Par une requête, enregistrée le 6 mai 2020, M. B..., représenté par Me Boudjellal, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du 23 août 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il est également entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il demandait une régularisation sur le plan " commercial ", cas non prévu par cet article ;
- il méconnaît les stipulations des articles 3§1 et 7§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur de fait ;
- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une lettre du 6 janvier 2022, les parties ont été informées que la cour était susceptible de substituer, comme base légale de l'arrêté attaqué, le pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet de régulariser ou non la situation d'un ressortissant algérien, aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bonfils a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 21 octobre 1979 à Hammadia, a sollicité, par une demande déposée le 14 décembre 2018 et complétée le 18 mars 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 23 août 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 8 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".
3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 23 août 2019, lequel vise notamment l'accord franco-algérien ainsi que les demandes de délivrance de certificat de résidence algérien en qualité de commerçant et d'admission exceptionnelle au séjour présentées par M. B..., que le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé, d'une part, sur le défaut de visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, prévu par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien, et l'absence de contrôle médical, conformément aux stipulations de l'article 5 du même accord, et, C... part, sur le fait que l'intéressé ne justifiait ni de l'intensité, ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, au vu en particulier des conditions de scolarisation de ses enfants, ni même d'une insertion forte dans la société française. Ainsi, il comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Dans ces conditions, et nonobstant le fait qu'il mentionne à tort l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté en litige est suffisamment motivé. Cette motivation, qui indique en particulier que l'intéressé ne justifie pas de conditions d'existence pérennes, établit, en outre, que l'autorité préfectorale a procédé à un examen particulier de la situation de M. B... et des documents transmis par ce dernier concernant notamment sa situation professionnelle. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans le pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet de régulariser ou non la situation d'un ressortissant algérien, lequel peut être substitué aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants algériens, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'étranger d'aucune garantie et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Ainsi qu'il a été dit au point 3 et comme a pu le relever à bon droit le tribunal au vu des pièces portées à sa connaissance, et de la motivation de l'arrêté, le préfet de la Seine-Saint-Denis a effectivement examiné les demandes, présentées par M. B..., de délivrance de certificat de résidence algérien en qualité de commerçant et d'admission exceptionnelle au séjour, au titre du pouvoir général de régularisation dont il dispose à l'égard des ressortissants algériens. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
6. En troisième lieu, si M. B... fait grief à l'arrêté attaqué d'être entaché d'une erreur de fait au motif qu'il mentionnerait à tort qu'il ne justifie d'aucune activité depuis la création de sa société, d'une part, la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de commerçant indique seulement que l'intéressé ne justifie pas de " conditions d'existence pérennes ". C... part, s'il est établi par les pièces du dossier que M. B... a créé le 1er avril 2017 une société de nettoyage dont il est le gérant et l'associé principal, aucun document n'atteste d'une quelconque activité de cette société. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. B... soutient être entré régulièrement sur le territoire français muni d'un passeport algérien et d'un visa Schengen, être le père de trois enfants scolarisés en France, et contribuer à l'économie française à travers la société qu'il a créée et dont il est le gérant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France en mars 2016, soit à l'âge de trente-six ans, et que son épouse, également de nationalité algérienne, séjourne en France de manière irrégulière. Si deux des enfants du couple sont scolarisés en France, rien ne s'oppose à ce que ceux-ci, qui sont encore en bas âge, poursuivent leur apprentissage de maternelle et primaire en Algérie, où ils sont nés et où n'existe aucun obstacle à la poursuite de la vie familiale. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... a créé en 2017 une société de nettoyage dont il est le gérant et l'associé majoritaire, en tout état de cause, il n'établit pas que cette société aurait exercé une quelconque activité depuis sa création, la seule production d'une demande d'aide à l'embauche d'un salarié en contrat unique d'insertion ne suffisant pas à établir une création pérenne d'emploi ni la réalité de l'activité commerciale alléguée. Dans ces conditions, et au vu du caractère encore récent à la date de la décision attaquée de l'arrivée en France de M. B... et de l'absence d'insertion particulière dans la société, la décision refusant à l'intéressé la délivrance d'un certificat de résidence algérien et son admission exceptionnelle au séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. D'une part, la décision refusant de délivrer un certificat de résidence algérien et d'admettre de manière exceptionnelle au séjour M. B..., qui n'est pas une mesure d'éloignement, n'a pas pour effet direct de séparer le père de ses enfants. C... part, et nonobstant la scolarisation de deux des trois enfants respectivement à l'école maternelle et à l'école élémentaire, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas été prise en violation des stipulations précitées, dès lors que rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie, pays dont tous les membres de la famille de M. B... ont la nationalité et où sont nés ses enfants, lesquels sont toujours en bas âge.
11. En sixième lieu, si l'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que " L'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d'acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. (...) ", cet article crée seulement des obligations entre États, et ses dispositions n'ouvrent en tout état de cause pas de droits à leurs ressortissants. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations.
12. Enfin, pour les mêmes motifs de fait que ceux énoncés au point 8, et dès lors que M. B... a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie, dont sont également originaires son épouse et ses enfants, et où il ne soutient pas être dépourvu de toute attache familiale, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni n'est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté en litige, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
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N° 20VE01232