- la somme de 10 967,84 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;
- la somme de 700 euros au titre des frais d'expertise qu'il a exposés dans le cadre de la procédure menée devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation.
Par un jugement n° 1702489 du 4 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à qui le tribunal administratif de Paris a transmis le dossier en application des articles R. 221-3, R. 312-14 et R. 351-3 du code de justice administrative, a condamné l'AP-HP à verser à l'ONIAM une somme totale de 81 200,84 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire enregistrée le 4 août 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 26 septembre 2019, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, avocat, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 4 juin 2019 et de rejeter la demande de l'ONIAM ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit, une nouvelle expertise médicale ;
3°) à titre plus subsidiaire, de ramener à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées par les premiers juges.
L'AP-HP soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé et ne répond pas à l'ensemble des moyens invoqués par elle ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la réalisation de la trachéotomie n'avait pas été réalisée dans les règles de l'art ainsi que l'existence d'un défaut de surveillance ;
- l'appréciation des experts désignés par la CCI quant à l'existence d'une faute dans la réalisation de la trachéotomie liée aux conditions dans lesquelles elle a été réalisée est éminemment contestable, de même que celle relative à la cause des décanulations successives ; une nouvelle expertise apparaît donc utile ;
- à supposer qu'une faute puisse être reconnue, elle ne serait qu'à l'origine d'une perte de chance d'éviter la survenue du décès ; le jugement attaqué, qui a mis à la charge de l'AP-HP l'indemnisation intégrale des préjudices ne pourrait échapper à l'infirmation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 octobre 2012, M. A... C..., alors âgé de 27 ans, a été hospitalisé à l'hôpital Raymond Poincaré, établissement relevant de l'AP-HP, pour y subir une trachéotomie. Cette intervention avait vocation à pallier l'insuffisance respiratoire causée par la myopathie de Duchenne dont il était porteur et qui avait atteint un stade avancé. L'intervention, qui s'est déroulée sans difficulté particulière, a été suivie de plusieurs expulsions de la canule, de la survenue d'une inflammation de la trachéotomie, de douleurs, d'un pneumothorax, d'un pneumo médiastin et finalement, le 14 octobre 2012, d'une hémorragie brutale au niveau de la trachée et des poumons. M. C... a été transféré le 15 octobre à l'hôpital Georges Pompidou où il a été admis en service de réanimation et où une intervention chirurgicale a été décidée. M. C... est toutefois décédé le jour même avant qu'elle ne puisse être réalisée. Ses parents et ses frères ont présenté le 25 juillet 2013 une demande d'indemnisation à la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France, qui a désigné un expert. Au vu du rapport d'expertise remis le 15 novembre suivant, la commission a émis un avis favorable à l'indemnisation des proches de M. C... par l'AP-HP. Celle-ci n'a pas présenté d'offre d'indemnisation dans le délai de quatre mois imparti par les dispositions de l'article L. 1142-14 du code de la santé publique. Les parents et les frères de M. C... ont donc demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de se substituer à l'AP-HP. L'ONIAM, par huit protocoles transactionnels, leur a accordé des indemnités évaluées au total à 73 118,94 euros. L'AP-HP relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser à l'ONIAM une somme totale de 81 200,84 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si l'AP-HP soutient dans sa requête sommaire que le jugement attaqué du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est insuffisamment motivé et ne répond pas à l'ensemble de ses moyens invoqués en première instance, ce moyen, non repris dans le mémoire complémentaire produit par la requérante, doit être écarté comme manquant en fait, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la requérante, ayant suffisamment motivé leur jugement et répondu aux moyens soulevés par le défendeur.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé en vertu de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.
En ce qui concerne la responsabilité de l'AP-HP :
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'intervention chirurgicale du 5 octobre 2012, pourtant prévue de longue date et programmée, s'est déroulée dans le service de réanimation de l'Hôpital Raymond Poincaré et non dans un bloc opératoire. Si l'AP-HP soutient que la réalisation de la trachéotomie au lit du patient est une pratique admise et validée dans la littérature médicale, il n'en demeure pas moins, ainsi que l'indiquent les experts, qu'une intervention en bloc opératoire, réalisée au surplus dans des conditions de sécurité maximales, aurait permis de bien définir la hauteur de l'ouverture de la trachée à la base du cou afin d'éviter les complications. Il ressort en effet également des conclusions des experts que les décanulations successives qui se sont produites les 8 et 12 octobre, associées au caractère inflammatoire de la trachéotomie et aux douleurs dont s'est plaint le patient de façon régulière depuis le 6 octobre, traduisent une mauvaise adaptation de la canule à la trachée, notamment en raison du niveau de la trachéotomie. A cet égard, il résulte de l'instruction que dès le 5 octobre, M. C... a présenté une atélectasie de la base pulmonaire droite (rétractation d'alvéoles pulmonaires), résultant du fait que la canule ne ventilait qu'un seul poumon, circonstance constatée également les 10 et 13 octobre. Selon les experts, une telle situation est exceptionnelle avec une canule de trachéotomie, qui n'est pas en principe assez longue pour aller jusque dans la bronche, et ne s'explique que par le fait que la trachéotomie a été réalisée trop bas sur la trachée, à proximité anormale de la bronche. Si l'AP-HP soutient, comme elle le faisait en première instance, que les complications survenues, sous la forme de décanulations suivies d'hémorragie, constituent des risques bien connus et répertoriés dans la littérature médicale de la trachéotomie, cette allégation ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause les conclusions étayées de l'expertise. Il suit de là que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la réalisation de l'intervention chirurgicale du 5 octobre 2012, non conforme aux règles de l'art, était constitutive d'une faute qui lui était imputable.
5. En deuxième lieu, pour contester que sa responsabilité est également engagée à raison d'un défaut de surveillance, l'AP-HP se borne en appel à se prévaloir des termes d'une enquête médico-administrative qu'elle a fait réaliser, dont les conclusions, peu circonstanciées quant aux conditions de prise en charge de M. C..., sont insuffisantes pour invalider l'appréciation portée par les premiers juges, sur la base des conclusions des experts et au terme d'une analyse circonstanciée et précise, quant à l'existence d'une faute résultant du défaut de surveillance.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que les fautes commises dans la prise en charge chirurgicale et médicale de M. C..., imputables à l'établissement hospitalier et directement et exclusivement à l'origine de son décès, engageaient sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices :
7. Ouvre droit à réparation le dommage corporel résultant de manière directe et certaine de la faute commise par le service public hospitalier. Ainsi qu'il vient d'être dit, outre la faute résultant du défaut de surveillance, la responsabilité de l'AP-HP est engagée en raison de l'intervention chirurgicale elle-même. Il résulte par ailleurs de l'instruction que M. C... ne serait pas décédé si sa prise en charge à l'hôpital Raymond Poincaré n'avait pas été fautive. Ainsi le décès de M. C... est la conséquence directe de la faute du centre hospitalier. Il suit de là que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas tenue de réparer l'intégralité des préjudices subis par M. C... et ses ayants droit mais seulement la perte de chance d'éviter le décès. Par suite, la requérante ne développant par ailleurs aucune critique quant à l'évaluation des préjudices sur la base de laquelle l'ONIAM a déterminé le montant des indemnités versées aux consorts C..., il y a également lieu pour la cour de confirmer le jugement attaqué sur ce point.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à l'ONIAM une somme totale de 81 200,84 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'AP-HP est rejetée.
N° 19VE02839 2