Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 février et 16 mars 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine, représentée par Me C..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de Mme B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3° de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un vice de forme dès lors que sa minute ne comporte pas l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré qu'il n'était pas établi que l'intimée avait manqué à ses obligations professionnelles au regard des stipulations de l'article 2.2 de la convention nationale des infirmiers.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 18 juillet 2007 portant approbation de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour la CPAM des Hauts-de-Seine.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B... exerce, depuis le 1er janvier 2005, les fonctions d'infirmière libérale à Colombes (Hauts-de-Seine). Par un courrier du 8 juillet 2014, le directeur général de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine l'a informée qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une sanction du fait des modalités d'exercice de son activité et lui a enjoint de modifier sa pratique dans le délai d'un mois. A l'issue de sa séance du 4 décembre 2014, au cours de laquelle Mme B... a été entendue, la commission paritaire départementale a rendu un avis favorable à son déconventionnement pour une durée de 3 mois. Par une décision du 2 mars 2015, les directeurs généraux de la CPAM des Hauts-de-Seine, de la mutualité sociale agricole d'Ile-de-France et de la caisse du régime social des indépendants d'Ile-de-France lui ont infligé une sanction de placement hors convention pendant une durée de trois mois, entraînant la suspension de la participation des caisses au financement de ses cotisations sociales pour une même durée. Mme B... a demandé l'annulation de cette décision au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par un jugement du 19 décembre 2017 a fait droit à sa demande. La CPAM des Hauts-de-Seine relève régulièrement appel de ce jugement.
Sur l'intervention de la mutualité sociale agricole d'Ile-de-France :
2. La mutualité sociale agricole d'Ile-de-France justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Ainsi, son intervention à l'appui de la requête formée par la CPAM des Hauts-de-Seine est recevable.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "
4. Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise que celle-ci comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article R. 4311-2 du code de la santé publique " Les soins infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade ". Aux termes de l'article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les infirmiers sont définis, dans le respect des règles déontologiques fixées par le code de la santé publique, par une convention nationale conclue pour une durée au plus égale à cinq ans entre une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives des infirmiers et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie. / Cette convention détermine notamment : / (...) 3° Les conditions, à remplir par les infirmiers pour être conventionnés et notamment celles relatives à la durée minimum d'expérience professionnelle acquise en équipe de soins généraux au sein d'un service organisé, aux sanctions prononcées le cas échéant à leur encontre pour des faits liés à l'exercice de leur profession (...) / 5° Les mesures que les partenaires conventionnels jugent appropriées pour garantir la qualité des soins infirmiers dispensés aux assurés sociaux et notamment la sélection des thèmes des références professionnelles, l'opposabilité de ces références et ses conditions d'application ; / (...) ". Selon le deuxième alinéa du l'article 2.2 de la convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie, approuvée par arrêté du 18 juillet 2007, relatif à la qualité des soins : " Les infirmières placées sous le régime de la présente convention nationale s'engagent à respecter les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice de leur profession, à optimiser l'activité en soins infirmiers dans des conditions telles que les patients bénéficient de soins permanents, continus, éclairés, consciencieux et conformes aux données acquises de la science. A ce titre, les infirmières participent activement à l'amélioration de la qualité des soins ". Enfin, le c) de l'article 7-4-1 de la même convention prévoit les éventuelles sanctions qui peuvent être prises en cas du " non-respect des dispositions présentes dans la convention ", dont la " suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel ".
6. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les soins prodigués par les infirmières et infirmiers libéraux sont soumis à une obligation de qualité et qu'un manquement à cette obligation est susceptible de donner lieu à l'application des mesures prévues par la convention nationale précédemment mentionnée. Il appartient au directeur de la CPAM qui inflige une telle sanction à un professionnel d'apporter la preuve du non-respect par le professionnel concerné des dispositions de la convention.
7. Au cas d'espèce, pour démontrer que l'obligation de qualité des soins n'a pas été respectée par Mme B... et justifier ainsi la sanction en litige, le directeur général de la CPAM des Hauts-de-Seine a indiqué dans sa décision du 2 mars 2015 que, sur la période allant du 1er août au 30 septembre 2014, Mme B... avait effectué un nombre total d'actes remboursés 4,5 fois supérieur à la moyenne régionale, présentait des coefficients AMI (acte médical infirmier) et AIS (actes infirmiers de soins) 6,4 et 2,3 fois plus élevés que cette même moyenne, ainsi qu'un nombre de majoration d'actes supérieur de 6,2 fois à la moyenne et un montant remboursé d'indemnités de déplacement 3,6 fois plus élevé que la moyenne. La CPAM des Hauts-de-Seine rappelle également dans ses écritures en appel, comme elle le faisait en première instance, que le constat d'un nombre d'actes très supérieur à la moyenne régionale avait pu également être fait au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. La CPAM des Hauts-de-Seine soutient que le seul constat d'un volume d'activité dépassant très largement les moyennes régionales suffit à établir le manquement, par le professionnel, à l'exigence de qualité des soins.
8. La circonstance qu'un infirmier ait exécuté un volume d'actes de soins très supérieur à la moyenne des autres professionnels de son secteur peut constituer, au même titre que des signalements émanent de ses patients ou des anomalies identifiées lors d'un contrôle d'activité, un indice laissant à penser qu'il n'assure pas des soins de qualité au sens de l'article R. 4311-2 du code de la santé publique et de l'article 2.2 de la convention nationale approuvée par l'arrêté du 18 janvier 2007. Pour autant, ce seul constat quantitatif global ne saurait constituer une preuve suffisante du non-respect par le professionnel des dispositions de la convention nationale, à défaut pour la CPAM d'apporter des précisions quant au nombre d'actes effectivement réalisés au cours d'une même journée et ainsi démontrer que le temps consacré à chaque patient ne peut avoir été suffisant pour garantir la qualité de soins.
9. Par suite, en se fondant sur les seuls éléments mentionnés au point 7 de l'arrêt, la CPAM des Hauts-de-Seine n'établit pas que Mme B... aurait manqué à ses obligations professionnelles.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la CPAM des Hauts-de-Seine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 2 mars 2015 par laquelle les directeurs généraux de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, de la mutualité sociale agricole d'Ile-de-France et de la caisse du régime social des indépendants d'Ile-de-France ont infligé à Mme B... une sanction de mise hors convention pendant une durée de trois mois.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Mme B... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la CPAM des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CPAM des Hauts-de-Seine une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de la Mutualité sociale agricole d'Ile-de-France est admise.
Article 2 : La requête de la CPAM des Hauts-de-Seine est rejetée.
Article 3 : La CPAM des Hauts-de-Seine versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
N°18VE00730 2