Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2016, l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION, représenté par Me Schegin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a déchargé la société Boub et les amis de la somme de 17 550 euros au titre de la contribution spéciale mise à sa charge par une décision en date du 19 février 2015 ;
2° de juger légale la décision de l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION en date du 19 février 2015 en tant qu'elle a mis à la charge de la société Boub' et les amis la contribution spéciale de 35 100 euros et la contribution forfaitaire de 2 124 euros ;
3° de mettre à la charge de la société Boub' et les amis une somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'office soutient que :
- l'entreprise doit vérifier, préalablement à l'embauche, la régularité de la situation de l'étranger qu'il souhaite embaucher et s'abstenir de l'engager s'il apparaît à cette occasion que l'étranger est en situation illégale ; ce contrôle doit porter sur la régularité de la situation administrative et la nationalité des candidats à l'embauche ; la bonne foi et l'absence d'élément intentionnel de l'auteur de l'infraction ne peuvent être utilement invoqués que devant la juridiction répressive ; la contribution spéciale est une amende administrative exigible dès la constatation de l'infraction ; il ressort du procès-verbal du 16 juillet 2014 que les deux ressortissants tunisiens se trouvaient en pleine action de travail au sein de la boulangerie ; il n'existe pas de dénégation sur l'existence d'une relation salariale entre M. D... et la boulangerie ; la circonstance que ce dernier soit l'associé co-fondateur de la société et cousin du mari de la gérante et ne travaillerait pas à la boulangerie dans le cadre d'une aide familiale est sans incidence sur la responsabilité et les obligations d'employeur de la société ; ce procès-verbal fait foi jusqu'à preuve du contraire ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. C...doit être regardé comme salarié de la boulangerie ; l'inspecteur de l'URSSAF a constaté à son arrivée la présence de deux hommes en situation de travail ; si M. C...était venu rendre visite au responsable, il se serait trouvé dans la partie privée des locaux située à l'arrière du commerce ; la société n'a peut être pas embauché les deux ressortissants étrangers mais les a indiscutablement employés ; la société n'apporte pas la preuve contraire des faits matériellement établis par le procès-verbal qu'elle ne conteste pas utilement ;
- l'application de la contribution forfaitaire n'est pas subordonnée à la justification du réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine et ne remet pas en cause l'exigibilité de l'amende de la contribution forfaitaire ; elle est due par tout employeur ayant occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier ; l'employeur ayant justifié que M. C...se trouvait en situation régulière de séjour, la contribution forfaitaire de réacheminement de ce dernier vers son pays d'origine a été annulée par l'OFII ; cette contribution reste en revanche due pour M.D... ;
- est sans incidence le fait que le paiement des sanctions mette en péril les emplois et occasionne des difficultés financières à l'entreprise dès lors qu'elle en est à l'origine pour avoir contrevenu à la loi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;
- la loi n°2016-274 du 7 mars 2016
- le décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 relatif au montant de la contribution spéciale instituée par l'article L. 8253-1 du code du travail ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle de police effectué le 16 juillet 2014 dans la boulangerie située 42 rue Anselme à Saint-Ouen et exploitée par la SARL Boub' et les amis, l'emploi de deux salariés démunis de titres de séjour et d'autorisation de travail, M. B...D...et M. A...C..., a notamment été constaté. Par un courrier du 7 octobre 2014, le directeur général de l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION a informé le gérant de la société de ce que cette infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, passible de sanctions pénales, était susceptible de donner lieu au versement d'une contribution spéciale à l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION. Ce courrier invitait également la société Boub' et les amis à présenter ses observations dans un délai de quinze jours, ce qu'elle a fait par courrier en date du 15 octobre 2014. Par une décision du 19 février 2015, le directeur général de l'Office a appliqué à la société la contribution spéciale prévue par l'article L. 8251-1 du code du travail pour un montant de 35 100 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine en application des dispositions de l'article L 626-1 du code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 4 248 euros. La société Boub' et les amis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cette décision. Par un courrier en date du 17 décembre 2015, donc postérieur à l'introduction de l'instance devant le Tribunal administratif, l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION, après avoir procédé à un nouvel examen du dossier l'ayant conduit à constater que M. A...C...était en situation régulière au regard du séjour au moment du contrôle, a partiellement annulé sa décision du 19 février 2015 en tant qu'elle appliquait à la société la contribution forfaitaire à raison de l'emploi de M.C.... Par un jugement en date du 22 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 19 février 2015 en tant qu'elle met à la charge de la société Boub' et les amis la somme de 35 100 euros au titre de la contribution spéciale, déchargé la société Boub' et les amis du paiement de la somme de 17 550 euros, prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions à fins de décharge de la contribution forfaitaire concernant M. C... et rejeté le surplus des conclusions à fins de décharge de la contribution forfaitaire de la société Boub' et les amis. L'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il décharge la société Boub' et les amis de la somme de 17 550 euros au titre de la contribution spéciale mise à sa charge par décision en date du 19 février 2015.
Sur le bien fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code dans sa rédaction issue de l'article 42 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 applicable à la date de constatation de l'infraction : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et est au moins égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 et, en cas de réitération, à 25 000 fois ce même taux. (...). Aux termes du même article, dans sa rédaction issue de l'article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016, le montant de cette contribution spéciale " est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger (...). Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux ". Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. II. - Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l' article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. III. - Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ".
3. Si l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION soutient que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, M. C...doit être regardé comme salarié de la boulangerie, il résulte de l'instruction que les mentions dudit procès-verbal, non plus qu'aucune autre pièce du dossier, ne permettent d'établir que M. C...se trouvait en situation de travail au moment du contrôle effectué par les services de police. En effet, le procès-verbal dressé le 16 juillet 2014 indique que, lors du contrôle, M. C...se trouvait " derrière le comptoir avec la caisse enregistreuse ", ce que confirment les déclarations faites le 24 juillet 2014 par la gérante de la SARL. De même, les déclarations de l'inspecteur assermenté de l'URSSAF en date du 17 juillet 2014 se bornent à préciser que M. C... se trouvait " derrière la vitrine " lors du contrôle. L'ensemble des déclarations des protagonistes converge par ailleurs sur ce point, affirmant toutes que M. C...ne travaillait pas pour la boulangerie, qu'il était présent sur les lieux dès lors qu'il en connaissait les gérants de longue date et qu'il était par ailleurs employé d'une autre boulangerie située dans l'Essonne. Dès lors, les faits rapportés par procès-verbaux, ne permettent pas d'établir que la société Boub' et les amis employait illégalement M.C..., en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail. Ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION ne pouvait mettre à sa charge pour cette personne la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du même code.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens développés par l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION qui n'affectent pas le bien fondé de la décharge prononcée par les premiers juges, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a, après avoir prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de sa demande se rapportant à l'application à la société de la contribution forfaitaire à raison de l'emploi de M.C..., a déchargé la société de la somme de 17 550 euros correspondant à l'application à la société de la contribution spéciale à raison de l'emploi de ce dernier. Par voie de conséquence, la requête de l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'OFFICE FRANÇAIS DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION est rejetée.
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N° 16VE01452