Première procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2015, la société Banctec Business Outsourcing représentée par Me B..., avocat, a demandé à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de première instance de M. A... ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 15VE02558 du 20 juillet 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et la décision de l'inspecteur du travail en date du 2 décembre 2013.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 septembre et 12 décembre 2017 et le 2 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Safig, Me F..., agissant en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Safig, et Me E..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la même société, ont demandé au Conseil d'Etat :
1° d'annuler cet arrêt ;
2° réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Banctec Business Outsourcing ;
3° de mettre à la charge la société Banctec Business Outsourcing la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une décision n° 414371 du 24 décembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité de la Cour administrative d'appel de Versailles et renvoyé l'affaire devant cette Cour.
Procédure devant la Cour après renvoi:
Par un mémoire et trois mémoires complémentaires enregistrés le 6 février 2020, le 22 avril 2020, le 12 mai 2020, et le 5 mars 2021 la société Banctec Business Outsourcing devenue Exela Technologies Services, représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1403405 du 15 juin 2015 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision en date du 2 décembre 2013 de l'inspecteur du travail ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita ;
- la nécessité de licencier M. A... a été tranchée par l'ordonnance du juge-commissaire et ne pouvait plus être discutée devant l'administration et c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que le contrat de travail de M. A... avait été transféré à la société Banctec Business Outsourcing alors que son intervention dans cette société, limitée dans le temps a eu pour seul objectif d'assurer le bon déroulement de la passation d'activité et la mutation vers le systèmes informatiques du repreneur de la société Safig ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le poste de M. A... n'avait pas été supprimé.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la société Exela Technologies services.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 19 août 2013, le Tribunal de commerce de Bobigny a arrêté un plan de cession partiel de la société Safig, placée en redressement judiciaire, à la société Banctec Business Outsourcing qui a repris l'activité " moyens de paiement " et autorisé le licenciement pour motif économique des salariés occupant les postes figurant sur la liste des postes de travail non repris. Me F..., administrateur judiciaire de la société Safig, a formé le 2 octobre 2013 une demande d'autorisation de licenciement de M. G... A..., salarié protégé. Par un jugement du 8 octobre 2013, le Tribunal de commerce de Bobigny a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Safig en procédure de liquidation judiciaire et a désigné Me E... en qualité de liquidateur judiciaire de cette société. Par une décision du 2 décembre 2013, l'inspectrice du travail de la 1ère section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande d'autorisation de licenciement de M. A..., au motif que la suppression de son poste n'était pas établie. Par un jugement du 15 juin 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Banctec Business Outsourcing tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes du dispositif du jugement attaqué que les premiers juges ont purement et simplement rejeté la demande de la société Banctec Business Outsourcing après avoir analysé l'applicabilité aux faits de l'espèce des dispositions des articles L 642-5 et R. 642-3 du code du commerce. Ce faisant, ils ne sauraient être regardés comme ayant irrégulièrement apprécié l'étendue des conclusions des parties.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. La société requérante soulève pour la première fois en appel les moyens de légalité externe tirés de ce qu'elle n'aurait pas été entendue dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail et de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse. Ces moyens, qui se rattachent à une cause juridique distincte de ceux qui ont été soulevés devant les premiers juges, sont irrecevables.
4. L'article L. 631-17 du code de commerce, relatif à la possibilité de procéder à des licenciements économiques lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, dispose que : " Lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge-commissaire à procéder à ces licenciements (...) ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'une entreprise est placée en période d'observation dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, l'administrateur judiciaire ne peut procéder à des licenciements pour motif économique que s'ils présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable et après autorisation, non nominative, du juge-commissaire désigné par le tribunal de commerce. Pendant cette période d'observation, le législateur a entendu que la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes soient examinées par le juge de la procédure collective dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. Dès lors qu'un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, ces éléments du motif de licenciement économique ne peuvent être contestés qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre cette ordonnance et ne peuvent être discutées devant l'administration.
5. Toutefois, si le salarié dont le licenciement est envisagé bénéficie du statut protecteur, l'administrateur doit, au surplus, obtenir préalablement l'autorisation nominative de l'inspecteur du travail qui vérifie, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que ce licenciement n'est pas en lien avec le mandat du salarié, que la suppression du poste en cause est réelle et a été autorisée par le juge-commissaire, que l'employeur s'est acquitté de son obligation de reclassement et, enfin, qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée.
6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en contrôlant la réalité de la suppression du poste et non la nécessité économique du licenciement de M. A..., l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur de droit.
7. IL ressort des pièces du dossier que M. A... a poursuivi, après la cession de l'activité " moyens de paiement " de la société Safig à la société Banctec Business Outsourcing son activité au sein du service support informatique de ce secteur d'activité pendant les mois de septembre et octobre 2013. Une boîte de courrier électronique a été ouverte à son nom au sein du réseau de Banctec Business Outsourcing, il a travaillé avec les salariés de cette société, participé à des réunions et a été sollicité pour assurer une astreinte le samedi 12 octobre 2013. La société Banctec Business Outsourcing a mis à disposition de M. A... les moyens de poursuivre sa mission et l'a intégré dans la hiérarchie de la société où lui ont été données des directives. Par un arrêt définitif en date du 28 février 2019, la Cour d'appel de Douai a par ailleurs jugé " que le salarié a, cependant, poursuivi son activité après la cession et ce, pendant deux mois, au profit de la société Banctec Business Outsourcing ". Par suite, et sans que la société Banctec Business Outsourcing puisse utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant non démontrée, que le maintien de M. A... lui aurait été demandé par l'administrateur judiciaire de la société Safig, c'est sans commettre d'erreur de fait que l'inspecteur du travail a retenu la circonstance que le poste de M. A... n'avait pas été supprimé pour refuser l'autorisation de procéder à son licenciement.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Banctec Business Outsourcing n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Banctec Business Outsourcing la somme de 2 000 euros à verser à la société Safig, Me F... en qualité d'administrateur judiciaire de cette société et Me C..., mandataire judiciaire reprenant les mandats de Me E... pris ensemble sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Banctec Business Outsourcing est rejetée.
Article 2 : La société Banctec Business Outsourcing versera à la société Safig, Me F... en qualité d'administrateur judiciaire de cette société et Me C..., mandataire judiciaire reprenant les mandats de Me E... pris ensemble, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 19VE04334