Par un jugement no 0908636 du 22 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer, à hauteur de la somme de 57 342 euros, sur les conclusions tendant au remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période couvrant les années 2006, 2007 et 2008, a rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 19 juillet et 13 décembre 2017, la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES, représentée par Me A...et MeB..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement, en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des opérations réalisées au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 ;
2° de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige, outre intérêts de retard et pénalités ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- si elle a obtenu au cours de l'instance introduite devant le tribunal administratif le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible en litige sur la période correspondant aux années 2006 à 2008, c'est à tort que l'administration lui refuse, pour forclusion, le remboursement de la taxe déductible constatée, au titre de la période correspondant à l'année 2005, sur ses déclarations de chiffre d'affaires déposées au titre du quatrième trimestre 2008 ; en effet, sa demande ne se fonde que sur une correction du prorata de déduction, qui pouvait être opérée jusqu'au 25 avril 2006 et non sur une omission de déclaration, et le délai prescrit par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, alors en vigueur, pour opérer la rectification d'une omission de déclaration de taxe déductible, doit être regardé comme courant à compter de cette date, et ainsi n'a expiré qu'au 31 décembre 2008 ; l'administration admet, d'ailleurs, conformément à la jurisprudence, que le droit de reprise de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales est ainsi décompté en cas de rectification du prorata de déduction ;
- l'administration ne peut lui refuser le remboursement des montants de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée à tort au cours de l'année 2005, dans la mesure où elle a calculé son prorata de déduction de la taxe en cause en application des dispositions des articles 212 et 219 de l'annexe II au code général des impôts dans leur version alors en vigueur, qui n'étaient pas conformes aux objectifs de la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, reprise par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- les dispositions de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts sont contraires aux dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article 14 de la même convention ;
- ces mêmes dispositions, en ce qu'elles s'appliquent aux demandes de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible calculée selon la méthode de prorata sur les immobilisations, conformément aux dispositions de l'article 212 de la même annexe, sont contraires au principe d'effectivité, puisque, en 2005, la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les immobilisations était impossible.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rollet-Perraud,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ; qu'au titre de la période correspondant aux années 2005, 2006, 2007 et 2008, ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les achats effectués pour les besoins de son activité ont été déterminés par application du prorata de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévu par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008, puis, à compter de cette date, par application du coefficient de taxation prévu au 3. de l'article 206 de la même annexe ; que cette société a estimé avoir minoré le montant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle disposait au titre de la période correspondant aux années précitées, en raison de l'imputation erronée des sommes versées par l'assurance-maladie au titre du " forfait soins " au dénominateur utilisé pour la détermination de son prorata de déduction de cette taxe ; qu'après avoir inscrit, dans deux déclarations de chiffre d'affaires souscrites en novembre et décembre 2008, les montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible qu'elle avait, selon elle, omis de déclarer au titre de la période correspondant aux années 2005 à 2008 pour une somme totale de 75 685 euros, cette société a demandé le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée correspondant par lettre du 23 janvier 2009 ; que cette demande a été rejetée par décision du 22 juin 2009 ; que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES relève appel du jugement
n° 0908636 du 22 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer, à hauteur de la somme de 57 342 euros, sur la demande de remboursement présentée par la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES, en ce qu'elle se rapportait à un crédit de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des opérations réalisées au cours de la période couvrant les années 2006, 2007 et 2008, a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, applicable jusqu'au 31 décembre 2007 et dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 208 de la même annexe : " 1. Les entreprises doivent mentionner le montant de la taxe dont la déduction leur est ouverte sur les déclarations qu'elles déposent pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mention doit figurer sur la déclaration afférente au mois qui est désigné à l'article 208. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. 2. Lorsque le montant de la taxe déductible ainsi mentionné sur une déclaration excède le montant de la taxe due d'après les éléments qui figurent sur cette déclaration, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur la ou les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l'objet de remboursements dans les conditions fixées par les articles
242-0 A à 242-0 K et par le V de l'article 271 du code général des impôts. (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le prestataire de services et que le délai pour réparer une omission de déclaration de la taxe déductible court à compter de l'exigibilité de la taxe chez le fournisseur ;
4. Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été rappelé au point 1., la demande présentée par la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES tend à obtenir le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a constaté en imputant, sur ses déclarations de chiffre d'affaires souscrites au titre des mois de novembre et décembre 2008, la différence entre le montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible dont elle aurait bénéficié, selon elle, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 si elle avait, alors, exclu les sommes perçues au titre du " forfait soins " du dénominateur utilisé pour la détermination de son prorata de déduction de ladite taxe, et le montant de taxe déductible qu'elle avait effectivement déterminé au titre de cette même période ; que le montant de cette différence, contrairement à ce que prétend la société requérante, présente le caractère d'une taxe dont la déduction a été omise, au sens du 1. de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts ; qu'en application de ces dispositions, la société requérante ne pouvait donc faire figurer le montant de taxe sur la valeur ajoutée en litige sur une déclaration ultérieure que dans la limite du délai de deux ans courant à compter du 1er janvier suivant la date à laquelle ladite taxe est devenue exigible chez ses fournisseurs ;
5. Considérant qu'en l'absence de tout élément de preuve contraire, la taxe sur la valeur ajoutée déductible omise au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005, et dont la société s'est spontanément acquittée, est réputée être devenue exigible chez les fournisseurs de la société requérante au cours de la même période ; que, dans ces conditions, le délai accordé par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts à la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES pour inscrire le montant de cette taxe déductible sur une déclaration ultérieure expirait le
31 décembre 2007 ; que ce délai était donc dépassé à la date à laquelle la société requérante a procédé à l'imputation des montants de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Les redevables qui, dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités (...) " ; que l'article 214 de la même annexe dispose : " Le rapport prévu à l'article 212 est déterminé provisoirement en fonction du chiffre d'affaires réalisé l'année précédente ou du chiffre d'affaires prévisionnel de l'année en cours. Le montant des taxes déductibles est définitivement arrêté avant le 25 avril de l'année suivante " ;
7. Considérant que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES soutient que les montants de taxe sur la valeur ajoutée pour lesquels les entreprises relevant des dispositions de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts précitées peuvent exercer leur droit à déduction ne sont définitivement arrêtés qu'à la date du 25 avril de l'année suivante en vertu de l'article 214 de la même annexe ; qu'en conséquence, cette date constitue donc le point de départ du délai de réparation des omissions de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déductible prévu au 2. de l'article 224 de cette même annexe ; qu'en l'espèce, dans la mesure où elle n'aurait pu arrêter le montant définitif de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle pouvait opérer la déduction au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2005 qu'à la date du 25 avril 2006, il lui était loisible de procéder à l'inscription des montants de taxe sur la valeur ajoutée en litige sur des déclarations souscrites jusqu'au 31 décembre 2008 et, par suite, de demander le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée résultant de cette imputation ;
8. Considérant, cependant, que les modalités selon lesquelles les entreprises relevant du régime du prorata peuvent corriger les montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible établis provisoirement au cours de la période pendant laquelle ces droits à déduction prennent naissance sont sans incidence sur la détermination du point de départ du délai prévu au 2. de l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts, qui court à compter du moment où la taxe devient exigible chez le fournisseur, que le montant de ladite taxe soit arrêté à titre provisoire ou définitif ;
9. Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration fiscale a estimé que la société requérante, en imputant les montants de taxe sur la valeur ajoutée en litige sur des déclarations souscrites après le 31 décembre 2007, a méconnu le délai de réparation des omissions de déclaration de taxe déductible prévu par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts et que, pour ce motif, elle n'était pas recevable à demander le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée résultant de cette imputation tardive ;
10. Correspondant, en deuxième lieu, que l'application, pour la réparation des omissions de déduction des montants de taxe sur la valeur ajoutée déductible grevant les biens à usage d'immobilisation au sens de l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, du délai de deux ans courant à la date d'exigibilité de cette taxe prévu au 2. de l'article 224 de la même annexe n'a pas pour effet de priver un contribuable raisonnablement diligent de la possibilité de réparer les omissions déclaratives résultant d'une application erronée du prorata de déduction à ces biens, ni de son droit à un recours effectif ; qu'elle n'a donc pas pour effet de rendre l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pratiquement impossible ou excessivement difficile ; qu'elle respecte ainsi le principe d'effectivité du droit de l'Union ;
11. Considérant, en troisième lieu, que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES soutient que les articles 212 et 219 de l'annexe II au code général des impôts dans leur version applicable au titre de l'année 2005, en ce qu'ils conduisaient les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes à déterminer la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant leurs dépenses d'administration générale et de fonctionnement et d'entretien général de leurs bâtiments selon le dispositif du prorata de déduction, n'étaient pas conformes aux objectifs de la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, reprise par la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; qu'une telle circonstance est, toutefois, sans incidence sur l'expiration du délai prévu par l'article 224 de la même annexe, susceptible à elle seule de faire obstacle au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société requérante estime s'être acquittée à tort au cours de la période correspondant à l'année 2005 ; qu'ainsi, le moyen est inopérant ;
12. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; que l'article 1er du premier protocole additionnel à la même convention stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international " ;
13. Considérant que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES soutient que l'administration dispose, en vertu de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, d'un délai de reprise deux fois supérieur au délai accordé à l'assujetti par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts pour rectifier ses propres omissions déclaratives ; que l'avantage disproportionné ainsi accordé à l'administration fiscale, en ce qu'il interdirait au contribuable de faire valoir, dans des conditions de délai équivalentes, son droit à la restitution de montants de taxe sur la valeur ajoutée acquittés à tort, emporterait méconnaissance des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel ;
14. Considérant, toutefois, que si les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention précitées peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elles sont en revanche sans portée dans les rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et du recouvrement de l'impôt ; qu'il suit de là que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES ne peut utilement soutenir que le délai de deux ans prévu par l'article 224 de l'annexe II au code général des impôts serait discriminatoire, dès lors qu'il ressortit à l'exercice par l'Etat de ses compétences fiscales ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait s'être acquittée à tort au titre de la période correspondant à l'année 2005 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS SAINT FRANCOIS DE SALES est rejetée.
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N° 17VE02286