Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2018, le PRÉFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la décision portant transfert de l'intéressé aux autorités allemandes comportait, avec une précision suffisante, les considérations de droit et de fait permettant à M. A...de comprendre que l'Allemagne était l'Etat responsable de sa demande d'asile et justifiant son transfert vers cet Etat, et qu'elle était, ainsi, suffisamment motivée.
M. A...a été mis en demeure, par lettre du 23 janvier 2019, de produire un mémoire en défense en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Livenais a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le PRÉFET DU VAL-D'OISE fait appel du jugement du 22 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 10 octobre 2018 portant, respectivement, transfert de M.A..., ressortissant bangladais né le 12 août 1988, aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et assignation à résidence de ce dernier pour une durée de quarante-cinq jours.
2. Aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen ". Les articles 4 à 15 de ce règlement définissent les critères selon lesquels un État membre peut être désigné responsable de l'examen d'une demande d'asile. Aux termes du 1. de l'article 18 de ce règlement : " L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre;(...) ". Aux termes de l'article 23 de ce règlement : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne (...) ". Enfin, en application du 4. de l'article 24 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013, les demandeurs d'une protection internationale visés à l'article 9 paragraphe 1 dudit règlement qui font l'objet d'un relevé d'empreintes digitales, sont enregistrés dans le système central Eurodac sous la catégorie 1.
3. En outre, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
5. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement précité, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée, la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a ultérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 20 du règlement.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été pris au visa, notamment, des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la convention de Genève du 28 juillet 1951, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et des articles L. 742-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M.A..., entré irrégulièrement en France, a déposé une demande d'asile le 3 mai 2018. Il relève que la consultation du fichier Eurodac a fait apparaître que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités allemandes préalablement à sa demande d'asile en France et que ces autorités ont ainsi été saisies, le 31 mai 2018, d'une demande de reprise en charge en application du b du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, laquelle a été acceptée par réponse du 8 juin 2018. Ainsi, cette décision indique avec une précision suffisante le motif pour lequel l'Allemagne a été retenue comme État responsable du traitement de la demande d'asile de
M.A..., à savoir que ce pays est celui où a été déposée une première demande de protection internationale en cours d'examen, justifiant une demande de reprise en charge par cet État. Par ailleurs, il précise que, d'une part, M. A...n'établit pas être exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de remise aux autorités allemandes, d'autre part, que sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et, enfin, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le PRÉFET DU VAL-D'OISE est, ainsi, fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé pour insuffisance de motivation son arrêté du 10 octobre 2018 ordonnant le transfert de M. A... aux autorités allemandes et, par voie de conséquence, l'arrêté du même jour assignant l'intéressé à résidence.
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
8. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national / 6. État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...) ".
9. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'entretien individuel dont a bénéficié M. A...le 3 mai 2018 à la préfecture du Val-d'Oise n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. En outre, aucune disposition légale n'imposant que soit portée à la connaissance du demandeur d'asile l'identité de la personne chargée de mener l'entretien individuel ainsi que la preuve de la qualification de celle-ci, l'absence d'information délivrée à M. A...sur l'identité de l'agent des services préfectoraux l'ayant reçu en entretien est sans incidence sur la régularité de ce dernier. Le moyen tiré de ce que la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé aurait été menée en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 doit donc être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " .
11. L'Allemagne est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, M. A...ne fait état d'aucune circonstance précise de nature à établir que sa réadmission vers l'Allemagne ne permettrait pas de s'assurer des garanties offertes en ce qui concerne le traitement de sa demande d'asile et qu'elle serait donc, par elle-même, contraire à l'article 3 de cette convention. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A...ne serait pas traitée par les autorités allemandes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
12. En troisième lieu aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. M. A...allègue sans d'ailleurs l'établir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants du fait qu'il craint pour sa vie en cas de retour au Bangladesh, et que l'Allemagne se contentera immanquablement de le renvoyer dans son pays d'origine sans procéder à un examen approfondi de sa situation. L'intéressé ne fait, dès lors, état d'aucune menace circonstanciée et personnelle encourue par lui en Allemagne ni n'apporte, comme il a été dit précédemment, d'élément précis de nature à démontrer que sa demande d'asile ne pourra pas être traitée par les autorités allemandes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
14. En quatrième et dernier lieu, M. A...ne soulève aucun moyen relatif à la légalité de l'arrêté du PRÉFET DU VAL-D'OISE l'assignant à résidence autre que celui tiré de l'illégalité de cet arrêté par voie de conséquence de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes. Dès lors qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêté portant transfert de M. A...aux autorités allemandes n'est pas entaché d'illégalité, ce moyen ne peut toutefois qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 10 octobre 2018 ordonnant le transfert de M. A...aux autorités allemandes en vue du traitement de sa demande d'asile et prononçant son assignation à résidence et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1810479 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 octobre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise est rejetée.
5
N° 18VE03709