Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 mai 2018 et le 7 décembre 2018, la société Europe Construction, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° de mettre à la charge de la commune de Romainville le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Europe Construction soutient que :
- les arrêtés de péril du 7 février 2014 et du 17 mars 2014 ainsi que les travaux de remblaiement de la fouille auquel la commune a fait procéder d'office ont interrompu le cours du délai de caducité du permis prévu à l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme jusqu'à ce que la Cour administrative d'appel de Versailles se prononce sur la légalité de ces arrêtés ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ces arrêtés constituaient de simples arrêtés de péril qui n'auraient prescrit que des mesures de renforcement de la sécurité du chantier alors que ces arrêtés reposaient sur l'affirmation fausse de la commune relative à la caducité des permis de construire ;
- la société ne pouvait reprendre le chantier avant d'avoir obtenu l'annulation des arrêtés prescrivant l'arrêt du chantier ;
- un nouveau délai de péremption des permis a commencé de courir à la date à laquelle l'arrêté de la Cour administrative d'appel de Versailles du 26 janvier 2017 est devenu définitif ;
- en tout état de cause, aux termes de la jurisprudence, un nouveau délai d'un an court à chaque fois que des travaux significatifs sont effectués.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour la société Europe Construction, et de Me C... substituant Me D... pour la commune de Romainville.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Romainville a délivré le 13 mai 2004 à la société Europe Investir un permis de construire un ensemble de trois immeubles comprenant chacun cinq logements sur un terrain situé 24-26 rue de la Convention transféré par arrêté du 16 mai 2006 à la société Europe Construction. Celle-ci a obtenu le 31 mai 2010 un permis de construire modificatif permettant l'agrandissement du projet et l'augmentation du nombre de logements prévus. Par un arrêté en date du 28 juin 2017, le maire de la commune de Romainville a constaté la caducité des deux permis de construire précités. La société Europe Construction relève appel du jugement en date du 1er mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année (...) ". Ces dispositions ne peuvent recevoir application que si l'inexécution ou l'arrêt des travaux n'est pas imputable au fait de l'administration.
3. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif délivré le 31 mai 2010 et notifié le 15 juin 2010 a eu pour effet d'augmenter de 42% la surface de plancher et de 29% l'emprise au sol des bâtiments projetés, de modifier sensiblement les façades et de porter le nombre d'ouvertures sur l'extérieur de 93 à 141. Ainsi, eu égard à l'importance des modifications apportées au projet initialement autorisé, il y a lieu de regarder ce permis de construire modificatif comme un nouveau permis de construire dont la date de délivrance a déclenché le délai de trois ans prévu à l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme précité.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des constatations réalisées lors des opérations d'expertise des 21 novembre 2013 et 5 février 2014, que des travaux de fondation et d'excavation ont eu lieu entre les mois d'août et décembre 2012. Les experts ont constaté l'arrêt du chantier au moins à compter du mois de mai 2013 mais n'ont jamais noté sa reprise.
5. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Romainville a signé un premier arrêté de péril imminent le 10 janvier 2013 et en a prononcé la mainlevée par un arrêté du 13 février 2013 après avoir constaté que les travaux prescrits avaient été effectués. Ainsi, eu égard au caractère très faible du délai intervenu entre ces deux arrêtés, l'arrêté du 10 janvier 2013 ne saurait être regardé en aucune façon comme ayant empêché la poursuite des travaux de réalisation des constructions autorisées.
6. Par un arrêté de péril imminent en date du 7 février 2014, le maire de la commune de Romainville a prescrit le pompage de la fouille inondée sur le chantier et le remblayage de cette fouille. Par un arrêté du 17 mars 2014, le maire de la commune de Romainville a signé un arrêté fondé sur les pouvoirs de police accordés au maire d'une commune par le code général des collectivités territoriales prescrivant les mêmes travaux. Ces deux arrêtés ont été annulés par un arrêt de la Cour administrative de Versailles en date du 26 janvier 2017 devenu définitif. Les travaux prescrits qui dépassaient les simples mesures permettant d'assurer la sécurité du chantier et de prévenir les désordres susceptibles d'être causés aux bâtiments voisins ont eu pour effet de supprimer le chantier. Par suite ces arrêtés doivent être regardés comme étant à l'origine de l'arrêt des travaux constaté et comme ayant interrompu le délai de caducité du permis délivré le 31 mai 2010 et notifié le 15 juin 2010 prévu à l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.
7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, la commune de Romainville ne saurait soutenir que le permis initial délivré le 13 mai 2004 était caduc du fait de l'interruption du chantier de novembre 2009 à 2012, en raison de l'intervention d'un nouveau permis de construire le 31 mai 2010. Par suite la demande de substitution de motifs doit être rejetée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Europe Construction est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté en date du 28 juin 2017 du maire de la commune de Romainville.
9. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Romainville la somme de 2 000 euros à verser à la société Europe Construction sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Europe Construction, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Romainville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1707833 du 1er mars 2018 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté en date du 28 juin 2017 du maire de la commune de Romainville sont annulés.
Article 2 : La commune de Romainville versera à la société Europe Construction la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Romainville fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE01636