Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2015, la SARL VIANDE HALLAL SERVICE, représentée par Me Le Go, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL VIANDE HALLAL SERVICE soutient que :
- l'appréciation du tribunal administratif sur le rejet de la comptabilité est acceptée ;
- sur la reconstitution des recettes par la méthode des ratios " espèces / chèques + CB ", qui a été adoptée après entrevue avec l'interlocuteur départemental des finances publiques, cette méthode n'a pas bénéficié de la procédure contradictoire en l'absence de proposition de rectification en faisant état ;
- cette méthode est viciée par l'application d'un ratio constant sur l'ensemble de la période contrôlée, à savoir 2007-2009, puisque le vérificateur a lui-même constaté que la part des règlements par chèques dans le chiffre d'affaire, est de 16,14 % en 2007-2008, de 12,51 % en 2008-2009, de 11,53 % entre mars et décembre 2009 et de 6 % en mai 2010 lors du contrôle sur place ; cette diminution de la part des règlements par chèque dans les recettes est causée par les chèques impayés, la paupérisation de la ville de Trappes où près d'un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté et où le nombre de personnes interdites bancaires augmente, ainsi que par la baisse des ventes aux professionnels ;
- s'il est vrai qu'aucun texte n'imposait au vérificateur de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution de recettes, il se devait toutefois de corroborer sa méthode de reconstitution, sommaire, par une autre méthode, fût-elle tout aussi sommaire ;
- la méthode de reconstitution des recettes qui a été finalement retenue aboutit à un résultat assez proche de celui déclaré par la société, d'autant plus que les chèques impayés, qui sont une perte sèche pour l'entreprise et ont été dûment constatés par le vérificateur, doivent être déduits des montants ainsi rehaussés ; par suite, les rectifications ne sont plus justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- sur la régularité de la procédure : l'administration est en droit d'établir l'imposition sur une base inférieure à celle précédemment notifiée selon la procédure contradictoire, sans adresser au contribuable une nouvelle notification répondant aux prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- sur la charge de la preuve : elle pèse sur la société, eu égard d'une part à la procédure d'imposition d'office mise en oeuvre en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'ensemble de la période vérifiée avec pour seules exceptions les mois de novembre 2008, février et mars 2009 et, en matière d'impôt sur les sociétés, pour l'exercice clos le 28 février 2009 et, d'autre part, compte tenu de l'acceptation des rehaussements, par courrier du 1er décembre 2011 ;
- sur le bien-fondé des impositions : la société convient que sa comptabilité a été rejetée à bon droit ; elle n'établit pas que la seconde méthode de reconstitution du chiffre d'affaires, dont elle a d'ailleurs elle-même réclamé la mise en oeuvre, serait viciée du fait de l'application du même ratio espèces / chèques et cartes bancaires sur l'ensemble de la période vérifiée, en se bornant à invoquer, sans d'ailleurs le démontrer, une diminution du volume de ses ventes aux professionnels, la paupérisation de la ville de Trappes et l'augmentation du nombre de personnes interdites bancaires ; l'administration n'avait aucune obligation de corroborer par une autre méthode de reconstitution les résultats de la méthode qu'elle a mise en oeuvre ; enfin la société n'est pas fondée à se prévaloir d'un écart prétendument faible entre les résultats déclarés par elle et ceux qui sont issus de la reconstitution effectuée par l'administration ; les chèques impayés ne peuvent pas venir en déduction des minorations de chiffre d'affaires ainsi constatées, dès lors que l'activité de vente de la société exige la comptabilisation des recettes, ainsi que leur déclaration, au moment de la facturation ; enfin, elle ne démontre pas qu'une autre méthode aurait été plus adaptée à ses conditions d'exploitation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL VIANDE HALLAL SERVICE qui exploite un commerce de boucherie situé dans le centre commercial du Merisier à Trappes (78), effectue des ventes en magasin à des particuliers ainsi que des ventes à des professionnels de la restauration ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2007 au
28 février 2009, étendue au 31 décembre 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration, après avoir écarté sa comptabilité, a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires selon la méthode de la ventilation des moyens de paiement ; que, par une proposition de rectification du 9 juillet 2010, l'administration lui a notifié des rehaussements de ses cotisations à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et en 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mars 2007 au 31 décembre 2009, qui ont été opérées selon la procédure de taxation d'office, sauf pour les rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2008 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les mois de novembre 2008, février et mars 2009, effectués selon la procédure contradictoire ; qu'après entretien avec l'interlocuteur départemental des finances publiques, le
9 septembre 2011, la requérante a accepté, par courrier du 1er décembre 2011, que les rectifications soient calculées en se fondant sur une autre méthode que celle initialement mise en oeuvre par le vérificateur, à savoir la méthode dite du ratio espèces / chèques et cartes bancaires ; qu'en réponse, l'interlocuteur départemental lui a notifié, par courrier du 5 décembre 2011 réceptionné le 7 décembre 2011, les nouvelles conséquences financières du contrôle, celles-ci impliquant une diminution notable du montant des rehaussements notifiés dans la proposition de rectification ; que la SARL VIANDE HALLAL SERVICE relève régulièrement appel du jugement du 12 mai 2015 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande qui tendait à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a finalement été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et en 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er mars 2007 au 31 décembre 2009, et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, que la SARL Viande Hallal Service fait valoir qu'en l'absence de proposition de rectification faisant état de l'application de la méthode des ratios " espèces / chèques + CB " pour la reconstitution du chiffre d'affaires des exercices litigieux, finalement adoptée en remplacement de la méthode plus sommaire " espèce / chèques " utilisée par le vérificateur, elle n'a pas bénéficié d'une procédure contradictoire ; que, toutefois, en l'absence de modification du fondement légal de la rectification, l'administration n'est pas tenue de notifier une nouvelle proposition de rectification, y compris en cas de modification de la méthode d'évaluation de la rectification ; qu'au demeurant, il ressort de l'instruction que cette seconde méthode, dont la société requérante réclamait en vain l'application depuis plusieurs mois, notamment dans le cadre de son recours hiérarchique mais aussi auprès de la commission départementale des impôts réunie le 12 mai 2011, et que l'administration a finalement accepté de mettre en oeuvre après entrevue avec l'interlocuteur départemental des finances publiques le
9 septembre 2011, lui est plus favorable et a d'ailleurs été expressément acceptée par elle, dans son principe et ses modalités de calcul, par un courrier rédigé par son conseil en date du
1er décembre 2011 ; qu'en réponse à ce courrier, l'interlocuteur départemental a informé la société, le 5 décembre 2011, des nouvelles conséquences financières du contrôle, les nouvelles bases retenues étant très inférieures à celles fixées initialement ; que, dans ces conditions, la SARL VIANDE HALLAL SERVICE n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant une nouvelle méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires au stade de l'interlocution sans lui adresser une nouvelle proposition de rectification, le service aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'en cause d'appel, la société requérante ne conteste plus le bien-fondé du rejet de sa comptabilité au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que pour reconstituer les recettes réalisées par la SARL VIANDE HALLAL SERVICE, l'administration a finalement mis en oeuvre la méthode de reconstitution des recettes sur la base du ratio " espèces / chèques + cartes " ainsi qu'il a été dit ; que la requérante critique la mise en oeuvre de cette méthode en affirmant devant le juge administratif qu'elle est viciée par l'application, sur l'ensemble de la période contrôlée, à savoir les exercices clos en 2008 et 2009, du ratio constaté sur la seule période comprise entre mars et décembre 2009, alors que la part des règlements par chèques dans le chiffre d'affaire a constamment baissé sur la période concernée puisqu'elle était de 16,14 % en 2007-2008, de 12,51 % en 2008-2009 et de 11,53 % entre mars et décembre 2009 ; que, toutefois, d'une part, ce ratio de 11,53 % entre mars et décembre 2009 émane des relevés faits par la société elle-même de sa propre initiative, dont elle a demandé l'application au stade de l'interlocution, et, d'autre part, elle n'apporte aucun élément probant permettant d'étayer ses allégations, selon lesquelles la diminution des paiements par chèques serait due à la baisse des ventes aux professionnels ou à la paupérisation de la ville de Trappes où les clients sont de plus en plus interdits bancaires ; qu'ensuite, s'agissant du pourcentage extrêmement faible de 6 % constaté par le vérificateur en mai 2010 lors du contrôle sur place, ce dernier a mentionné dans la proposition de rectification qu'il " ne peut être qu'inférieur à la réalité " ; qu'ainsi, la SARL VIANDE HALLAL SERVICE, qui se borne à critiquer les chiffres sur lesquels l'administration s'est finalement fondée, sans produire d'éléments probants permettant de justifier d'une régression significative des règlements par chèques au cours de la période concernée, n'établit pas le caractère excessif des résultats issus de la mise en oeuvre de la seconde méthode, fondée sur le ratio entre les recettes en espèces et les recettes en chèques et cartes bancaires ; que le moyen susanalysé doit donc être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au service vérificateur de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution de recettes, ni même, contrairement à ce que soutient la requérante, qu'il " se devait de corroborer sa méthode (...) par une autre " ; qu'ainsi, en invoquant le non-respect d'une obligation inexistante, la SARL VIANDE HALLAL SERVICE ne remet pas davantage en cause le bien-fondé des bases des rehaussements contestés ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que si la SARL VIANDE HALLAL SERVICE fait valoir que les chèques impayés, qui sont une perte sèche pour l'entreprise et ont été dûment constatés par le vérificateur, doivent être déduits du chiffre d'affaires reconstitué, elle n'est pas fondée à réclamer la réduction du chiffre d'affaires reconstitué à raison de ces chèques impayés dès lors que ses résultats sont déterminés en fonction des créances acquises et non des encaissements ;
7. Considérant, enfin, que la SARL VIANDE HALLAL SERVICE fait valoir que la méthode de reconstitution des recettes finalement retenue aboutit à un résultat très proche de celui déclaré, ce qui, selon elle, remet en cause le bien-fondé des rehaussements issus d'une méthode de reconstitution nécessairement approximative ; que, toutefois, s'il est exact que, suite à la mise en oeuvre de la seconde méthode de reconstitution du chiffre d'affaires, la différence entre le chiffre d'affaires déclaré et le chiffre d'affaires reconstitué est passée de 328 868 euros à 32 292 euros pour l'exercice clos en 2008, et de 83 036 euros à 23 830 euros pour l'exercice clos en 2009, elle demeure toutefois conséquente, ainsi qu'il en avait déjà été le cas, d'ailleurs, à l'issue d'un précédent contrôle où la comptabilité avait été écartée et le chiffre d'affaires reconstitué ; que dans ces circonstances, et en tout état de cause, le moyen analysé ci-dessus doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui a été dit ci-dessus que la SARL VIANDE HALLAL SERVICE n'établit pas que la méthode de reconstitution des recettes mise en oeuvre sur sa demande, qui lui était plus favorable et ne peut être regardée comme radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire, aurait abouti à une exagération des bases imposables ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL VIANDE HALLAL SERVICE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL VIANDE HALLAL SERVICE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL VIANDE HALLAL SERVICE et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bergeret, président,
M. Huon, premier conseiller,
Mme Moulin-Zys, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
Le rapporteur,
M.-C. MOULIN-ZYSLe président,
Y. BERGERETLe greffier,
C. FOURTEAU
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
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N°15VE02270 2