Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2016, et un mémoire, enregistré le 12 juillet 2017, M.B..., représenté par Me Delacarte, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'année 2011 et de cette pénalité de 40 % ;
3° de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.
M. B...soutient que :
- il a respecté les conditions auxquelles est subordonné le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur marge et aucun des éléments relevés par le tribunal ne permet de remettre en cause ce régime dérogatoire d'imposition qu'il a appliqué sur la revente de cinq véhicules d'occasion acquis auprès de la société de droit français Exellia Automobiles ;
- les premiers juges, en se bornant à rappeler sa qualité de professionnel, le nombre d'opérations incriminées et à renvoyer aux motifs retenus pour remettre en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée appliqué, ont insuffisamment motivé leur jugement sur le bien-fondé de la pénalité de 40 % qui lui a été infligée, laquelle n'est pas justifiée ;
- il produit les factures que la proposition de rectification déclarait manquantes.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli,
- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., qui exerce à titre individuel une activité d'achat-revente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge bénéficiaire, prévu par les dispositions de l'article 297 A du code général des impôts, à la revente en France, au cours de l'année 2011, de véhicules automobiles d'occasion. M. B...relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du
27 octobre 2016 ayant rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de cette période.
Sur la régularité du jugement attaqué et l'étendue du litige :
2. En premier lieu, les premiers juges ont explicité au point 9. de leur jugement les raisons pour lesquelles M.B..., en sa qualité de professionnel du négoce de l'automobile, ne pouvait ignorer, à l'occasion de cinq opérations de cessions successives, que son fournisseur établi en France n'avait pas la qualité d'assujetti-revendeur et n'était pas autorisé à appliquer le régime de la taxation sur la marge. Ils ont, ce faisant, suffisamment motivé leur décision de confirmer la légalité de la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée par l'administration au requérant sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.
3. En second lieu, par décision du 21 septembre 2015, postérieure à l'introduction de la demande présentée au tribunal, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines a prononcé un dégrèvement à hauteur d'une somme totale de 33 217 euros, dont 22 566 euros en droits et 10 651 euros en pénalités, faisant droit à la demande du requérant de dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la vente, en 2011, de trois des huit véhicules initialement en litige. Le jugement ayant omis, dans son dispositif, de constater le non-lieu à statuer partiel qui en découlait, il y a lieu de l'annuler dans cette mesure, et, par la voie de l'évocation, de prononcer ce non-lieu.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes des dispositions du I de l'article 256 bis du code général des impôts :
" 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son État du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006. (...) ". Aux termes des dispositions du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...). ". Et aux termes des dispositions de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ".
5. Il résulte des dispositions précitées des articles 256 bis, 297 A et 297 E du code général des impôts qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur implanté en France qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur, situé quant à lui dans un autre État membre, a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou aurait dû savoir que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge.
6. Il est constant que M. B...a acquis, sous le régime de la taxation sur la marge, cinq véhicules en provenance d'Allemagne auprès d'un négociant établi en France, la société Exellia automobiles, qui les a elle-même acquis, sous le même régime, d'un négociant établi en Espagne, la société La Flama 2005 SL qui les a quant à elle acquis auprès d'un fournisseur établi en Allemagne, la société Bayer J Automobiles. Les informations obtenues des autorités fiscales espagnoles et allemandes dans le cadre de l'assistance administrative, établissent que la société La Flama 2005 SL n'avait pas réalisé ses achats de véhicules sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mais sous le régime général des acquisitions intra-communautaires. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que M. B...assurait lui-même depuis l'Allemagne, le convoyage des véhicules que la société Exellia automobiles avait acquis auprès de la société La Flama 2005 SL, et savait ainsi que les véhicules ne transitaient pas par l'Espagne, qu'il avait en sa possession la carte grise des véhicules sur laquelle figurait le nom de professionnels de l'automobile, qu'il a reçu pouvoir de la société de droit espagnol afin de convoyer les véhicules jusqu'en France, et que les attestations de prise en charge des véhicules signées par M. B...indiquent que la vente intervenue entre les négociants allemands et espagnols constitue une livraison intra-communautaire.
M.B..., qui savait que les véhicules en litige avaient appartenu à une société allemande, disposait d'indices concordants qui laissaient à penser que les cessions à la société de droit espagnol relevaient du régime des acquisitions intracommunautaires. Ainsi, l'origine des véhicules en cause et l'ensemble du circuit de revente ne pouvaient échapper à l'attention de
M.B.... Il en résulte que, alors même que M. B...fait valoir s'être placé sous le régime de taxe correspondant aux factures qui lui avaient été adressées par la société Exellia automobiles, l'administration établit que l'intéressé, professionnel du négoce de véhicules automobiles, ne pouvait légitimement ignorer que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur. L'administration était donc fondée à remettre en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge que M. B...avait appliqué aux ventes en cause.
7. Par ailleurs, le redressement en litige n'étant, selon les termes mêmes de la proposition de rectification du 12 novembre 2013, pas fondé sur le second motif mentionné " à titre complémentaire " dans ce document, lequel est tiré de l'absence de justifications de certains des achats réalisés, M. B...ne peut utilement soutenir qu'il doit être déchargé des suppléments d'impositions mis à sa charge en raison de sa justification, en cause d'appel, des achats concernés par la production des factures émises par son fournisseur.
En ce qui concerne la pénalité pour manquement délibéré :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".
9. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 12 novembre 2013, l'administration a fait connaître à M. B...sa volonté d'appliquer la pénalité pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Elle y relève également que l'ensemble des informations obtenues dans le cadre de l'assistance administrative, et exposées ci-dessus, démontrent, d'une part, que l'intéressé a participé, au titre de la période en cause, à un circuit de facturation ne reflétant pas la réalité des flux physiques de marchandises, ce afin de bénéficier d'un régime dérogatoire en matière de taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, son implication personnelle dans le circuit mis en place. L'administration établit ainsi, comme elle en a la charge, par application des dispositions précitées de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'intention d'éluder l'impôt caractérisant un manquement délibéré de M. B...et justifie, par suite, du bien-fondé de la pénalité de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts dont elle a fait application.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a, à hauteur des sommes n'ayant pas fait l'objet du dégrèvement visé au point 3, rejeté sa demande. Par voie de conséquence, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant au bénéfice du sursis de paiement prévu par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales :
11. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales :
" Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. (...) ".
12. Ces dispositions, qui ont pour objet de permettre de surseoir au paiement des impositions lorsqu'il a été formé contre elles une réclamation contentieuse, n'ont de portée que pendant la durée de l'instance devant le tribunal administratif dès lors que, lorsque le tribunal s'est prononcé au fond, son jugement rend à nouveau exigibles les impositions dont il n'a pas prononcé la décharge. Par suite, les conclusions tendant au sursis de paiement présentées par
M. B...sont irrecevables devant la Cour et ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1428869 du 27 octobre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a omis de constater qu'en conséquence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge présentées par
M. B...à hauteur de la somme de 33 217 euros.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil à hauteur de la somme de 33 217 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
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N° 16VE03857