Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2020, sous le numéro 20VE01771, le préfet de Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter les demandes de M. F... et Mme D....
Le préfet de la Seine-Saint-Denis soutient que :
- compte tenu de la brièveté du séjour des requérants en France, les arrêtés annulés par le Tribunal ne sont pas de nature à avoir porté une atteinte disproportionnée à leur vie familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'est pas justifié de leur vie commune depuis août 2017, Mme D... ayant été selon ses propres déclarations victime de violences conjugales répétées ;
- la vie familiale des intéressés peut se poursuivre dans leur pays d'origine.
.....................................................................................................................
II. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2020, sous le numéro 20VE01766, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1914108-1914172 du 6 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés en date du 26 novembre 2019 par lesquels il a refusé de délivrer à M. F... et à Mme D... un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Il soutient que :
- un doute sérieux existe quant au bien-fondé du jugement ;
- la condition d'urgence est remplie.
.....................................................................................................................
Vu :
- les autres pièces des dossiers ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me E... pour M. F... et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France en 2015 et que M. F... est entré en France en 2016. La Cour nationale du droit d'asile a rejeté leur demande de reconnaissance de la qualité de réfugié le 12 juillet 2017. M. F... et Mme D..., de nationalité colombienne, sont parents d'un enfant né dans leur pays d'origine en 2014. Par deux jugements du 9 mai 2019 et du 23 août 2019, le Tribunal administratif de Montreuil et le Tribunal administratif de Paris ont annulé les arrêtés du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de leur délivrer un titre de séjour et les obligeant à quitter le territoire français et enjoint au préfet de réexaminer leur situation. Par deux arrêtés en date du 26 novembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a réexaminé la situation de M. F... et de Mme D... et refusé une nouvelle fois de leur délivrer un titre de séjour et assorti ces décisions d'obligations de quitter le territoire français. Eu égard à la brève durée de leur séjour en France, à la possibilité de transférer leur cellule familiale dans leur pays d'origine en compagnie de leur enfant âgé de cinq ans à la date des arrêtés litigieux, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a considéré que les arrêtés précités avaient méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.
3. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F... et Mme D... devant le Tribunal administratif de Montreuil.
4. Il ressort des termes des arrêtés litigieux que le préfet de la Seine-Saint-Denis a visé les textes appliqués et exposé les circonstances de fait et de droit sur lesquelles il s'est fondé, permettant aux intéressés d'en contester le bien-fondé. Par suite, il répond aux conditions posées par le code des relations entre le public et l'administration quant à la motivation des décisions administratives.
5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article. ".
6. Eu égard à ce qui a été exposé au point 2 du présent arrêt, si les requérants se prévalent de promesses d'embauche et de contrats de travail, ils ne justifient pas d'une intégration, de motifs exceptionnels ou d'une situation humanitaire propres à démontrer que le préfet aurait commis une erreur manifeste en ne procédant pas à leur régularisation à titre exceptionnel.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de M. F... et Mme D... ainsi que les conclusions de ces derniers fondées en appel sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement :
27. La cour se prononçant par le présent arrêt sur le bien-fondé du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 6 juillet 2020, les conclusions du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1914108-1914172 du 6 juillet 2020 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. F... et Mme D... devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 6 juillet 2020.
2
N° 20VE01766...