Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er septembre 2017 et 10 avril 2018, la société anonyme (SA) BOLLORE, représentée par Mes B... et Leclerc, avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge sollicitée à hauteur de 513 310 euros en droits et
60 856 euros en intérêts de retard ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le service a, à tort, refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures d'honoraires en litige alors que ces dépenses ont été engagées par elle en sa qualité d'assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et font partie des éléments constitutifs de ses opérations taxées.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., avocate de la SA BOLLORE.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos durant les années 2008 à 2011, l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée dont la SA BOLLORE s'est acquittée à l'occasion du paiement en 2010 et 2011 d'une facture de 1 278 000 euros émanant du Cabinet AM Conseil et de deux factures de, respectivement, 1 088 000 euros et 300 000 euros émanant du Cabinet Ricol Lasteyrie. Cette dernière fait appel du jugement en date du 4 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis, en conséquence, à sa charge.
2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " et aux termes du II de cet article : " II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) ".
3. Il résulte, par ailleurs, de l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée que, si la simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des activités économiques, au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues, par la mise en oeuvre de transactions soumises à la taxe, telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques à ces sociétés. Dans ce cas, la taxe sur la valeur ajoutée est déductible, d'une part, lorsque les opérations effectuées en amont présentent un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction, d'autre part, même en l'absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts en cause font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu'il fournit.
4. Il résulte de l'instruction que la SA BOLLORE est une holding " mixte " qui exerce une triple activité d'exploitation d'un site industriel de fabrication de films plastiques, de gestion des participations détenues par le groupe Bolloré et de fourniture de prestations de services d'assistance de nature juridique et administrative à ses filiales conformément à des conventions de " management fees ". Pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures de conseil émanant des cabinets AM Conseil et Ricol Lasteyrie, le service a uniquement relevé qu'en l'absence de précisions fournies par la SA BOLLORE quant à la nature des services dispensés par ces cabinets, à leurs destinataires, aux participations objets de ces services et aux montants facturés, les prestations facturées ne présentaient pas de lien avec les activités économiques exercées par ailleurs par la SA BOLLORE et a, en conséquence, rattaché ces prestations aux opérations situées hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée, les affectant d'un coefficient d'assujettissement nul en application des dispositions combinées du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts et des articles 205 et 206 de l'annexe II à ce code, et donc d'un coefficient de déduction également nul.
5. Néanmoins, la circonstance relevée par le service tenant à l'impossibilité de déterminer la nature exacte de prestations et, en particulier, à quelles acquisitions ou cessions de participations ces prestations se rapportent, est sans incidence sur le droit à déduction, après application du coefficient de 0,99 applicable au " secteur mixte ", de la taxe acquittée par
la SA BOLLORE dès lors qu'il est constant que celle-ci a acquis les prestations des cabinets AM Conseil et Ricol Lasteyrie et les a refacturées sans marge à ses filiales sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre d'une convention de " management fees ", selon une clé de répartition découlant de cette convention, sans que les conditions de l'intervention de la société holding et de la refacturation ne soient mises en cause, qu'elle peut ainsi être regardée comme ayant fourni à titre onéreux des services financiers à ses filiales correspondant à une immixion dans leur gestion dans le cadre de prestations de service et donc d'opérations économiques entrant dans le champ d'application de la taxe, ainsi réalisées en qualité d'assujettie, et que les prestations des cabinets AM Conseil et Ricol Lasteyrie présentent un lien lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction.
6. Il résulte de ce qui précède que la SA BOLLORE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros à la SA BOLLORE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1605974 du 4 juillet 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La SA BOLLORE est déchargée, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à raison de la remise en cause de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'acquisition des prestations de conseil des cabinets AM Conseil et Ricol Lasteyrie refacturées à ses filiales.
Article 3 : L'État versera à la SA BOLLORE la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 17VE02839