Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, M. B..., représenté par Me Calvo Pardo, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 17 juin 2020 ;
3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4° de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en se fondant uniquement sur les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur les stipulations de l'accord franco-tunisien, le préfet de l'Essonne a commis une erreur de droit ;
- en estimant qu'il ne remplissait plus les conditions pour se voir renouveler son titre de séjour en qualité de salarié et se fondant sur un avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France en date du 25 février 2020 motivé par le fait qu'une demande de pièces envoyée à son employeur serait restée sans réponse, alors que la société Au goût du jour a reçu le courrier de la DIRECCTE daté du 19 décembre 2019 et y a répondu par courrier recommandé reçu le 9 janvier 2020, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, l'avis de la DIRECCTE puis la décision du préfet de l'Essonne sont fondées sur des informations erronées qui ne reflètent pas la réalité ; d'ailleurs, cet avis ne lui a pas été transmis, ni à son employeur ; les premiers juges ont omis de se prononcer sur ce point ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard de sa situation personnelle en France.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Deroc a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 18 octobre 1987 à Zarzis (Tunisie), a sollicité le renouvellement de son titre de séjour salarié sur le fondement du 1. de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait appel du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du point 3 du jugement contesté que les premiers juges ont écarté toute contestation relative au contenu de l'avis rendu par la DIRECCTE d'Ile-de-France en faisant valoir le caractère surabondant du motif lié à son caractère défavorable dès lors " qu'en l'absence d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " n'était même pas envisageable ". Ce faisant et contrairement à ce que soutient M. B..., et quelle que soit la pertinence de l'analyse retenue par les premiers juges, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer en s'abstenant de répondre au moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet pour s'être fondé sur un avis lui-même fondé sur des informations erronées.
Sur l'arrêté contesté :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué trouve son fondement légal dans l'article 3 de l'accord franco-tunisien, qui peut être substitué à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants tunisiens, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'étranger d'aucune garantie et que le préfet dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une erreur de droit à ce titre ne peut qu'être écarté.
4. Par ailleurs, aux termes des stipulations du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, substitué à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum (...) reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié ". L'article 11 de cet accord stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de faire droit à la demande présentée par M. B..., le préfet de l'Essonne a estimé, à la suite de l'avis défavorable à la demande de renouvellement d'autorisation de titre de séjour rendu par la DIRECCTE d'Ile-de-France le 25 février 2020 dont il s'approprie les termes tels qu'il les reproduit, que, faute de disposer des documents visés à l'article R. 5221-32 du code du travail, il n'était pas possible de vérifier l'application des dispositions de l'article R. 5221-34 du même code selon lequel : " Le renouvellement d'une des autorisations de travail mentionnées aux articles R. 5221-32 et R. 5221-33 peut être refusé en cas de non-respect des termes de l'autorisation par l'étranger ou en cas de non respect par l'employeur : / 1° De la législation relative au travail ou à la protection sociale ; / 2° Des conditions d'emploi, de rémunération ou de logement fixées par cette autorisation. ". Il relève en ce sens, l'absence de réponse à une demande de pièces complémentaires adressée à son employeur, le pli ayant d'ailleurs été retourné avec la mention " non distribué ".
6. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la notification de l'avis émis par la DIRECCTE. Le moyen présenté à ce titre par l'intéressé ne peut qu'être écarté.
7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 19 décembre 2019, la DIRECCTE a demandé communication à la société Au goût du jour une copie de sa déclaration unique d'évaluation des risques professionnels ainsi que de l'attestation de la visite d'information et de prévention. Si M. B... peut être regardé comme justifiant, par la production d'une copie de ce courrier, de sa réception par son employeur, contrairement à ce qui est avancé par le préfet de l'Essonne, il ne justifie pas de la transmission des documents demandés par son employeur en se bornant à produire une copie d'un bordereau de dépôt d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressé le 7 janvier 2020 à la DIRECCTE et son accusé de réception du 9 janvier, qui ne permettent pas de justifier du contenu de la nature, ni du contenu du pli correspondant. Il ne produit pas davantage ces documents devant le juge, ni ne justifie dès lors du respect, par la société Au goût du jour, des exigences fixées à l'article R. 5221-34 précité. Dès lors, le préfet de l'Essonne a pu, à bon droit et sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser à M. B... le renouvellement de son titre de séjour en qualité de " salarié ".
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. B... soutient résider habituellement en France depuis le mois de février 2011 et avoir nécessairement reconstruit sa vie privée, familiale et professionnelle en dehors de son pays d'origine où il ne dispose plus d'attaches. Il fait valoir, à ce titre, avoir tissé des solides relations amicales et professionnelles en France, du fait notamment de son travail. Toutefois, à supposer même établie par les pièces du dossier la durée alléguée de sa résidence habituelle en France, M. B..., célibataire et sans enfant, ne justifie, ni ne précise d'ailleurs, les attaches personnelles, amicales ou affectives dont il disposerait en France. Il ne fait état d'aucune forme d'intégration sociale autre que le fait d'avoir occupé des fonctions d'employé polyvalent dans plusieurs établissements de restauration rapide depuis juillet 2014. Au regard de sa situation personnelle et familiale et de ces seuls emplois, il ne justifie pas d'une qualité d'intégration socio-professionnelle telle que l'arrêté en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'injonction et présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
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N° 20VE03008