Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre 2020 et le 15 avril 2021, la société Eurocommercial Properties France, représentée par Me Dupuis, avocate, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a réservé l'abattement dégressif du II de l'article 1586 sexies aux activités de location ou de sous-location d'immeubles nus de nature civile ;
- à titre subsidiaire, les conditions dans lesquelles elle exerce son activité de location ne sont pas de nature à caractériser une activité professionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Eurocommercial Properties France ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pham, première conseillère,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée Eurocommercial Properties France a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2015, à la suite de laquelle le service vérificateur a constaté que la société avait déterminé le montant des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises en appliquant le dispositif transitoire prévu au II de l'article 1586 sexies du code général des impôts en faveur des locations immobilières de nature civile, alors que, selon ce service, elle exerçait une activité de nature professionnelle et commerciale. Un avis en recouvrement des cotisations supplémentaires à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises a été notifié le 15 mars 2018 pour un montant de 318 187 euros en droits, frais d'assiette et intérêts de retard, dont 166 553 euros au titre de l'année 2013, 97 492 au titre de l'année 2014 et 54 142 euros pour l'année 2015. Par un jugement n° 1906858 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Eurommercial Properties France tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt. Celle-ci relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts: " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel (...) ". Aux termes de l'article 1586 sexies du code général des impôts : " I.- Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : (...) II.- Par exception au I, les produits et les charges mentionnés au même I et se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus réputée exercée à titre professionnel au sens de l'article 1447 ne sont pris en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée, qu'à raison de 10 % de leur montant en 2010, 20 % en 2011, 30 % en 2012, 40 % en 2013, 50 % en 2014, 60 % en 2015, 70 % en 2016, 80 % en 2017 et 90 % en 2018. ". Les dispositions du II de l'article 1586 sexies du code général des impôts ont uniquement pour objet de prévoir une soumission progressive à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les produits et les charges se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus exercée par les loueurs, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, lorsqu'une telle activité de location ou de sous-location n'entrait pas déjà dans le champ de cet impôt sur le seul fondement du premier alinéa du I de l'article 1447 du même code. L'abattement dégressif du II de l'article 1586 sexies n'a pas ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, à s'appliquer aux activités de location ou de sous-location d'immeubles nus qui entraient déjà dans le champ d'application de l'impôt.
3. Par ailleurs, la location d'un immeuble nu par son propriétaire n'entre pas dans le champ de l'impôt sur le seul fondement du premier alinéa du I de l'article 1447 du code général des impôts relatif à l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, sauf dans l'hypothèse où, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les contrats de baux passés entre la société Eurocommercial Properties France et ses locataires prévoient qu'une partie additionnelle du loyer est déterminée en fonction du chiffre d'affaires du preneur. Ce dernier est tenu de façon permanente à la présentation de l'ensemble de ses livres, ainsi qu'à faire certifier, à ses frais, les déclarations de chiffre d'affaires qu'il doit adresser au bailleur. Une clause de non-concurrence interdit au locataire pendant toute la durée du bail d'exploiter ou de s'intéresser, directement ou indirectement, à l'exercice d'une activité similaire à celle réalisée dans le centre commercial en cause, à une distance de cinq kilomètres du bâtiment et le preneur est tenu de mentionner le nom du centre commercial dans lequel se situe le local loué dès lors qu'il entreprend une action de nature publicitaire pour promouvoir sa propre enseigne. Les baux en cause imposent aux locataires d'adhérer pendant toute la durée du contrat à l'association des commerçants du centre commercial, qui est créée en vue de favoriser la promotion, le développement et l'extension de la publicité des entreprises, d'exécuter les décisions de cette association et de régler les appels de fonds de cotisation afférents, sachant que le bailleur peut se substituer à l'association des commerçants afin d'assurer ces actions de promotion en gérant un fonds marketing auquel participent financièrement les preneurs. Ces éléments, pris cumulativement, font peser sur les preneurs des obligations liées à leur exploitation commerciale. L'activité de location de la société Eurocommercial Properties France présente, dès lors, un caractère professionnel, au sens des dispositions précitées du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la société requérante ne pouvait bénéficier du dispositif transitoire figurant au II de l'article 1586 sexies du code général des impôts.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Eurocommercial Properties France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Eurocommercial Properties France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eurocommercial Properties France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2022.
La rapporteure,
C. PHAM Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 20VE02272