Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2019, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que c'est à tort que le premier juge a retenu que l'arrêté portant transfert de Mme B... aux autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que les brochures d'information remises en anglais lui ont été expliquées lors de l'entretien individuel qu'elle a eu avec un interprète en langue tibétaine ; la requérante ne démontre pas qu'elle n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été ainsi délivrées et faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, en dépit de la brièveté de l'entretien.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Val-d'Oise relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel il a prononcé le transfert aux autorités espagnoles, pour l'examen de sa demande d'asile, de Mme B..., ressortissante chinoise d'origine tibétaine, née le 1er janvier 1994.
Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'appréciation des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ".
3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 4 (Droit à l'information) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5.FR 29.6.2013 Journal officiel de l'Union européenne L 180/373. (...) ".
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, lors de l'entretien individuel du 18 décembre 2018, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " ainsi que la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " rédigées en anglais, langue dont il est constant que l'intéressée ne comprend pas. Toutefois, Mme B... a été assistée d'un interprète en langue tibétaine lors de cet entretien, langue qu'elle a déclaré comprendre, et a elle-même signé les documents qui lui ont été remis et sur lesquels il est expressément indiqué que les informations ont été traduites en tibétain. Il n'est à cet égard pas démontré que la requérante n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte rendu qui en a été établi, en dépit de la durée de cet entretien. Il ressort en outre des pièces du dossier que Mme B... n'a fait état de la présence de M. A..., qui réside en France et bénéficie du statut de réfugié et dont elle allègue être la fille, que plusieurs mois après cet entretien. Par suite, le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 15 avril 2019 pour le motif tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé.
6. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de la demande d'annulation de la décision par laquelle le préfet du Val-d'Oise a décidé le transfert de Mme B... aux autorités espagnoles, responsables de sa demande d'asile, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise :
7. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B....
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
9. Comme il est dit au point 5, Mme B... a bénéficié, le 18 décembre 2018, dans les locaux de la préfecture du Val d'Oise, de l'entretien individuel prévu à l'article 5.1 du règlement n° 604/2013 susvisé. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du résumé de l'entretien individuel, que celui-ci a été mené par un agent de la préfecture du Val-d'Oise, qui est une personne qualifiée en vertu du droit national, et s'est déroulé " dans un endroit confidentiel et isolé du public ", dans le respect des conditions prévues à l'article 5.5 de ce règlement.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...). ".
11. Si Mme B... fait état de la présence en France de M. A..., bénéficiaire du statut de réfugié, dont elle allègue être la fille, aucune pièce du dossier ne permet d'établir cette filiation hormis une attestation peu circonstanciée du 9 mai 2019 de M. A... lui-même, établie pour les besoins de la cause postérieurement à la date de la décision attaquée. En outre, il ressort des pièces produites par le préfet que la requérante n'a pas fait mention d'attaches particulières en France lors de son entretien individuel avec un agent de la préfecture, et que ce n'est que postérieurement à la notification de son arrêté de transfert aux autorités espagnoles qu'elle a fait mention de la présence en France de M. A.... Compte tenu de ces déclarations contradictoires et de l'absence de tout élément probant permettant d'établir la filiation de la requérante avec M. A..., Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en ne mettant pas en oeuvre la procédure dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 (UE) du 26 juin 2013 susvisé, nonobstant ses attaches familiales en France, le préfet du Val-d'Oise aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 15 avril 2019. En outre, la demande présentée par Mme B... devant ce tribunal doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction et d'allocation de frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée à Mme B....
Article 2 : Le jugement n° 1905332 du 21 mai 2019 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 3 : La demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et ses conclusions d'appel sont rejetées.
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N° 19VE02221