Par un jugement n° 1306418 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2016, les consortsA..., représentés par Me Lafond, avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement du 1er décembre 2015 ;
2° A titre principal, de condamner le centre hospitalier de Versailles à verser à M. E... A...une somme de 359 200 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis à la suite de son hospitalisation du 28 octobre au 14 novembre 2007, à verser à Mme C...B...épouse A...et à M. D...A...les sommes respectives de 10 000 euros et de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi. A titre subsidiaire, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à leur verser les mêmes sommes. A titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;
3° de mettre à la charge de tout succombant la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- le centre hospitalier a commis deux manquements fautifs, le premier dans la prescription du traitement antibiotique et le second dans son dosage inapproprié ;
- le rapport d'expertise est critiquable et partial dans ses conclusions ;
- les conditions ouvrant droit à la réparation au titre de la solidarité nationale sont remplies dès lors que le dommage subi trouve son origine dans l'effet ototoxique de la Gentalline et qu'il présente le caractère de gravité requis et c'est à tort que le tribunal a écarté ce terrain au motif que le lien de causalité entre l'affection iatrogène et les dommages n'était pas établi ;
- les préjudices de M. E...A...doivent être indemnisés comme suit :
- pertes de gains professionnels actuels : 24 000 euros ;
- incidence professionnelle : 60 000 euros ;
- déficit fonctionnel temporaire : 16 200 euros ;
- souffrances endurées : 25 000 euros ;
- préjudice esthétique : 4 000 euros ;
- déficit fonctionnel permanent : 200 000 euros ;
- préjudice d'agrément : 20 000 euros ;
- préjudice sexuel : 10 000 euros ;
- préjudice moral de MmeA... : 10 000 euros ;
- préjudice moral de M. D...A... : 5 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Besson-Ledey,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. E...A...s'est présenté aux urgences du centre hospitalier de Versailles le 28 octobre 2007 en raison d'un zona fébrile au niveau du bras gauche accompagné de céphalées et de vomissements. Une ponction lombaire a été effectuée et a permis de diagnostiquer une méningite lymphocytaire. Un traitement antibiotique, comprenant notamment de la Gentamicine lui a été prescrit. Le 1er novembre 2007, M. A...a présenté une baisse de l'acuité bilatérale et des vertiges et souffre désormais de surdité complète bilatérale, d'acouphènes et de troubles de l'équilibre nécessitant un implant cochléaire ainsi que des séances de kinésithérapie vestibulaire. Par un avis du 6 juin 2011, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Ile-de-France a rejeté la demande d'indemnisation présentée par M.A.... Par un jugement du 1er décembre 2015, dont les consorts A...relèvent appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête tendant à la condamnation, à titre principal, du centre hospitalier de Versailles et, à titre subsidiaire, de l'ONIAM à les indemniser des préjudices qu'ils ont subi en raison des complications médicales dont M. A...a été victime après son hospitalisation.
2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".
3. En premier lieu, les consorts A...soutiennent que le centre hospitalier de Versailles, en prescrivant de la Gentalline à M.A..., alors qu'il ne présentait aucun signe de suspicion de listériose et que l'origine virale de la méningite était connue, au surplus à une dose supérieure à celle recommandée, a commis une double faute de nature à engager sa responsabilité. Si le rapport d'expertise médicale prescrite par la CRCI ne retient aucune faute dans l'administration de l'antibiothérapie, les consorts A...ont produit des éléments médicaux, notamment une note du docteur Courtat, de nature à infirmer ces conclusions. En outre, alors que le rapport d'expertise précise que les recommandations insistent sur la précocité du traitement antibiotique qui doit être administré dans les heures qui suivent l'admission et que le médecin se devait de traiter en urgence une méningite supposée bactérienne de type listeria monocytogenes, il résulte du même rapport d'expertise que le traitement antibiotique n'a eu lieu que 19 heures après l'admission de M. A...à l'hôpital. Eu égard à ces éléments contradictoires l'état du dossier ne permet pas d'apprécier si la prescription de Gentalline était adaptée à l'état de la pathologie que présentait M.A... lors de son admission au centre hospitalier de Versailles.
4. En second lieu, les consorts A...soutiennent que les conditions ouvrant droit à la réparation au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM sont ouvertes dès lors que le préjudice subi par M. A...trouve son origine dans une affection iatrogène par ototoxicité de la Gentalline et qu'il présente le caractère de gravité requis. Le rapport de l'expertise prescrite par la CRCI précise que la complication ORL peut être liée soit à une atteinte des voies auditives du fait du virus zostérien, soit à l'effet ototoxique de la Gentalline mais qu'aucune de ces deux hypothèses ne peut être retenue avec certitude comme pouvant être à l'origine des dommages dont M. A...a été victime après son hospitalisation. Par suite, l'état actuel du dossier ne permet pas à la Cour de déterminer la cause du dommage subi par M. A...ni si elle résulte ou non d'une affection iatrogène.
5. Au vu de ce qui précède, il y a lieu, avant de statuer sur la requête, d'ordonner une expertise médicale.
DECIDE :
Article 1er : Avant de statuer sur la requête des consortsA..., il sera procédé, par un expert désigné par le Président de la Cour, à une expertise médicale.
Article 2 : L'expert aura pour mission de :
1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. E...A...et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins, et aux diagnostics pratiqués sur lui lors de sa prise en charge par le centre hospitalier de Versailles le 28 octobre 2007 ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de M. A...ainsi qu'à son examen clinique ;
2°) décrire l'état de santé de M. A...et les soins et prescriptions antérieurs à son admission au centre hospitalier de Versailles, les conditions dans lesquelles il a été pris en charge et soigné dans cet établissement ; décrire l'état pathologique du requérant ayant conduit aux soins, aux interventions et aux traitements pratiqués ;
3°) donner son avis sur le point de savoir si les diagnostics établis et les traitements, interventions et soins prodigués et leur suivi ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science, et s'ils étaient adaptés à l'état de M. A...et aux symptômes qu'il présentait ; donner notamment son avis sur la pertinence des diagnostics des équipes médicales du centre hospitalier de Versailles et l'utilité du traitement antibiotique administré ;
4°) de manière générale, réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, des fautes de soins ou des fautes dans l'organisation des services ont été commises lors de l'hospitalisation de M. A... ; déterminer les raisons des complications dont souffre M. A... depuis son hospitalisation ;
5°) donner son avis sur le point de savoir si le dommage corporel constaté a un rapport avec l'état initial de M.A..., ou l'évolution prévisible de cet état ; dire quelle aurait été l'évolution spontanée de l'état de santé de M. A...à plus ou moins long terme en l'absence de traitement ; le cas échéant, déterminer la part du préjudice présentant un lien de causalité direct, certain et exclusif avec un manquement reproché à l'établissement, en excluant la part des séquelles à mettre en relation avec la pathologie initiale, son évolution ou toute autre cause extérieure ;
6°) exposer les risques inhérents à l'acte (de prévention, de diagnostic ou de soin). L'expert dira si le dommage survenu présentait ou non une probabilité faible ;
7°) dire si le dommage subi par le patient a été occasionné par une affection iatrogène et si le dommage est plurifactoriel ; préciser la part respectivement imputable à chacune des causes retenues ;
8°) déterminer la date de consolidation du dommage ainsi que les préjudices patrimoniaux (dépenses de santé, frais divers dont assistance par une tierce personne, pertes de revenus, incidence professionnelle) et extra patrimoniaux (déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, préjudice esthétique, souffrances physiques, préjudice d'agrément, préjudice sexuel), en relation directe avec la ou les causes retenues comme étant à l'origine du dommage.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative, communiquera le rapport d'expertise aux parties et le déposera au greffe de la Cour dans un délai de quatre mois suivant la prestation de serment.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 16VE00518