Première procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juin 2015 sous le n° 15VE01980, et un mémoire en réplique et récapitulatif, enregistré le 28 juin 2016, la SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE DISTRIBUTION D'ENERGIE PARISIENNE (SEDEP), représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du 10 juin 2013 du directeur général de l'énergie et du climat ;
3° à titre subsidiaire, d'exercer son pouvoir de modulation en réduisant le montant de la pénalité prononcée à son encontre à un montant de 22 100 euros ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE DISTRIBUTION D'ENERGIE PARISIENNE soutient que :
- elle a satisfait à ses obligations résultant de la loi du 13 juillet 2005, pour avoir réalisé directement et indirectement des économies d'énergie, même si elle n'est pas parvenue à faire valider ses demandes de certificats formulées au cours des années 2008 et 2010 ;
- ses demandes de certificats déposées le 31 décembre 2008 ont été rejetées à tort pour des motifs de forme alors qu'elle avait satisfait les exigences de l'arrêté du 19 juin 2006 ; c'est également à tort que ses neuf demandes déposées le 30 décembre 2010 ont été rejetées, l'administration ne pouvant lui opposer la circonstance qu'elle aurait dû adresser ses demandes au préfet des Yvelines, en outre elle aurait dû bénéficier d'un délai complémentaire pour satisfaire à ses obligations ;
- elle a été induite en erreur le 26 janvier 2010 quand l'administration l'a informée qu'elle avait satisfait à ses obligations ;
- la sanction est manifestement disproportionnée puisque ses demandes ont été rejetées en raison d'un formalisme rigoureux et pour des motifs formels alors qu'elle a réalisé des actions d'économie d'énergie ; la sanction est six fois supérieure au montant de 22 100 euros des certificats réclamés et doit être réduite ; elle n'a pas manqué en totalité à ses obligations ; sa bonne foi n'est pas contestable ; aucun dommage n'a été causé à l'État ; elle n'a tiré aucun avantage.
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Par un arrêt n° 15VE01980 du 2 février 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement attaqué ainsi que la pénalité de 138 292,76 euros mise à la charge de la société SEDEP.
Procédure devant le Conseil d'État :
Par une décision n° 409456 du 15 février 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, a annulé l'arrêt attaqué et renvoyé l'affaire devant la Cour, qui y a été enregistrée sous le n° 19VE00612.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ;
- le décret n° 2006-603 du 23 mai 2006 relatif aux certificats d'économies d'énergie ;
- l'arrêté du 19 juin 2006 fixant la liste des pièces d'un dossier de demande de certificats d'économies d'énergie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la SEDEP.
Considérant ce qui suit :
1. La SOCIETE D'EXPLOITATION ET DE DISTRIBUTION D'ENERGIE PARISIENNE (SEDEP), menant une activité de vente de fioul domestique, est soumise à ce titre à des obligations d'économies d'énergie issues de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programmation fixant les orientations de la politique énergétique. Cette société ne détenant pas de certificats d'économie d'énergie pour la période courant du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009, le directeur général de l'énergie et du climat a, par une décision du 10 juin 2013, mis à sa charge la somme de 138 292,76 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie. La SEDEP a alors saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, qui a été rejetée par un jugement n° 1304538 du 9 avril 2015. La SEDEP a alors interjeté appel de ce jugement, et par un arrêt n° 15VE01980 du 2 février 2017, la Cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement ainsi que la pénalité de 138 292,76 euros mise à la charge de cette société. Saisi d'un pourvoi de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, le Conseil d'Etat a, par sa décision contentieuse n° 409456 du 15 février 2019, annulé cet arrêt pour erreur de droit et inexacte qualification des faits de l'espèce, et renvoyé le jugement de cette affaire à la Cour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le bien-fondé de la sanction :
2. Aux termes, d'une part, de l'article 14 de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dont les dispositions ont été codifiées, par une ordonnance du 9 mai 2011, aux articles L. 221-1 et suivants du code de l'énergie : " I. - Les personnes morales qui vendent de l'électricité, du gaz, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles excèdent un seuil ainsi que les personnes physiques et morales qui vendent du fioul domestique aux consommateurs finals sont soumises à des obligations d'économies d'énergie. Elles peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant directement ou indirectement des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie. / L'autorité administrative répartit le montant d'économies d'énergie à réaliser, exprimé en kilowattheures d'énergie finale économisés, entre les personnes mentionnées à l'alinéa précédent. Elle notifie à chacune d'entre elles le montant de ses obligations et la période au titre de laquelle elles lui sont imposées. / II. - A l'issue de la période considérée, les personnes mentionnées au I justifient de l'accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d'économies d'énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues à l'article 15. / Afin de se libérer de leurs obligations, les distributeurs de fioul domestique sont autorisés à se regrouper dans une structure pour mettre en place des actions collectives visant à la réalisation d'économies d'énergie ou pour acquérir des certificats d'économies d'énergie. / III. - Les personnes qui n'ont pas produit les certificats d'économies d'énergie nécessaires sont mises en demeure d'en acquérir. A cette fin, elles sont tenues de proposer d'acheter des certificats inscrits au registre national des certificats d'économies d'énergie mentionné à l'article 16 à un prix qui ne peut excéder le montant du versement prévu au IV. / (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 222-1 du code de l'énergie, applicable à la date de la décision contestée du 10 juin 2013 : " Dans les conditions définies aux articles suivants, le ministre chargé de l'énergie peut sanctionner les manquements qu'il constate, de la part des personnes mentionnées à l'article L. 221-1, aux dispositions des articles L. 221-1 à L. 221-5 ou aux dispositions réglementaires prises pour leur application. " et aux termes de l'article L. 222-2 de ce code : " Le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer dans un délai déterminé aux dispositions du présent article ou aux dispositions prises pour son application. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, le ministre peut prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l'intéressé, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 2 % du chiffre d'affaires hors taxes du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. ".
3. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que la SEDEP était tenue, en application des dispositions précitées, de produire des certificats d'économies d'énergie obtenus ou acquis, inscrits à un compte ouvert à son nom dans le registre national des certificats d'économie d'énergie, pour un montant de 6 914 638 kWh cumac, au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009, et qu'elle devait satisfaire à cette obligation à la date du 30 septembre 2009. N'ayant pas satisfait à cette obligation, la SEDEP a été mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 2010, d'y procéder dans un délai de deux mois. L'intéressée n'a pas donné suite à cette mise en demeure dans le délai imparti, ses demandes de certificats présentées le 30 décembre 2010 ayant, en tout état de cause, été présentées hors délai. Si la SEDEP fait valoir qu'elle a été induite en erreur par le registre national des certificats d'économie d'énergie le 26 janvier 2010, dès lors que celui-ci l'a informée à tort qu'elle avait satisfait à ses obligations, cette erreur a été rapidement corrigée, le 17 février 2010, dans le délai de la mise en demeure. Enfin, si l'appelante soutient que la règle " non bis in idem " aurait été méconnue dès lors que la décision en litige l'a sanctionnée une seconde fois, pour les mêmes faits que ceux ayant fait l'objet du titre de perception du 26 octobre 2010, il résulte aussi de l'instruction que la décision du 10 juin 2013 n'avait pas pour objet d'infliger à la SEDEP une nouvelle sanction, le titre de perception ayant été précédemment émis au titre du prélèvement libératoire, et qu'elle aurait ainsi dû acquitter deux fois la même pénalité à raison des mêmes manquements, qui lui étaient reprochés. Dès lors, le directeur général de l'énergie et du climat a pu légalement, par la décision contestée, prononcer à son encontre la sanction prévue à l'article L. 222-2.
En ce qui concerne le quantum de la sanction :
4. La sanction infligée à la SEDEP qui n'excède pas le plafond de 2 % du chiffre d'affaires annuel de la SEDEP, a été fixée conformément aux dispositions rappelées au point 2, par application d'un montant de 0,02 euros par kilowattheure manquant soit une somme de 138 292,76 euros pour la période comprise entre le 1er juillet 2006 et le 30 juin 2009. Si la SEDEP fait valoir qu'elle avait déposé six dossiers de demande de certificats d'économies d'énergie le 31 décembre 2008, elle ne conteste pas qu'elle avait omis de renseigner l'ensemble des éléments d'identification du demandeur, ni mentionné le code NAF selon la nouvelle nomenclature, ni fourni, s'agissant d'une action susceptible d'être invoquée par plusieurs personnes, la convention qu'elle aurait dû conclure avec elles, méconnaissant ainsi les dispositions de l'arrêté du 19 juin 2006 et qu'elle n'a pas sérieusement tenté de régulariser ses demandes, ne produisant au compte-goutte à partir de 2010 après mise en demeure que des dossiers largement incomplets. Dès lors, la somme exigée est proportionnée à la gravité du manquement constaté, à l'ampleur du dommage et aux avantages qu'elle en a tirés, et ce alors même, d'une part, que la SEDEP aurait effectivement réalisé des actions d'économies d'énergie qui auraient pu faire l'objet d'une valorisation en certificats, et que, d'autre part, les certificats dont elle était redevable auraient pu être acquis sur le marché pour un montant de 22 100 euros. Par suite la sanction litigieuse n'apparaît pas disproportionnée.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la SEDEP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juin 2013 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie lui a infligé une sanction sur le fondement de l'article L. 222-2 du code de l'énergie.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SEDEP demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne est rejetée.
N° 19VE00612 2