Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier et 5 février 2021, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 décembre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- aucun élément du dossier ne permet ne permet de tenir pour établi l'hébergement de l'intéressé chez un oncle ; il est domicilié dans un foyer de demandeur d'asile ;
- aucun élément ne permet d'affirmer que le risque de contracter la Covid-19 serait supérieur dans un centre d'hébergement en Allemagne ;
- le moyen tiré de l'incompétence manque en fait ;
- l'arrêté est dument motivé ;
- l'intéressé a reçu les brochures d'information exigées ;
- l'entretien en préfecture a été mené par une personne qualifiée ;
- il a bénéficié du concours d'un interprète en langue bengali.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M C..., ressortissant bangladais né le 3 octobre 1998, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 23 décembre 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté. Le préfet des Hauts-de-Seine relève appel de ce jugement.
Sur le moyen retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
3. Pour annuler l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine prononçant le transfert de M. C... aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile, le magistrat désigné a considéré que cet arrêté méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que M. C... soutenait qu'il a cherché à voir sa demande d'asile examinée en France car il y bénéficiait de la possibilité d'être hébergé par son oncle maternel, avec lequel il entretient des liens forts et qui, résidant en France depuis 1986 et y ayant obtenu la nationalité, était à même de l'assister dans ses démarches en vue de la reconnaissance de la qualité de réfugié, et qu'au surplus, en cas de transfert en Allemagne, M. C... serait probablement hébergé dans un centre réservé aux demandeurs d'asile. Or, compte tenu de la situation sanitaire découlant de la pandémie de Covid 19, le risque de contracter cette maladie serait bien supérieur dans un hébergement de ce type, du fait de la promiscuité qui y règne.
4. Toutefois, ainsi que le fait valoir le préfet des Hauts-de-Seine en appel, l'intéressé est domicilié dans un foyer de demandeur d'asile en France, il a déclaré lors de l'entretien individuel ne pas avoir de famille en France, et aucune pièce probante du dossier ne permet de considérer comme établi l'hébergement chez son oncle, l'attestation produite par M. E... étant postérieure à l'arrêté attaqué, et le lien de parenté avec cette personne présenté comme son oncle n'étant pas davantage établi. Dans ces conditions, les risques plus importants allégués de contracter la Covid-19 en cas de transfert en Allemagne ne sont pas établis. Le préfet des Hauts-de-Seine est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que l'arrêté du 30 novembre 2020 méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'a annulé pour ce motif.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C....
Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. C... :
6. En premier lieu, M. A... B..., adjoint au chef du bureau asile, a reçu délégation de signature par arrêté du 2 octobre 2020 régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque ainsi en fait et doit être écarté.
7. En deuxième lieu, l'arrêté mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et notamment le fait que la consultation des empreintes digitales au fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait déposé une demande d'asile auprès des autorités allemandes le 10 août 2020, soit préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France, et que les autorités allemandes ont fait connaître leur accord à la demande de prise en charge qui leur a été adressée. Il est ainsi suffisamment motivé, notamment sur la détermination du pays de transfert. Il ne ressort pas par ailleurs des termes de l'arrêté que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. C....
8. En troisième lieu, il ressort des pièces produites par le préfet que M. C... a déposé une demande d'asile auprès des autorités allemandes le 10 août 2020, et que les autorités allemandes ont accepté le transfert de M. C.... Le moyen tiré de l'erreur de fait manque en fait.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "
10. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a bénéficié, les 18 septembre et 23 novembre 2020, d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture. Le préfet a produit un résumé de l'entretien individuel du 23 novembre 2020 contenant les principales informations fournies par le demandeur. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent ayant mené l'entretien n'aurait pas été qualifié pour le conduire. Dès lors que l'entretien de M. C... a été mené par une personne qualifiée au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. C... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par ailleurs, cet entretien a eu lieu en bengali, langue comprise par l'intéressé qui a d'ailleurs déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ", par le biais d'un interprète qualifié de l'agence ISM interprétariat dont le nom, le prénom et l'adresse sont indiqués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté. De même, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas pu faire valoir l'ensemble des éléments de sa situation.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement [...]. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 [...] ".
12. Il ressort des pièces du dossier produites par le préfet que M. C..., qui a présenté une demande d'asile le 18 septembre 2020, s'est vu remettre lors de son premier entretien, contre signature, la brochure dite " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' "), la brochure dite " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' "), ainsi que le " guide du demandeur d'asile " et la brochure " Eurodac ". Il n'est pas contesté que ces documents, rédigés en langue bengali qu'il a choisie lors de cet entretien, comportaient l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
13. En dernier lieu, M. C... soutient que l'arrêté attaqué méconnaît l'autorité de la chose jugée dès lors que par jugement du 7 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé un arrêté précédent du préfet des Hauts-de-Seine de remise aux autorités allemandes du 20 octobre 2020. Toutefois, le motif d'annulation de l'arrêté préfectoral résidait dans l'absence de production à l'instance par le préfet des brochures d'information remises à l'intéressé exigées par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 permettant de vérifier le respect du droit à l'information du demandeur d'asile. L'arrêté contesté du 30 novembre 2020, pris à la suite d'un nouvel entretien et d'une nouvelle procédure, ne méconnaît ainsi pas l'autorité de la chose jugée.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 30 novembre 2020 et lui a enjoint de lui délivrer une attestation de demande d'asile à M. C.... Les conclusions de la demande présentée par ce dernier devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise auxquelles cette juridiction a fait droit doivent en conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2012604 du 23 décembre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
N° 21VE00198 2