Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 janvier 2018, Mme A..., représentée par Delestrade, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2017 en ce qu'il n'a condamné le groupe hospitalier Le Raincy-Montfermeil à ne lui verser qu'une indemnité de 28 136 euros ;
2°) de condamner le groupe hospitalier intercommunal (GHI) Le Raincy-Montfermeil à lui verser des sommes plus importantes en réparation de ces préjudices ;
3°) de mettre à la charge du GHI Le Raincy-Montfermeil une somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il s'agit d'un accident médical fautif ;
- il convient de revoir l'indemnisation au titre de la tierce-personne en se fondant sur un taux horaire de 23,30 euros ;
- les dépenses futures de santé peuvent être évaluées à 4 000 euros ;
- le déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à la somme de 8 943 euros ;
- les souffrances endurées temporaires doivent être évaluées à la somme de 10 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent évalué à 15 000 euros doit être confirmé ;
- les souffrances endurées permanentes doivent être évaluées à 10 000 euros ;
- le préjudice d'agrément permanent doit être évalué à 8 000 euros ;
- l'aide humaine nécessaire pour l'entretien de son jardin peut être évalué à 16 500 euros ;
- le préjudice esthétique doit être évalué à 1 500 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a consulté le 3 mai 2013 au sein du service des urgences du groupe hospitalier intercommunal (GHI) Le Raincy-Montfermeil pour une douleur thoracique lancinante. Lors de cette consultation, une prise de sang a été réalisée afin de doser les enzymes cardiaques. En raison de l'apparition d'un important hématome et de douleurs persistantes au bras à la suite de cette prise de sang, Mme A... a adressé le 30 décembre 2014 une réclamation préalable au groupe hospitalier intercommunal (GHI) Le Raincy-Montfermeil lequel l'a rejetée. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner cet établissement à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette faute. Par un jugement du 14 novembre 2017, le tribunal a condamné le GHI Le Raincy-Montfermeil à lui verser une indemnité de 28 136 euros et à verser à la CPAM de la Seine-Saint-Denis une somme de 533,98 euros en remboursement des débours ainsi qu'une somme de 177,99 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Mme A... relève appel de ce jugement en ce qu'il n'a condamné le GHI à ne lui verser qu'une indemnité de 28 136 euros. Le GHI, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité, et le rejet de la demande de Mme A....
Sur la responsabilité du GHI Le Raincy-Montfermeil :
2. Il ressort des pièces du dossier que lors du prélèvement sanguin effectué le 3 mai 2013 sur le bras gauche, Mme A... a ressenti une vive douleur irradiant le bras et qu'un hématome est apparu par la suite d'une longueur de 27 cm sur la face interne du bras. Si les examens médicaux pratiqués, échographies du coude, électromyogramme, IRM, n'ont pas montré de signe clinique objectif de lésion nerveuse, il résulte de l'instruction que la douleur et l'impotence persistantes du bras gauche dont souffre Mme A... résultent d'une lésion du nerf médian, situé immédiatement en projection de la zone ponctionnée lors du prélèvement sanguin. L'atteinte du nerf médian lors d'une prise de sang constitue un geste médical non conforme susceptible d'engager la responsabilité du GHI Le Raincy-Montfermeil.
Sur les préjudices :
3. Il résulte de l'instruction que Mme A..., née en 1940, a conservé des douleurs dans le bras gauche et une difficulté à plier le coude occasionnant une gêne fonctionnelle. Son état a été considéré comme consolidé par l'expert désigné par le tribunal administratif, le 3 mai 2015, soit deux ans après la prise de sang effectuée lors de son admission au centre hospitalier.
Sur les préjudices patrimoniaux :
Concernant l'aide par tierce personne :
4. L'expert désigné par le tribunal administratif a estimé que l'aide d'une tierce-personne était justifiée pour 5 heures par semaine du 3 mai au 3 juillet 2013, puis pour 3 heures par semaine jusqu'au 3 mai 2015, puis une heure par semaine de façon permanente pour les gros travaux. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une aide spécialisée serait nécessaire ou qu'un taux horaire de 23,30 euros serait justifié. Par suite, il y a lieu de confirmer les taux horaires retenus par le tribunal administratif compte tenu du salaire minimal moyen durant ces périodes augmenté des charges sociales, et des congés payés, dimanches et jours fériés, fixé à 12 euros pour l'année 2013, à 13 euros pour l'année 2014 et à 13,50 euros pour l'année 2015, et de fixer l'indemnité réparant ce chef de préjudice avant consolidation à la somme de 4 132 euros.
5. Pour la période du 3 mai 2015 au 3 mai 2020, il y a lieu de fixer un taux horaire de 14 euros et d'allouer à Mme A... une indemnité de 3 640 euros.
Concernant l'entretien du jardin de la requérante :
6. Concernant l'entretien de son jardin, Mme A... soutient qu'elle ne peut plus entretenir elle-même son jardin ni tailler la haie de 80 mètres de longueur, et demande à ce titre une somme de 16 500 euros. Toutefois, les attestations produites par ses enfants ne permettent pas d'établir, compte tenu de l'âge de la requérante, que cette dernière se chargeait elle-même d'entretenir sa haie avant l'accident du 3 mai 2013. En outre, l'aide par tierce-personne prévoyant une heure par semaine de façon permanente pour les gros travaux, il n'y a pas lieu d'accorder une indemnité spécifique pour les frais liés à l'entretien du jardin de Mme A....
Concernant les frais divers de santé :
7. Mme A... justifie en appel de factures de produits de soins arnigel et décontractyl pour des montants divers et d'une consultation au service anti-douleur de l'hôpital Tenon. Il sera, par suite, allouée une somme globale de 150 euros. En revanche, le lien de causalité entre l'accident survenu le 3 mai 2013 et les factures de lexomyl, " les cours de langage ", et les factures de pédicure dont Mme A... demande le remboursement n'est pas établi. Concernant la location d'un neurostimuleur, il ne résulte pas de l'instruction qu'une somme serait restée à la charge de la requérante.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
Concernant le déficit fonctionnel temporaire :
8. Il résulte de l'instruction que Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire de 15 % du 3 mai au 3 juillet 2013 puis de 12 % jusqu'au 3 mai 2015. Compte tenu de l'âge de la requérante, née en 1940, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 864 euros.
Concernant les douleurs endurées :
9. Il résulte de l'instruction que Mme A... a enduré des douleurs à hauteur de 2,5 sur une échelle de 7 du 3 mai 2013 au 3 mai 2015. Il y a lieu, par suite de confirmer le montant de 2 500 euros pour l'indemnité réparant ce chef de préjudice.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents :
Concernant le déficit fonctionnel permanent :
10. Il résulte de l'instruction que si Mme A... a conservé une gêne douloureuse au coude. Un taux de déficit fonctionnel permanent englobant la limitation de la mobilité du coude, les douleurs neuropathiques et le retentissement psychologique est fixé à 12 %. Il y a lieu, par suite d'évaluer ce chef de préjudice comprenant ainsi également les douleurs ressenties, à la somme globale de 15 000 euros.
Concernant les douleurs endurées :
11. Si Mme A... demande une somme de 10 000 euros à ce titre, ces douleurs, déjà prises en compte pour déterminer le taux de déficit fonctionnel permanent, ont été indemnisées à ce titre.
Sur le préjudice esthétique :
12. Le préjudice esthétique subi par Mme A... résultant de la raideur du coude gauche peut être évalué à 0,5 sur une échelle de 7. En fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 500 euros, le tribunal administratif n'a pas sous-évalué ce chef de préjudice.
Sur le préjudice d'agrément :
13. Mme A... soutient qu'elle ne peut plus entretenir son jardin, porter ses partitions à la chorale, ni conduire sa voiture. Toutefois, l'expert a considéré qu'elle était autonome et pouvait conduire son véhicule sur de courtes distances, et ce chef de préjudice a déjà été indemnisé dans le cadre du déficit fonctionnel permanent par l'indemnité fixée à 15 000 euros. Par ailleurs, elle n'établit pas davantage l'impossibilité de participer à une chorale faute de pouvoir tenir les partitions avec son bras gauche. Par suite, en fixant l'indemnité réparatrice à la somme de 1 500 euros, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice résultant de la difficulté à jardiner.
Sur les conclusions de la CPAM de la Seine-Saint-Denis :
14. La responsabilité du GHI Le Raincy-Montfermeil étant engagé, il y a lieu de confirmer la condamnation de cet établissement à verser à la CPAM la somme de 533,98 euros au titre des débours engagés, et la somme de 177,99 euros demandée au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
15. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité que le GHI Le Raincy-Montfermeil a été condamné à verser à Mme A... doit être portée à la somme de 28 286 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une des parties les sommes réclamées à ce titre par une autre partie.
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité que le GHI Le Raincy-Montfermeil a été condamné à verser à Mme A... par le jugement du 14 novembre 2017 est portée à la somme de 28 286 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1505622 du tribunal administratif de Montreuil du 14 novembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A..., le GHI Le Raincy-Montfermeil et la CPAM de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 18VE00114 2