Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2017, Mme C...épouseB..., représentée par Me Lévy, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer, à titre principal une carte de résident d'une durée de dix ans, à titre subsidiaire une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an et, à titre infiniment subsidiaire, un titre de séjour en qualité de visiteur, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé dès lors, notamment, qu'il ne vise pas le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne prend en compte aucun élément de sa situation personnelle autre que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé publique d'Île-de-France ;
- c'est à tort que le préfet a estimé que l'avis de ce médecin liait sa compétence et que, par suite, il n'a porté aucune appréciation propre sur sa situation personnelle ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle était fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle s'est, en vain, présentée à la préfecture à trois reprises pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur ces deux fondements, ce dont atteste le courrier en recommandé adressé à cette même préfecture
le 22 décembre 2015 ;
- le préfet était tenu, compte tenu de sa durée de présence habituelle en France, de réunir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il était également tenu de réunir cette commission par application de l'article L. 312-2 du même code dès lors qu'il envisageait de refuser de lui délivrer ou de lui renouveler un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 de ce code ;
- cet arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, elle est entrée en France en 2003 pour y rejoindre son époux, titulaire d'une carte de résident, qui, gravement malade, a besoin de son aide constante ; son fils est, par ailleurs, de nationalité française ; elle a, enfin, tissé de nombreux liens amicaux et sociaux depuis son entrée en France ;
- il méconnaît également l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle réside régulièrement en France depuis au moins cinq ans, dispose d'une assurance maladie et de ressources suffisantes et y est parfaitement intégrée ;
- il contrevient aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code dès lors que sa présence à titre habituel en France depuis treize ans, en qualité de " visiteur ", est indispensable à son époux, qui est atteint d'une forte invalidité (80 %) ; souffrante, elle-même a fait l'objet d'une hospitalisation en 2015 ;
- enfin, cette décision est, pour les mêmes motifs de fait, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en outre, alors qu'entre 2006 et 2015, le préfet a estimé que sa présence en qualité d'accompagnant de malade était indispensable à son époux, son changement d'attitude ne s'explique guère en l'absence de changement de circonstances dans l'état de santé de son époux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain modifié du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli,
- et les observations de Me Lévy, avocat de Mme C...épouseB....
1. Considérant que Mme C...épouseB..., ressortissante marocaine, née en 1947, relève appel du jugement du 5 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2016 du préfet des Yvelines refusant de lui renouveler son titre de séjour en qualité " d'accompagnant de malade ", l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, Mme C...épouse B...est entrée en France en 2003 et justifie ainsi d'une durée de présence habituelle en France depuis plus de treize ans auprès de son époux, qui y est lui-même installé de longue date ; qu'elle a vécu durant plusieurs années en situation régulière et que leur fils est de nationalité française ; que, d'autre part, elle justifie que sa présence aux côtés de son époux, titulaire d'une carte de résident, lui est indispensable pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne dès lors qu'âgé et partiellement paralysé, M. B...a été reconnu invalide avec un taux d'incapacité de 80 % ; qu'ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de la requérante, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant porté, dans les circonstances particulières de l'espèce, au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris, ainsi d'ailleurs que le reconnaît explicitement le préfet, s'agissant de la mesure d'éloignement ; que, par suite, cette décision méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...épouse B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Yvelines de délivrer à Mme C...épouse B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État le versement, à Mme C...épouseB..., d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1604204 du 5 décembre 2016 du Tribunal administratif de Versailles, ensemble l'arrêté du préfet des Yvelines du 24 mai 2016, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de délivrer à Mme C...épouse B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme C...épouse B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 17VE00128