Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2019, M. A..., représenté par
Me Bechieau, avocat, demande à la Cour :
1° de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2° d'annuler ce jugement ;
3° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
4° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de l'admettre au séjour au titre de l'asile dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de l'examen de sa demande d'asile ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de cet examen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991, sous réserve que son avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que le jugement est irrégulier dès lors que le premier juge a estimé à tort que l'arrêté de transfert aux autorités bulgares n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 11 mai 1994 à Kapisa (Afghanistan), a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 7 janvier 2019. Par un arrêté du 15 avril 2019, le préfet du Val-d'Oise a décidé du transfert de l'intéressé vers la Bulgarie. Par la présente requête, M. A... fait appel du jugement du 22 mai 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions présentées par M. A... à fin d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Selon l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. ".
3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer l'admission de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, précité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du
26 juin 2013 : " (...) / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Il résulte des dispositions précitées que la présomption selon laquelle un État membre respecte les obligations découlant de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est renversée lorsqu'il existe de sérieuses raisons de croire qu'il existe, dans " l'État membre responsable " de la demande d'asile au sens du règlement précité, des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile impliquant pour ces derniers un risque d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants.
6. M. A... reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance et tiré notamment de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il soutient, d'une part, que le traitement des demandes d'asile en Bulgarie ferait l'objet de défaillances systémiques et, d'autre part, qu'il aurait personnellement subi des mauvais traitements, dont il ne garde pas de séquelles physiques, et avoir été battu par des policiers lors de son interpellation à la frontière de ce pays. A ce titre, il indique en particulier dans ses écritures que ses empreintes ont été relevées sous la contrainte et qu'il a été placé dans un centre de rétention où il recevait quotidiennement des coups de matraque. Il précise n'avoir été nourri qu'une fois par jour et n'avoir pas pu consulter un médecin. Enfin, il soutient n'avoir bénéficié d'aucun examen de sa demande d'asile.
7. Toutefois, en premier lieu, M. A... n'établit par aucun document probant la réalité des mauvais traitements dont il affaire avoir été l'objet lors de son séjour en Bulgarie.
8. En second lieu, au soutien de ses dires, l'appelant se prévaut, sans toutefois les produire, d'un extrait du rapport annuel d'Amnesty International pour l'année 2017/2018, d'un rapport de mars 2018 de l'agence européenne des droits fondamentaux ainsi que d'une mise en demeure de la commission européenne concernant la mise en oeuvre incorrecte de la législation de l'Union en matière d'asile en Bulgarie. Cependant, et en l'absence de procédure en manquement déclenchée à l'encontre de la Bulgarie, le caractère général de ces documents ne leur confère pas une force probante suffisante pour établir les allégations du requérant quant à l'existence de défaillances systémiques qui affecteraient les procédures d'examen des demandes d'asile en Bulgarie, État membre de l'Union européenne, qui est d'ailleurs également partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Dans ces conditions, M. A..., ne démontre pas plus devant la Cour qu'en première instance, en quoi l'examen de sa demande d'asile risquerait d'être effectué par les autorités bulgares dans des conditions qui ne seraient pas conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, dans le cadre du système européen commun de l'asile, ni en quoi la situation générale en Bulgarie ne permettrait pas d'assurer, à la date à laquelle la décision en litige a été prise, un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile, ni en quoi ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union doit être écarté.
10. D'autre part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".
11. Il résulte des termes de ces articles qu'ils laissent à chaque État membre la faculté de décider d'examiner une demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers, alors même que cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement. Ce choix est donc discrétionnaire et ne constitue nullement un droit opposable en ce qui concerne les demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin. En tout état de cause, si M. A... fait valoir qu'il ne bénéficierait pas d'un examen effectif de sa demande d'asile en Bulgarie et risquerait d'y subir des traitements inhumains et dégradants, il ne l'établit pas, ainsi que cela a été rappelé aux points 6. à 8. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Val-d'Oise en ne faisant pas usage de la faculté stipulée à l'article 17 précité, doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 15 avril 2019 prononçant son transfert aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile. Ses conclusions tendant à ce que soit mis à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
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N° 19VE02287