Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2018, M. C..., représenté par Me Noël, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 4 de ce jugement ;
2° de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt restant en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les crédits inscrits sur le compte courant d'associé le 1er juillet 2008 ont été imposés au titre des revenus de l'année 2009 et ceux inscrits le 1er juillet 2010, au titre de l'année 2011, en méconnaissance du principe d'annualité de l'impôt ;
- les crédits inscrits sur le compte courant d'associé, libellés " AN " du 1er juillet 2008, " AHMED " du 1er juillet 2008, " TRANSROYE " du 31 mai 2009, " PNEURAMA " du 30 juin 2009, " Slde compte " du 1er juillet 2010, et " Remb frais déplacement " du 30 juin 2011, ont pour contrepartie des apports qu'il a opérés et ne sauraient donc donner lieu à la taxation de revenus distribués ;
- s'agissant de la remise en cause de charges déductibles de l'EURL ATS, les inscriptions libellées " VIA LOCATION " du 1er juillet 2008 et " BQUE AVRIL 09 " du 30 avril 2009, n'ont entraîné aucun désinvestissement qu'il aurait été susceptible d'appréhender et par conséquent, la taxation de revenus distribués sur ce point n'est pas justifiée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me Quertier, avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité dont l'EURL C... Transervice (ATS), qui a pour activité le transport routier de marchandises, a fait l'objet au titre de la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2011, M. C..., gérant et unique associé, s'est vu mettre à sa charge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, correspondant à des revenus réputés distribués par l'EURL ATS et appréhendés par l'intéressé au titre des années 2009 à 2011. Par un jugement du 26 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir constaté un non-lieu à concurrence des dégrèvements partiels prononcés en cours d'instance, a réduit, les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. C..., au titre de l'année 2009, à concurrence d'une somme de 6 415,45 euros, et prononcé la décharge des droits d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes, résultant de cette réduction. M. C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur les sommes inscrites sur le compte courant d'associé :
2. Il résulte de l'instruction que l'administration a estimé que les crédits injustifiés constatés au compte courant d'associé ouvert au nom de M. C... dans les écritures de l'EURL ATS à la clôture de ses exercices 2009, 2010 et 2011, devaient être regardés comme des sommes mises à la disposition de l'intéressé, imposables au titre des années 2009, 2010 et 2011 dans la catégorie des revenus distribués.
En ce qui concerne le respect du principe d'annualité de l'impôt :
3. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ".
4. Dès lors que les sommes portées au crédit d'un compte-courant d'associé doivent être regardées comme mises à la disposition de l'intéressé, même en l'absence de prélèvement effectif et que, s'agissant d'un dirigeant de société, réputé connaître la situation comptable de celle-ci, la mise à disposition est réputée avoir eu lieu à la date de l'inscription des sommes au crédit du compte, M. C..., gérant et unique associé de l'EURL ATS, qui fait valoir sans être contesté que les crédits en cause ont été portés au crédit de son compte courant d'associé le 1er juillet 2008, à concurrence de 30 115 euros et le 1er juillet 2010, à concurrence de 14 473,56 euros, est fondé à soutenir que ces sommes ne pouvaient être imposées au titre, respectivement, des années 2009 et 2011, et à en demander la décharge, pour méconnaissance du principe d'annualité de l'impôt, sans que le ministre de l'action et des comptes publics puisse se prévaloir du principe selon lequel les revenus sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date, dès lors qu'une telle preuve contraire est justement apportée lorsque les recettes réintégrées dans le bénéfice imposable ont été encaissées sur le compte courant de l'associé.
En ce qui concerne les sommes restant en litige :
5. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé et ont donc le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.
6. Pour ce qui concerne la somme de 7 400 euros portée au crédit du compte courant d'associé le 31 mai 2009, sous le libellé " TRANSROYE ", M. C... fait valoir que cette inscription trouverait sa contrepartie dans le fait qu'il aurait lui-même acquitté, en espèces, une partie du prix d'achat de trois véhicules poids lourd vendus par la société Trans Roye. Toutefois, il ne justifie pas de la réalité de ses allégations et, par suite, de l'existence d'une dette de l'EURL ATS à son égard, par les seules pièces qu'il produit, postérieures de six ans à l'achat des camions et de trois ans aux opérations de contrôle, et consistant, d'une part, en une attestation du gérant de la société Trans Roye relatif au paiement d'une somme de 7 400 euros en espèces et, d'autre part, en des attestations de ses frères faisant état de deux prêts de 2 800 euros à l'intéressé, assorties de simples relevés bancaires soit témoignant de retraits d'un montant total de 3 000 euros au titre du mois de mai 2009, soit non accompagnés d'explications. Dans ces conditions, l'administration a pu, à bon droit, retenir que cette somme avait été distribuée à M. C... au titre de l'année 2009.
7. Pour ce qui concerne la somme de 5 961,98 euros portée au crédit du compte courant d'associé le 30 juin 2009, sous le libellé " Pneurama ", M. C... fait valoir qu'elle correspond à la régularisation comptable d'opérations ayant eu lieu durant l'exercice clos en 2008, dès lors qu'il aurait réglé directement un fournisseur, en espèces, à partir de retraits effectués sur son compte bancaire personnel. Toutefois, ainsi que l'on relevé les premiers juges, les documents produits ne permettent pas d'établir une correspondance entre les débits/retraits apparaissant sur les relevés de compte bancaire produits et les montants figurant sur les factures émises par la société Pneurama. Dans ces conditions, l'administration a pu, également à bon droit, retenir que M. C... devait être regardé comme ayant bénéficié d'une distribution de cette somme au titre de l'année 2009.
8. Pour ce qui concerne la somme de 5 120 euros portée au crédit du compte courant d'associé le 30 juin 2011, sous le libellé " Remb frais déplacement ", M. C... fait valoir qu'elle correspond au remboursement de frais de déplacement qu'il a exposés dans l'intérêt de la société. Toutefois et alors même que les charges correspondantes ont été admises en déduction au niveau de l'EURL ATS par le service, l'intéressé ne justifie pas avoir acquitté ces dépenses sur ses deniers personnels et donc de la réalité de la dette de la société à son égard. Dans ces conditions, l'administration a pu, de nouveau à bon droit, retenir que M. C... devait être regardé comme ayant bénéficié d'une distribution à hauteur de cette somme au titre de l'année 2011.
Sur les revenus distribués afférents à des dépenses injustifiées de l'EURL, regardées comme distribuées à M. C... :
9. Aux termes du 1. de l'article 109 du code général des impôts susmentionné : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) " et de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les sommes réintégrées dans les résultats sont présumées constituer des revenus distribués, dès lors qu'elles ont donné lieu à imposition au titre de l'impôt sur les sociétés.
10. En cas de refus des rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence et du montant des revenus distribués et, d'autre part, de leur appréhension par le contribuable.
11. En premier lieu et d'une part, M. C... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt au titre de l'année 2009 à raison de la reprise, au niveau de l'EURL ATS, d'une écriture " VIA LOCATION " comptabilisée au compte n° 613500 le 1er juillet 2008 pour un montant de 2 023 euros HT et de 396,61 euros de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le service ayant estimé qu'en l'absence de justificatifs, la réalité de telles dépenses n'avait pu être validée et qu'il ne pouvait s'assurer de la déductibilité de celles-ci. M. C... soutient que cette écriture de charge correspondrait à une facture émise par la société Via Location le 29 février 2008 pour un montant de 2 420,17 euros, non comptabilisée au titre de l'exercice clos le 30 juin 2008 faute d'avoir été transmise par son fournisseur. Toutefois, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir, sans être contesté, que le paiement en cause a été comptabilisé le 25 février 2008, soit antérieurement à l'établissement de la facture, que l'intitulé de l'opération ne correspond pas à la prestation décrite dans la facture et, enfin, que cette dernière mentionne un règlement par virement alors que la société justifie d'un paiement par chèque. Dans ces conditions, il doit être regardé comme apportant la preuve de ce que ces frais, injustifiés, n'ont pas été exposés dans l'intérêt de l'EURL ATS et ont nécessairement été à l'origine d'un désinvestissement.
12. D'autre part, M. C... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt au titre de l'année 2009 à raison de la reprise, au niveau de l'EURL ATS, d'une écriture " BQUE AVRIL 09 " comptabilisée le 30 avril 2009 pour un montant de 4 480,34 euros, le service ayant également estimé qu'en l'absence de justificatifs, la réalité de cette dépense n'avait pu être validée et qu'il ne pouvait s'assurer de la déductibilité de celle-ci. M. C... soutient que cette écriture de charge correspondrait à une écriture comptable erronée portant sur le remboursement de deux dépôts de garantie de son fournisseur versés le 20 décembre 2007 que l'écriture comptable du 30 avril 2009 avait pour objet d'annuler. Il admet néanmoins que, comme l'ont jugé les premiers juges, une comptabilisation anormale d'un dépôt de garantie en compte 401 au lieu d'un compte de dépôt ne justifiait pas qu'il ait mouvementé un compte de charges de la classe 6 le 30 avril 2009 lors du remboursement des dépôts de garanties. Dès lors et ainsi que le fait valoir le ministre de l'action et des comptes publics, une telle comptabilisation d'une charge injustifiée a nécessairement eu pour effet de réduire le bénéfice de l'EURL ATS à due concurrence occasionnant ainsi un désinvestissement pour l'application du 1° du 1. de l'article L. 109 du code général des impôts. Dans ces conditions, il doit également être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que cette charge, injustifiée, n'a pas été exposée dans l'intérêt de l'EURL ATS.
13. En second lieu, est qualifiée de maître de l'affaire une personne qui exerce la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et dispose sans contrôle de ses fonds. Si l'administration fiscale entend imposer des revenus réputés distribués sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts au nom du maître de l'affaire, elle doit justifier de cette qualification, laquelle nécessite une analyse des circonstances propres à l'affaire et notamment du fonctionnement spécifique de l'entreprise. Le contribuable peut établir que les éléments apportés par l'administration sont insuffisants pour justifier de cette qualification. S'il est reconnu seul maître de l'affaire, il est alors réputé avoir appréhendé la totalité des revenus distribués par la société.
14. L'administration a relevé que M. C... est le gérant et l'unique associé de l'EURL ATS. Elle doit, par suite et alors que l'intéressé ne fait état d'aucune observation sur ce point, être regardée comme établissant que ce dernier s'est comporté en seul et unique maître de l'affaire, qualité que l'appelant ne conteste pas avoir au demeurant. Elle pouvait ainsi, à bon droit, le regarder comme ayant appréhendé les revenus distribués contestés.
15. Dans ces conditions, l'administration était fondée à réintégrer les distributions en cause dans le revenu imposable de M. C... et à y appliquer les redressements en litige.
16. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des redressements mis à sa charge au titre des années 2009 et 2011 à raison des sommes de respectivement 30 115 euros et 14 473,56 euros portées au crédit de son compte courant d'associé les 1er juillet 2008 et 2010.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État le versement à M. C... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de M. C... sont réduites, au titre de l'année 2009, à concurrence d'une somme de 30 115 euros et, au titre de l'année 2011, à concurrence d'une somme de 14 473,56 euros.
Article 2 : M. C... est déchargé, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2011, à raison de la réduction des bases d'imposition mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1502245 du Tribunal administratif de Versailles du
26 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
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N° 18VE02731