l'article 261 du code général des impôts exonère de la TVA l'ensemble des opérations de livraisons, de commissions, de courtages ou de façons portant sur les organes, le sang ou le lait humains. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 mars 2010 relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles, dans sa rédaction applicable jusqu'à son abrogation par l'arrêté modificatif du 26 décembre 2018 : " Les tarifs de cession des produits sanguins labiles s'entendent hors taxes, le taux de TVA applicable étant de 2,1% sur l'ensemble des produits sanguins labiles, à l'exception du sang humain total qui n'est pas soumis à TVA. ". Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans sa décision C-412/15 du 5 octobre 2016 TMD que l'article 132, paragraphe 1, sous d), de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus d'exonérer la livraison de sang humain, y compris la livraison du plasma qui entre dans sa composition, lorsque cette livraison contribue directement à des activités d'intérêt général, à savoir lorsque le plasma livré est directement employé pour des soins de santé ou à des fins thérapeutiques.
6. Alors même que l'Etablissement français du sang est investi d'un monopole du prélèvement de sang, de la préparation des produits sanguins, de la qualification biologique des dons et de la distribution des produits sanguins labiles aux établissements de santé, que les tarifs de cession des produits sanguins labiles sont déterminés par arrêté, et que les produits sanguins sont commandés par les établissements de santé sur prescription médicale, la délivrance de produits sanguins s'effectue sur commande pour un prix convenu et donne lieu à l'édition d'une facture. Cette prestation de nature contractuelle relève de la mission de santé publique qui, par son objet, se rattache au service public administratif confié à l'Etablissement français du sang, établissement public administratif. Il s'ensuit que seule la responsabilité contractuelle de l'Etablissement français du sang est susceptible d'être engagée à raison des fautes commises par celui-ci dans l'exécution de ce contrat administratif.
7. En outre, il résulte de l'instruction qu'au cours de la période litigieuse, l'Etablissement français du sang s'est borné à collecter, pour le compte de l'Etat, la TVA prévue par les dispositions rappelées au point 5 de l'arrêté du 9 mars 2010 alors en vigueur, relatif au tarif de cession des produits sanguins labiles. Alors même qu'ultérieurement, l'application de la TVA s'est révélée contraire au droit européen, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et que l'établissement aurait tiré avantage de l'assujettissement de ces livraisons à la TVA, l'Etablissement français du sang n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité. Il s'ensuit que les conclusions à fin d'indemnisation présentées par l'Association " Les amis de la médecine sociale " ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
8. Il résulte de ce qui précède que l'Association " Les amis de la médecine sociale " n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Association " Les amis de la médecine sociale " la somme que l'Etablissement français du sang demande au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'Association " Les amis de la médecine sociale " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement français du sang tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 19VE02683