Procédure devant la Cour :
Par une requête des mémoires, enregistrés le 29 juin 2015, le 6 janvier 2016 et le 28 septembre 2016, la SOCIETE D'EDITION DE CANAL +, représentée par Me Geneste, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice résultant du fait qu'elle a acquitté la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision au titre de la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 2000, une indemnité de 1 555 155 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2010 et de la capitalisation des intérêts ;
3° à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur l'interprétation de la troisième phrase du second alinéa de son arrêt C-333/07 en date du 22 décembre 2008 ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SOCIETE D'EDITION DE CANAL + soutient que :
- lui opposer l'exception de recours parallèle porte atteinte à sa créance protégée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; son recours fiscal a été rejeté à tort, en méconnaissance de l'arrêt CJUE 22 décembre 2008 Régie Networks C-333/07 et alors qu'elle n'avait pas la possibilité de l'introduire avant cet arrêt ; dans ces conditions, le recours en responsabilité est la seule voie de droit pour qu'elle obtienne la restitution de la taxe illégalement perçue ;
- l'Etat a commis une faute en percevant une taxe qui a été rétroactivement privée de base légale depuis l'origine ; la nouvelle décision de la Commission européenne ne valide pas rétroactivement ces taxes ;
- l'Etat a commis une faute en ne restituant pas les sommes perçues, comme il en avait l'obligation ;
- le délai de la prescription quadriennale a été déclenché par l'arrêt CJUE 22 décembre 2008 Régie Networks C-333/07 ; l'action indemnitaire n'est donc pas prescrite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 97-1263 du 29 décembre 1997 ;
- l'arrêt du 22 décembre 2008, C-333/07, Régie Networks de la Cour de justice des Communautés européennes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Skzryerbak,
- les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public
- et les observations de Me Geneste, représentant la SOCIETE D'EDITION DE CANAL +.
Vu la note en délibéré enregistrée le 8 décembre 2016, présentée par la SOCIETE D'EDITION DE CANAL +.
1. Considérant que le décret du 29 décembre 1997 susvisé a institué, au profit d'un fonds de soutien à l'expression radiophonique, une taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision ; que, par l'arrêt du 22 décembre 2008 Régie Networks, C333/07, la Cour de justice des Communautés européennes a relevé que cette taxe faisait partie intégrante du régime des aides à l'expression radiophonique qu'elle servait à financer, que la Commission devait la prendre en considération lors de l'examen de la compatibilité de ce régime d'aides avec le droit communautaire et qu'elle n'avait pas examiné le mode de financement de ces aides ; qu'elle a jugé, en conséquence, que la décision de la Commission du 10 novembre 1997 de ne pas soulever d'objection à l'encontre du régime d'aides en faveur des stations de radio locales était invalide et qu'il y avait lieu de tenir en suspens les effets de ce constat d'invalidité jusqu'à l'adoption d'une nouvelle décision par la Commission, sauf pour les entreprises ayant introduit avant la date du prononcé de son arrêt un recours en justice ou une réclamation équivalente portant sur la perception de la taxe ; qu'au nombre de ces entreprises figurait la SOCIETE D'EDITION DE CANAL +, qui avait introduit une réclamation pour la taxe acquittée au titre des années 2001, 2002 et 2003 ; que, par une réclamation datée du 3 octobre 2010, la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + a également demandé la restitution de la taxe acquittée au titre de la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 2000 ; que, par une décision n° 373650 du 17 avril 2015, le Conseil d'Etat a confirmé le rejet de cette demande au motif que la réclamation était tardive ; qu'entre-temps la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + avait saisi l'administration le 24 décembre 2012 d'une demande préalable tendant à ce que l'Etat l'indemnise, sur le fondement de la responsabilité pour faute, du préjudice qu'elle a subi en ayant acquitté la taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision au titre de la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 2000 ; qu'elle relève appel du jugement en date du 28 avril 2015 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté son recours indemnitaire comme irrecevable ;
2. Considérant que le recours indemnitaire de la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + a le même objet que l'action aux fins de restitution de la taxe, rejetée par la décision susmentionnée du Conseil d'Etat du 17 avril 2015 ; que la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + fait cependant valoir que cette action fiscale n'était pas un recours efficace ;
3. Considérant qu'en application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + disposait d'un délai de réclamation de deux ans à compter du versement de la taxe ou de sa mise en recouvrement ; que ce délai était suffisant pour qu'elle fasse utilement valoir ses droits ; que, par ailleurs, l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 22 décembre 2008 n'a pas directement révélé l'incompatibilité avec le droit communautaire du décret du 29 décembre 1997 ; qu'ainsi, la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas pu faire valoir cette incompatibilité, en méconnaissance des principes d'effectivité et de primauté du droit de l'Union européenne et des exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant que, dans son arrêt du 22 décembre 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a limité les effets dans le temps du constat d'invalidité ; qu'ainsi la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + ne peut utilement soutenir qu'à défaut de pouvoir introduire postérieurement à cet arrêt une réclamation contre la taxe qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 1998 au 30 septembre 2000, elle serait privée de la possibilité de se prévaloir de ce constat d'invalidité ; que la circonstance que l'arrêt mentionne que sont exceptées de la limitation des effets dans le temps les entreprises qui ont introduit avant la date du prononcé de l'arrêt un recours en justice ou une réclamation équivalente quant à la perception de la taxe parafiscale n'a pas pour effet de permettre à ces entreprises de demander, après l'intervention de cet arrêt, la décharge de cotisations portant sur des années au titre desquelles elles n'ont présenté aucune réclamation dans le délai prévu par le b précité de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, au motif qu'elles auraient présenté dans ce délai une réclamation portant sur des années immédiatement postérieures ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE D'EDITION DE CANAL + est rejetée.
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N° 15VE02047