Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2017 la société RREEF INVESTMENT GMBH, représentée par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les commentaires administratifs publiés au BOFiP sous la référence BOI-IS-AUT-20 n° 100 ne sont conformes ni aux dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ni au principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés prévu au I de l'article 209 du même code ;
- cette doctrine n'est pas conforme à la clause de non-discrimination figurant à l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande et au principe de non-discrimination prévu par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, qui sont à l'origine d'une différence de traitement entre la succursale et la filiale d'une société étrangère et compromettent la liberté de choisir la forme juridique la plus appropriée pour l'exercice d'une activité dans un autre État membre, introduisent une restriction à la liberté d'établissement garantie par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et méconnaissent le principe de non-discrimination prévu par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 49 et 54 ;
- la convention signée le 21 juillet 1959 entre la République française et la république fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproques en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de contributions foncières ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
1. Considérant que la société de droit allemand RREEF INVESTMENT GMBH, qui exerce une activité de gestion immobilière, a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015 à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés en application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts ; qu'elle relève appel du jugement du 16 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition à concurrence d'une somme totale de 1 828 419 euros ;
Sur les conclusions à fins de décharge :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts : " Les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables (...) / Le chiffre d'affaires mentionné au premier alinéa du présent I s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant, et pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A ou à l'article 223 A bis, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe " ; qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article 209 du même code : " (...) les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, de ceux mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l'article 164 B ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions " ; que l'article 4 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 susvisée stipule que " 1. Les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'effectue des opérations commerciales dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise effectue de telles opérations commerciales, l'impôt peut être perçu sur les bénéfices de l'entreprise dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ces bénéfices peuvent être attribués audit établissement stable. Cette fraction des bénéfices n'est pas imposable dans le premier mentionné des Etats contractants (...) " ;
3. Considérant qu'en application de l'article 235 ter ZAA précité, l'assujettissement à la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés repose sur la qualité de redevable de l'impôt sur les sociétés et sur la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins
250 millions d'euros ; que si la territorialité de l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 209 du code général des impôts limite les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés à ceux réalisés en France, sous réserve des stipulations des conventions internationales relatives aux doubles impositions, elle n'a ni pour objet ni pour effet de limiter le chiffre d'affaires pris en compte pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle à celui réalisé en France ; qu'il en résulte que pour l'application de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts, l'administration était fondée à retenir le chiffre d'affaires mondial réalisé par la société RREEF INVESTMENT GMBH ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la doctrine fiscale :
4. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que l'imposition litigieuse a été établie conformément à la loi ; que, par suite, le moyen soulevé par la société RREEF INVESTMENT GMBH et tiré de ce que l'administration se serait à tort fondée sur une doctrine illégale ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de liberté d'établissement découlant de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un Etat membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des Etats membres " ; que le principe de liberté d'établissement, qui découle de ces stipulations, s'oppose à l'application de toute réglementation nationale qui, en restreignant la possibilité pour les opérateurs économiques établis dans un Etat membre de choisir librement la forme juridique appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre Etat membre, interdit, gêne ou rend moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement ;
6. Considérant que la société RREEF INVESTMENT GMBH soutient que le principe de liberté d'établissement implique que l'établissement stable français d'une société étrangère et la société française filiale d'une société étrangère soient traités de manière identique et qu'en retenant, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la contribution exceptionnelle, le chiffre d'affaires de la société étrangère dans le premier cas et celui de la société française dans le second cas, les dispositions de l'article 235 ter ZAA du code général des impôts sont à l'origine d'une différence de traitement entre l'établissement stable et la filiale d'une société étrangère et, par suite, d'une restriction à la liberté d'établissement compromettant le principe de libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère et, en conséquence, celui de non-discrimination ;
7. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt rendu le 17 mai 2017 dans l'affaire C-68/15, que le libre choix laissé aux opérateurs économiques par l'article 49, premier alinéa, deuxième phrase du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de retenir la forme juridique qu'ils estiment la plus appropriée pour l'exercice de leurs activités dans un autre État membre implique seulement, pour l'État membre d'accueil, qui demeure libre de déterminer le fait générateur de l'impôt, l'assiette imposable ainsi que le taux d'imposition qui s'appliquent aux différentes formes d'établissements des sociétés y opérant, d'accorder aux sociétés non-résidentes un traitement qui ne soit pas discriminatoire par rapport aux établissements nationaux comparables ; que d'une part, au regard de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés, une société établie dans un autre État membre ayant une filiale ou une succursale en France est traitée de manière identique à une société établie en France ayant une filiale ou une succursale en France ou dans un autre État membre ; que, d'autre part, l'existence d'une différence entre les chiffres d'affaires à prendre en compte pour l'appréciation du seuil d'assujettissement à cette contribution, selon que les sociétés étrangères exercent des activités en France dans le cadre d'une succursale ou dans le cadre d'une filiale qui est la conséquence nécessaire de l'absence de personnalité propre de la succursale ne constitue pas, par elle-même, une entrave à la liberté d'établissement ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'il existerait une différence de traitement selon le lieu d'établissement de la société ou selon la structure juridique de l'établissement secondaire de cette société qui serait de nature à compromettre le libre choix de la forme juridique de son établissement secondaire par une société étrangère, ne peut qu'être écarté ; que, par voie de conséquence, il ne saurait avoir non plus été porté atteinte au principe de non-discrimination découlant également de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société REEF INVESTMENT GMBH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société RREEF INVESTMENT GMBH au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société RREEF INVESTMENT GMBH est rejetée.
N° 17VE03893 3