Par une ordonnance n° 1709213 en date du 22 février 2018, le président de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions présentées par la SA VINCI aux fins de décharge des impositions établies au titre des années 2013 à 2016, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 9 avril 2018 et le 23 octobre 2018, la SA VINCI, représentée par Mes Stéphane Austry et Philippe Grousset, avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 2 de cette ordonnance, en ce qu'il rejette ses conclusions aux fins de décharge de l'imposition établie au titre de 2012 ;
2° de prononcer la décharge des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés établies au titre de 2012 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Elle soutient que :
- elle n'a pas pu présenter ses observations sur le mémoire en défense de l'administration qui lui a été notifié le 23 janvier 2018, en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de l'instruction ;
- ses conclusions aux fins de décharge de l'imposition litigieuse au titre de l'année 2012 n'étaient pas manifestement irrecevables au sens et pour l'application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
- sa réclamation contentieuse du 15 décembre 2015 était recevable en ce qui concerne l'imposition litigieuse établie au titre de 2012, dans la mesure où elle est fondée à se prévaloir du délai spécial de réclamation prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale lui ayant proposé des rehaussements notamment en matière d'impôt sur les sociétés, par une proposition de rectification du 4 décembre 2014 ;
- l'imposition litigieuse doit être restituée, dans la mesure où elle était fondée sur des dispositions qui ont été déclarées contraires à la Constitution par la décision n° 2017-660 QPC du Conseil constitutionnel.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Beaujard ;
- les conclusions de M. Chayvialle, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., pour la SA VINCI.
Considérant ce qui suit :
1. La SA VINCI s'est acquittée spontanément, le 17 décembre 2012, de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés alors prévue par l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, pour un montant de 8 835 840 euros. La SA VINCI relève appel de l'article 2 de l'ordonnance du 22 février 2018, par lequel le président de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés établies au titre de l'année 2012.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". Les dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative permettent au président de formation de jugement de rejeter par ordonnance les requêtes manifestement irrecevables, sans avoir à communiquer la requête à un éventuel défendeur. Toutefois, lorsque la requête a été communiquée au défendeur et que ce dernier a produit un mémoire en défense qui a été communiqué au requérant, il appartient à la juridiction de fixer un délai suffisant pour y répondre ou de notifier aux parties une ordonnance de clôture de l'instruction en application de l'article R. 154 du même code, et de ne rendre son ordonnance qu'une fois ledit délai expiré ou l'instruction close.
3. En l'espèce, aucun délai n'ayant été accordé à la société pour présenter ses observations et aucune date de clôture de l'instruction n'ayant été fixée par la juridiction, la société requérante est fondée à soutenir que l'ordonnance litigieuse qui s'est fondée sur les éléments contenus dans le mémoire en défense, a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire.
Sur les conclusions aux fins de décharge de de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés établies au titre de l'année 2012 :
4. Il est constant que la réclamation litigieuse est tardive au regard du délai général de réclamation prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.
5. Aux termes de l'articles R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable ne peut introduire valablement une réclamation dans ce délai qu'en ce qui concerne l'imposition à l'occasion de laquelle l'administration a engagé la procédure de reprise ou de rectification, ou toute imposition qui n'en est pas distincte, établies au titre de la même période que celle ayant fait l'objet de cette procédure.
6. La SA VINCI se prévaut d'une proposition de rectification qui lui a été notifié le 4 décembre 2014, relative à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et soutient qu'elle disposait d'un délai de réclamation équivalent au délai de reprise de l'administration, lequel expirait le 31 décembre de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, de sorte que sa réclamation présentée en 2015 n'est pas tardive.
7. Aux termes de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l'impôt sur les sociétés en France (...) sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu'ils distribuent au sens des articles 109 à 117 du présent code. / La contribution est égale à 3 % des montants distribués ". Cette imposition est ainsi prévue par des dispositions particulières codifiées au chapitre 3 " titre taxes diverses " du titre 1 de la première partie du code général des impôts, alors que l'impôt sur les sociétés est prévue relève du chapitre 2 de ce même titre. La contribution litigieuse fait l'objet d'un régime juridique propre, caractérisé par un champ d'application personnel particulier et une assiette limitée aux distributions de dividendes. La seule circonstance que les règles applicables au contrôle et au recouvrement de la contribution litigieuse soient celles prévues pour l'impôt sur les sociétés ne permet pas d'assimiler les deux impositions. La société requérante ne peut utilement invoquer ni le fait que le crédit impôt recherche ne constitue pas une imposition différente de l'impôt sur les sociétés, ni la décision de la Cour de justice de l'Union européenne AFEP du 17 mai 2017, C-365/16, laquelle, au contraire, que la qualification de l'imposition en droit interne importe peu.
8. Les impositions à la cotisation de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur les sociétés étant ainsi différentes, la société requérante ne peut se prévaloir du délai spécial de réclamation prévu à l'article R.196-3 du livre des procédures fiscales. Sa réclamation présentée en décembre 2015 est ainsi tardive.
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SA VINCI la somme qu'elle lui réclame au titre des frais exposés à l'instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'article 2 de l'ordonnance n° 1709213 du 22 février 2018 du président de la 9ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de la requête de la SA VINCI sont rejetés.
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N°18VE01189