Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2018, M. D..., représenté par Me Jeddi, avocat, doit être regardé comme demandant à la Cour :
1° à titre principal, d'annuler ce jugement et la décision du 28 mars 2017 ;
2° à titre subsidiaire, de réduire le montant des contributions mises à sa charge à 15 000 euros ;
3° de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision litigieuse a été prise par un auteur incompétent ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- il n'a commis aucune infraction intentionnellement ;
- en application de l'article L. 8256-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016, les montants mis à sa charge ne sauraient excéder 15 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- les arrêtés du 5 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'un contrôle effectué par les services de police le 27 juillet 2016, au sein du salon de coiffure situé 142 rue Jean Jaurès à Arnouville-les-Gonesse (Val d'Oise) et exploité par M. D..., l'administration a relevé la présence de deux ressortissants marocains dépourvus de titres les autorisant à séjourner et à travailler en France. Par une décision du 28 mars 2017, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de M. D... la somme de 14 080 euros correspondant à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et celle de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. D... relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 mars 2017.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse :
2. En premier lieu, par une décision du 2 novembre 2016, régulièrement publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur n° 2016-12 le 15 décembre suivant, le directeur général de l'OFII a donné délégation à Mme B... C..., chef du pôle de veille juridique et de suivi du contentieux, conseiller juridique auprès du directeur général, pour signer notamment les décisions d'application des contributions spéciales et forfaitaires. Le moyen tiré de ce que la décision du 28 mars 2017 en litige serait entachée d'incompétence pour avoir été édictée par Mme C... doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction (...) ". Et selon les termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. La décision en litige vise expressément les articles du code du travail et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application. Elle mentionne le procès-verbal d'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail établi à l'encontre de M. D... le 27 juillet 2016, renvoie à une annexe précisant l'identité des deux salariés concernés et indique que ces derniers étaient démunis de titres les autorisant à travailler et à séjourner en France. Elle mentionne encore la lettre du 28 novembre 2016 dans laquelle le directeur général de l'OFII indiquait au requérant que les faits qui lui sont reprochés donnent lieu au paiement de la contribution spéciale, dont le montant est égal à 5 000 fois le taux horaire minimum garanti prévu à l'article L. 3232-12 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, dont le montant est fixé conformément aux arrêtés du 5 décembre 2006 en fonction des zones géographiques dont est originaire l'étranger en cause. Par suite, la décision est suffisamment motivée.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse :
S'agissant du principe de l'application des contributions litigieuses :
5. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". L'article L. 5221-8 du même code dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que les contributions qu'elles prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.
7. Il résulte de l'instruction que le requérant a déclaré, lors de son audition par les services de police en date du 25 août 2016, n'avoir prêté aucune attention à la véracité de la nationalité française dont l'un des deux étrangers en situation irrégulière qu'il a employés se serait prévalu devant lui au moment de son embauche en lui présentant une fausse carte nationale d'identité. S'agissant de l'autre étranger qu'il a employé, et qui lui aurait présenté une carte d'identité italienne au moment de son embauche, le requérant d'une part, n'établit ni même n'allègue s'être acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail. D'autre part, il ne saurait être regardé comme n'ayant pas été en mesure de savoir que le document qui lui aurait été présenté revêtait un caractère frauduleux dès lors qu'il a lui-même déclaré, lors de son audition, n'avoir prêté aucune attention à son authenticité. Par conséquent, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne devrait pas être sanctionné en application des principes rappelés au point 6.
S'agissant du montant de la contribution spéciale :
8. Aux termes de l'article L. 8256-2 du code du travail issu de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016 : " Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros (...). L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés ". Il résulte de l'instruction que les contributions litigieuses ont été appliquées à M. D... pour l'emploi de deux salariés étrangers. Leur somme, qui s'élève à 18 328 euros, n'excède donc pas le montant maximal de 30 000 euros applicable pour l'emploi de deux étrangers non munis des autorisations nécessaires qui résulte de ces dispositions.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. L'OFII n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII au titre des frais qu'il a exposés, non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'OFII est rejeté.
N° 18VE02358 5