Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019, M. et Mme A... B..., représentés par Me Vavasseur, avocat, demandent à la cour :
1° d'annuler le jugement du 21 mai 2019 et l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 23 février 2017 ;
2° de condamner l'Etat à leur verser la somme de 27 840 euros en réparation du préjudice subi ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme B... soutiennent que :
- l'arrêté du préfet est entaché d'illégalité externe à raison des vices de procédure et de forme tirés de l'ignorance de l'existence de Mme D... B..., propriétaire du bien ; le principe du contradictoire n'a pas été respecté à son égard ; l'arrêté est inapplicable en ce qu'il impose des obligations à l'un des propriétaires mais pas à l'autre ; en outre M. B... n'a jamais eu de réponse à ses différents courriels, si bien que le principe du contradictoire n'a pas non plus été respecté à son égard ;
- l'arrêté du préfet est entaché d'illégalité interne en l'absence de précision suffisante des mesures adéquates à prendre pour remédier à l'insalubrité ; l'arrêté n'explique pas en quoi les ouvertures, qui donnent non pas sur une véranda à proprement parler mais sur une pergola, ne bénéficieraient pas d'un apport lumineux suffisant ; l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- leur préjudice est justifié par l'impossibilité de louer le logement concerné.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté A-17-00035 du 23 février 2017, pris sur le fondement de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, le préfet des Yvelines a, d'une part, déclaré que le logement situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 5 avenue de Wailly à Croissy-sur-Seine appartenant à M. B... était insalubre et, d'autre part, prescrit la réalisation de travaux par le propriétaire. Par courrier du 20 avril 2017, M. B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté. Par une décision du 18 août 2017, le préfet des Yvelines a rejeté ce recours gracieux. Le préfet des Yvelines a toutefois, le même jour, pris un arrêté A-17-00150 par lequel il a modifié l'article 1er de son précédent arrêté pour y ajouter Mme B... en qualité de propriétaire du logement déclaré insalubre. Par la présente requête, M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 février 2017 et à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 20 160 euros en raison des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet des Yvelines :
2. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble (...) constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé (...) concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1331-27 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département avise les propriétaires, tels qu'ils figurent au fichier immobilier, au moins trente jours à l'avance de la tenue de la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et de la faculté qu'ils ont de produire dans ce délai leurs observations. (...) / A défaut de connaître l'adresse actuelle des personnes mentionnées au premier alinéa ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune (...) où est situé l'immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble, au moins trente jours avant la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques. (...) / Le rapport motivé prévu à l'article L. 1331-26 est tenu à la disposition des intéressés dans les bureaux de la préfecture. Une copie est déposée à la mairie de la commune (...) où est situé l'immeuble. / Toute personne justifiant de l'une des qualités mentionnées au premier alinéa est, sur sa demande, entendue par la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et appelée aux visites et constatations des lieux. Elle peut se faire représenter par un mandataire. / (...) ". Aux termes du II de l'article L. 1331-28 dudit code : " Lorsque la commission ou le haut conseil conclut à la possibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'Etat dans le département prescrit les mesures adéquates ainsi que le délai imparti pour leur réalisation sur avis de la commission ou du haut conseil et prononce, s'il y a lieu, l'interdiction temporaire d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 1331-28-1 de ce même code : " Le représentant de l'Etat dans le département notifie l'arrêté d'insalubrité aux personnes visées au premier alinéa de l'article L. 1331-27. (...) / A défaut de connaître l'adresse actuelle ou de pouvoir identifier les personnes visées au premier alinéa de l'article L. 1331-27, cette notification est valablement effectuée par l'affichage de l'arrêté à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille ou Lyon, de l'arrondissement où est situé l'immeuble ainsi que sur la façade de l'immeuble. / (...) ".
3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
4. Il résulte de l'instruction que les différents courriers adressés par l'Agence régionale de santé (ARS) préalablement à l'édiction de l'arrêté d'insalubrité litigieux du 23 février 2017, et notamment l'avis de la réunion du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), ont été adressés au seul M. A... B..., alors qu'il est établi par les pièces produites par les requérants que Mme D... B..., son épouse, était également propriétaire du logement sis 5 avenue de Wailly à Croissy-sur-Seine. Le ministre fait valoir en défense que M. et Mme B... résident à la même adresse et qu'il est " hautement improbable que Mme B... ait pu ignorer l'existence de la procédure en cours " dès lors que son conjoint a réceptionné et répondu aux courriers notifiés et a participé à la visite du logement concerné et était présent lors de la réunion du CODERST. Toutefois, nonobstant les circonstances relevées par le ministre, il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait donné mandat à son époux pour la représenter dans le cadre de cette procédure, il ne résulte pas davantage de l'instruction que les courriers adressés par M. B... aient été présentés également au nom de son épouse ou qu'elle ait été présente lors de la visite du logement ou de la réunion du CODERST. Dans ces conditions, M. et Mme B... sont fondés à soutenir qu'en n'avisant pas Mme B..., propriétaire du logement en cause, de la tenue de la réunion du CODERST l'autorité administrative a privé l'intéressée d'une garantie, sans que l'intervention, le 18 août 2017, d'un simple arrêté modificatif puisse remédier à ce vice de procédure. Par suite, ce vice affectant le déroulement de la procédure administrative préalable entache d'illégalité l'arrêté d'insalubrité du préfet des Yvelines. M. et Mme B... sont en conséquence fondés à demander l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".
6. Si M. et Mme B... ont demandé en première instance, dans leur mémoire en réplique du 18 octobre 2018, l'indemnisation du préjudice résultant de l'arrêté d'insalubrité litigieux qui les plaçaient dans l'impossibilité de louer le bien immobilier concerné, il est constant que les requérants n'ont pas adressé préalablement une demande indemnitaire à l'administration. Leurs conclusions indemnitaires sont par suite irrecevables et doivent, en conséquence, être rejetées.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 février 2017 par lequel le préfet des Yvelines a déclaré insalubre avec interdiction d'habiter le logement situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 5 avenue de Wailly à Croissy-sur-Seine et prescrit la réalisation de travaux dans ce logement.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté A-17-00035 du 23 février 2017 du préfet des Yvelines est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 1705457 du 21 mai 2019 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
N° 19VE02600 2