Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 septembre 2018, la SELARL PHARMACIE REINE représentée par Me Naïm, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts infligée au titre de l'année 2010 ;
2° de prononcer la décharge de cette amende ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors que l'administration avait dans sa réponse aux observations du contribuable du 20 novembre 2012 décidé d'abandonner intégralement l'amende pour distribution occulte de revenus, infligée au titre des années 2009 et 2010, c'est à tort que le tribunal a estimé que l'administration pouvait lui adresser, le 27 novembre 2012, une nouvelle réponse aux observations successives, annulant la précédente ;
- après avoir procédé à l'abandon de l'amende, l'administration devait, soit réitérer la demande de désignation sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, soit, en tout état de cause lui adresser une nouvelle proposition de rectification ;
- en tout état de cause, la réponse aux observations du contribuable du 27 novembre 2012 devait à tout le moins lui conférer un délai de réponse de 30 jours ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SELARL PHARMACIE REINE a fait l'objet, à la suite d'un contrôle inopiné, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2010, étendue au 31 décembre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, le vérificateur a écarté la comptabilité de la société comme irrégulière et non probante et reconstitué les recettes imposables, puis lui a notifié, par proposition de rectification du 18 juillet 2012, des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices et périodes d'imposition précités. Les impositions en résultant, de même que l'amende pour distribution occulte prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2010 ont été mises en recouvrement le 31 juillet 2015. Par un jugement du 10 juillet 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, sa demande tendant à la décharge de l'ensemble de ces impositions et pénalités. La SELARL PHARMACIE REINE fait appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, infligée au titre de l'année 2010.
2. D'une part, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 de ce code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ". Ces dispositions instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. La personne sanctionnée par cette pénalité ne peut contester que son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité.
3. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "(...) Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement de pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D précité, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer, et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. L'administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.
4. Il résulte de l'instruction que l'administration a invité la SELARL PHARMACIE REINE, dans la proposition de rectification du 18 juillet 2012, à désigner, dans un délai de trente jours, les bénéficiaires des rehaussements considérés comme distribués pour les exercices clos en 2009 et 2010. A la suite de la prorogation de trente jours du délai de réponse à cette proposition de rectification, la société a présenté, le 12 septembre 2012, ses observations en réponse et a désigné Mme A... comme bénéficiaire des sommes réputées distribuées au titre du seul exercice clos en 2009. Par une première réponse aux observations du contribuable du 23 octobre 2012, l'administration a décidé d'appliquer l'amende prévue à l'article 1759 précité pour les seuls revenus distribués au cours de l'exercice clos en 2010, à l'exclusion de ceux de l'exercice clos en 2009. Par courrier du 14 novembre 2012, la société a toutefois indiqué que Mme A... était également bénéficiaire des revenus réputés distribués au titre de l'exercice clos en 2010. Prenant acte de cette nouvelle désignation, le service a, par lettre du 20 novembre 2012, informé la société de l'abandon total de l'amende puis, par une seconde réponse aux observations du contribuable du 27 novembre 2012, annulant et remplaçant les deux précédentes réponses des 23 octobre et 20 novembre 2012, a rétabli l'amende au titre des deux années 2009 et 2010, au motif que la désignation du bénéficiaire n'est intervenue qu'après l'expiration du délai de trente jours, prévu par l'article 117 du code général des impôts, à compter de la proposition de rectification du 18 juillet 2012. Enfin, à la suite de l'entretien avec le supérieur hiérarchique, la société a été informée, par lettre du 26 avril 2013, que le service abandonnait l'application de l'amende pour l'exercice clos en 2009, dès lors que la désignation au titre de cette année était intervenue dans le délai prorogé, mais a maintenu celle infligée au titre de l'exercice 2010, la désignation du 14 novembre 2012 étant intervenue après l'expiration de ce même délai.
5. Contrairement à ce qu'il est soutenu, l'administration pouvait régulièrement adresser à la SELARL PHARMACIE REINE, le 27 novembre 2012, une réponse aux observations annulant et remplaçant les réponses précédentes dès lors que cette nouvelle notification se situait dans le délai de reprise, lequel court, conformément aux dispositions combinées des articles L. 188 et L. 189 du livre des procédures fiscales, jusqu'à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai imparti à la société pour répondre à la demande de désignation adressée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts a expiré. Il résulte, en outre, de l'instruction et notamment des termes mêmes de cette réponse aux observations du contribuable du 27 novembre 2012, que l'administration a expressément octroyé à la société un délai de trente jours, à compter de la réception de ce document, pour présenter ses éventuelles observations. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas contesté que la SELARL PHARMACIE REINE n'avait pas indiqué au service, à l'expiration du délai qui lui était imparti, prorogation comprise, le bénéficiaire de la distribution au titre de l'exercice clos en 2010, l'administration a pu légalement lui appliquer l'amende prévue par les dispositions précitées de l'article 1759 du code général des impôts, sans être tenue ni de renouveler la demande prévue à l'article 117 du même code, ni de lui notifier une nouvelle proposition de rectification.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL PHARMACIE REINE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande sur ce point. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL PHARMACIE REINE est rejetée.
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N° 18VE03145